Nightmare Creatures II

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Konami Corporation
Testé sur : PlayStationDreamcast

La licence Nightmare Creatures (jusqu’à 2000) :

  1. Nightmare Creatures (1997)
  2. Nightmare Creatures II (2000)

Version PlayStation

Date de sortie : 24 mai 2000 (Amérique du Nord) – 8 septembre 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 bloc)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Le truc avec le jeu vidéo, c’est que parfois, on ne sait pas. La constatation pourrait d’ailleurs sans doute s’appliquer à n’importe quelle forme de média : il y a des succès que l’on constate, mais que l’on ne s’explique pas forcément. Nightmare Creatures est un assez bon candidat pour correspondre à cette définition ; car enfin, qu’est-ce qui avait bien pu pousser ce beat-them-all somme toute banal et répétitif, d’ailleurs accueilli plutôt tièdement par une presse vidéoludique pas très impressionnée, à s’écouler à plus d’un million et demi d’exemplaires ? Une question que l’équipe de chez Kalisto, qui tenait là son plus grand tabac, a fatalement dû se poser – quand on tient une potentielle licence capable de remplir les caisses et d’assurer la survie d’un studio sur la durée, on fait rarement l’impasse dessus.

Il y avait sans doute matière à réfléchir ; à réaliser, par exemple, que ce qui représentait l’unique originalité du titre à sa sortie – à savoir son ambiance horrifique – était peut-être devenu un peu moins neuf trois ans plus tard, après la sortie de cinq épisodes de Resident Evil (sans compter les Director’s Cut) et d’un épisode de Silent Hill, sans même mentionner les Parasite Eve et autres titres ayant contribué à faire de l’horreur un thème comme un autre au sein du jeu vidéo. Qu’importe : sur le papier, le marketing avait déjà trouvé la formule magique ; Nightmare Creatures II allait constituer la rencontre entre Tomb Raider et Resident Evil – une licence à succès qui en rencontre deux autres, imparable ! Ajoutez Rob Zombie pour faire la musique dans les bagages, et l’affaire est dans le sac. Dans les faits, ce deuxième opus n’aura jamais approché le succès de son prédécesseur, et les rocambolesques projets d’adaptation filmique n’auront jamais atteint le stade de la production. Les causes en sont nombreuses, mais ce qui transparait en filigrane, c’est surtout le sentiment d’un jeu qui devait être fait mais que personne à Kalisto ne semblait vraiment avoir envie de faire – en tous cas, c’est ce qu’on est invité à croire en constatant le manque absolu d’idée, de prise de risque ou simplement de soin que représente cet épisode. Incroyable mais vrai : ce qui aurait dû être le projet phare d’une équipe surmotivée ressembla au final à un jeu de commande sans inspiration réalisé en urgence par un studio tiers – et scella de fait la mort de la licence, en dépit d’un épisode sur smartphone en 2003… un an après la faillite de Kalisto.

Pour commencer, on aurait pu penser que Nightmare Creatures II allait creuser un peu son univers et ses personnages : raté. Déplacée en 1934, l’action voit donc le grand méchant du premier opus, Adam Crowley, revenir – sans qu’on sache jamais par quel miracle ni même pourquoi. Cette fois, c’est un certain Wallace, grand brûlé torturé par des démons intérieurs et ancien membre du « cercle » du premier épisode (on n’en saura là encore jamais plus), qui décide de se lancer à la poursuite du magicien et surtout de Rachel, la femme qu’il aime. Et c’est tout.

On pourra déjà regretter que l’intrigue ultra-convenue ne s’étale une nouvelle fois quasiment que pendant les écrans de chargement (où elle oublie d’être sous-titrée une fois sur deux, un assez bon indice du manque de soin mentionné plus haut), mais elle parvient même l’exploit à se transformer en véritable repoussoir de par son manque absolu de cohérence et de profondeur. Le meilleur exemple en étant le fameux personnage de Rachel, que notre héros retrouve à la moitié du jeu… ce qui se traduit par une cinématique de dix secondes où les deux protagonistes n’échangent pas un mot, avant de… se séparer pour continuer la route chacun de leur côté ! Quelle belle histoire ! La demoiselle n’agira d’ailleurs que comme une sorte de fil rouge jamais mis à contribution (elle n’a pas un seul mot de dialogue de tout le jeu, c’est pratique, ça permet d’éviter d’engager une actrice pour la doubler), parfait symbole d’une narration bouche-trou qui ne sert qu’à relier tant bien que mal des niveaux n’ayant souvent aucun rapport entre eux. Ne soyez donc pas surpris de voir Wallace entrer dans une crypte pour déboucher sur… un biplan qui lui permet de s’envoler vers Paris, ou arriver dans une station de métro après avoir soulevé une pierre tombale de trois-cents kilos au fin-fond d’un cimetière ; le fameux « plan diabolique de Crowley en lui-même ne sera jamais détaillé, on sait juste qu’il veut « détruire Paris » sans jamais dire pourquoi ni comment. Bref, la narration n’a ni queue ni tête et ne parvient même pas à matérialiser des enjeux qui étaient déjà plus détaillés dans Super Mario Bros. Ça commence mal.

Ceci dit, on ne va pas se mentir, le scénario n’était déjà pas exactement le point fort du premier épisode, qui semblait déjà ne considérer son intrigue que comme une façon créative d’égayer ses temps de chargement. C’était avant toute chose un beat-them-all limité et ultra-linéaire qui ne tenait que par la nervosité induite par le système d’adrénaline et par la relative variété de niveaux assez court. Comment, donc, imaginer sa suite ? Eh bien en en faisant un beat-them-all tout aussi limité et ultra-linéaire avec des niveaux et des combats interminables, dans des environnements qui se ressemblent tous et face à des ennemis dont les variations se comptent sur les doigts des deux mains, pardi !

Le déroulement est assez facile à résumer : on avance dans un grand couloir, on tombe sur un monstre (généralement introduit par une cinématique impossible à passer de dix secondes, pour la tension dramatique vous comprenez…), on passe une minute à le tuer et on recommence – avec parfois DEUX monstres, mais jamais trois parce qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses. Évidemment, on pourrait penser qu’un déroulement aussi balisé aurait invité Kalisto à soigner son système de combat aux petits oignons… mais dans les faits, entre l’imprécision des attaques, le fait que le jeu ne comporte en tout et pour tout que DEUX combos (lesquels ne sortent d’ailleurs qu’environ une fois sur quinze) et que les patterns ennemis soient hyper-limités, chaque affrontement prend plus ou moins la même forme : on bloque, on enchaine deux attaques, rincez, répétez. Même les affrontements contre deux adversaires ne changent rien : seul celui qui est verrouillé par la caméra vous attaque (et honnêtement, vu l’étroitesse de la plupart des salles et la difficulté de manœuvrer contre un seul ennemi, ce n’est sans doute pas plus mal). Quelques power-up permettent d’écourter les affrontements à coups de fusil ou d’attaques magiques, et des fatalités… les rallongent, puisqu’il faudra alors se fader une animation impossible à passer de dix secondes pour disposer d’un adversaire à qui il ne restait de toute façon que 10% de sa vie. Ajoutez-y les indispensables bonus de soins, et vous aurez tout le contenu du jeu. Pour cinq à six heures. Sérieusement.

Le tout respire la paresse autant que le manque d’inspiration, et il est absolument hallucinant que des testeurs aient pu s’essayer au jeu pendant plus d’une demi-heure et se dire : « nickel, ça fonctionne comme un charme ». Le pire étant qu’on sent qu’avec quelques retouches – un inventaire avec différentes armes, des environnements plus ouverts, un système de combat plus précis et plus technique – on pouvait assez facilement obtenir, à défaut d’un jeu génial, une sorte de proto-Dark Souls tout-à-fait honnête. Au lieu de cela, on hérite d’un jeu-couloir rythmé avec les pieds où tout, du game design au level design, sent l’approximation et le pif total.

Déclarer vouloir s’inspirer de Tomb Raider, c’est une chose, mais le titre de Core Design disposait de niveaux semi-ouverts excellemment conçus et tirant magnifiquement parti de la verticalité, avec des énigmes efficaces et des combats objectivement mieux fichus. Ici, quelle meilleure façon d’égayer un long couloir avec un croisement tous les cent mètres qu’en imposant un backtracking fastidieux pour aller chercher des clefs et autres rouages histoire de pouvoir avancer ? Parce que c’est vrai que tout le monde aime les labyrinthes aquatiques à réaliser avec une réserve d’oxygène limitée, les éléments indispensables planqués derrière un passage secret, les points de sauvegarde essaimés toutes les vingt minutes et les monstres qui réapparaissent pour vous occuper – c’est tellement amusant ! Les éléments interactifs sont parfois si peu clairs qu’on peut se retrouver dans une impasse sans avoir la moindre idée d’où on est censé aller – ce qui, dans un couloir, est toujours vexant – et bien évidemment, il n’y aucun système de carte ni aucune fonction pour observer autour de vous – on n’est jamais que dans un jeu de l’an 2000 en 3D, voyons, personne n’avait pensé à ça !

En fait, non seulement le titre semble parfaitement s’accommoder de dérouler à peu près tous les poncifs déjà éculés du genre sans y apporter la moindre trouvaille (attendez-vous à bouffer du cimetière, des catacombes, des maisons abandonnées, des cryptes et des rues désertes d’un bout à l’autre – sans oublier les égouts, toujours très important les égouts), mais il donne même parfois le sentiment de carrément chercher à troller le joueur.

Par exemple, imaginez un dernier niveau vous demandant d’escalader la Tour Eiffel, qu’est-ce qui pourrait être plus drôle… que de vous demander, une fois à mi-hauteur, de RETOURNER TOUT EN BAS pour ouvrir une porte que vous ne pouviez pas débloquer plus tôt, avant de REMONTER AU SOMMET (avec les monstres réapparus en route), le tout… juste pour pouvoir ouvrir, avec un pied de biche, une grille que n’importe qui d’autre aurait simplement démonté avec la hache qui ne quitte jamais le personnage principal ! En y ajoutant des boss qui ne sont pas grand chose de plus que des ennemis ordinaires avec une jauge plus longue (à part l’avant-dernier, qui est une saloperie demandant de réussir en boucle les fameux combos qui ne sortent qu’une fois sur quinze), des environnements inlassablement coincés dans les teintes gris-marron-vert-noir (parce qu’évidemment TOUT LE JEU se déroule une nouvelle fois de nuit, avec impossibilité d’y voir à plus de dix mètres de distance) et une action qui ne se renouvèle absolument jamais, à aucun niveau, et vous comprendrez qu’on finisse par trouver le temps long bien avant d’avoir atteint la fin d’une aventure pourtant assez courte.

En fait, c’est exactement comme si l’équipe de développement avait produit une démo technique de cinq minutes avec trois pièces et un unique combat et que quelqu’un chez Konami leur avait dit « c’est parfait, étirez-moi ça sur cinq heures et ça part à la distribution ». En-dehors d’une réalisation assez solide pour la console, il n’y a vraiment pas grand chose à sauver dans ce qui reste une suite de combats hyper-limités se résolvant mal et toujours de la même façon sans aucune subtilité pendant ce qui ressemble fort logiquement à une éternité.

Cela ressemble furieusement à un jeu que personne ne voulait faire, à destination d’un public que personne n’avait cherché à cerner, sans manifester la plus infime curiosité à l’égard du reste de la production de l’époque – laquelle avait pourtant placé les curseurs à des niveaux stratosphériques comparé à ce qui est présent ici. Un titre sans scénario, sans réel game design, avec de grands couloirs tous pareils qu’il faudra souvent reparcourir plusieurs fois – mais attention, hein, avec des textures soignées et une résolution élevée. Autant dire quelque chose qui, selon votre degré de patience et d’exigence, pourra faire illusion entre dix minutes et une heure avant de commencer à saturer de ré-affronter le même ennemi pour la 853ème fois. À réserver aux vrais mordus de la licence – et des jeux qui ne demandent jamais de changer sa façon de jouer quelles que soient les circonstances. Parce que bon, aussi, des fois, c’est précisément pour ne pas avoir à réfléchir qu’on joue.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 11,5/20

Comment développe-t-on la suite d'un jeu sans idée ? Avec encore moins d'idées ! Forme de redite de Nightmare Creatures dans le même cadre et avec les mêmes mécanismes, Nightmares Creatures II n'a hélas jamais l'idée de creuser ses personnages et son univers, de peaufiner un peu l'écriture ou simplement d'avoir autre chose à offrir que les éternels mêmes couloirs contre les éternels mêmes monstres dans les éternels mêmes environnements (Oh, une crypte ! Ah, un cimetière ! Oh ben tiens, des égouts, si je m'attendais à ça !) – et d'étirer la chose sur cinq à six très fastidieuses heures de jeu qui en paraissent le triple. Un problème de rythme résultant grandement de combats trop limités, d'une exploration sans intérêt, d'une histoire non-existante et d'une atmosphère qui était déjà éculée en 2000. Faute de séquences vaguement marquantes, le titre de Kalisto n'est pas grand chose de plus qu'un long jeu-couloir qui étire au-delà du raisonnable (et de l'ennui) l'équivalent de dix minutes de gameplay. Vraiment pas de quoi se relever la nuit.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des niveaux beaucoup trop longs pour ce qu'ils ont à offrir, avec une dose de backtracking particulièrement fastidieux
– Des combats répétitifs qui ne se renouvèlent jamais...
– ...et aux mécanismes bien trop limités
– Un scénario qui ne fait même pas semblant d'exister
– Des boss insignifiants et aussi peu marquants que le reste du jeu...
– ...à part l'avant-dernier, totalement infranchissable si vous ne savez pas exécuter à la perfection et en boucle l'un des deux seuls combos du jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Nightmare Creatures II sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Un titre à l’ambiance sinistre qui essaie de jouer sur deux tableaux à la fois (Tomb Raider et Resident Evil), mais qui du coup n’excelle dans aucun des deux genre. Il souffre en outre d’une réalisation beaucoup trop inégale. »

Jeuxvideo.com, 29 septembre 2000, 11/20

Version Dreamcast

Développeur : Kalisto Entertainment SA
Éditeur : Konami Corporation
Date de sortie : 9 juin 2000 (Amérique du Nord) – 29 septembre 2000 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, espagnol, français
Support : GD-ROM
Contrôleurs : Arcade Stick, joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Jump Pack supporté
VGA Box/Cord supporté
VMU supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quelle qu’ait été l’ambition initiale des développeurs de chez Kalisto, Nightmare Creatures II n’aura pas exactement multiplié les portages : un simple détour par la Dreamcast et la messe était dite, les chiffres de vente se révélant sans doute assez décevants. Et qu’offre pour l’occasion cette fameuse version 128 bits ? Eh bien exactement la même chose que sur PlayStation, mais avec une résolution plus élevée et des effets 3D mieux rendus. Les modes de jeu et les options sont restés strictement les mêmes, à l’exception du choix d’activer ou non le filtrage bilinéaire, et la jouabilité comme le contenu étalent les mêmes limites que sur la console de Sony, mais en un tout petit peu plus lisible quand même. Autant dire que c’était vraiment le minimum attendu, que ça ne tire absolument pas parti des capacités de la machine et que ce n’était certainement pas le jeu à acquérir en priorité sur sa Dreamcast, surtout avec Resident Evil 3 et Code : Veronica disponibles à la même période. Décevant et oubliable.

NOTE FINALE : 12/20

« La même chose que sur PlayStation en un tout petit peu plus lisible » est sans doute le meilleur résumé d’une version Dreamcast de Nightmare Creatures II qui ne cherche jamais à être autre chose qu’un simple portage, au sens le plus strict et le plus limité du terme. Dommage qu’aucun des dizaines de problèmes qui infestaient la version originale n’ait été corrigé pour l’occasion.

Les avis de l’époque :

« J’ai de nombreux problèmes avec Nightmare Creatures II. Commençons avec ce qui doit être le pire de tous : la monotonie absolue de l’action. Malgré le système de combo et les power-up, Kalisto est à des kilomètres d’être parvenu à rendre les combats intéressants ou ludiques, ce qui est un crime très sérieux pour un jeu basé quasi-entièrement sur le combat. »

Wheat, PlanetDreamcast.com, 17 septembre 2000, 4/10 (traduit de l’anglais par mes soins)

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