Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun

Développeur : Westwood Associates
Éditeur : SEGA Enterprises, Inc.
Titre alternatif : HollowWorld (titre de travail), Warriors of the Eternal Sun (titre usuel)
Testé sur : Mega Drive

Version Mega Drive

Date de sortie : Août 1992 (Europe, États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 8Mb
Système de sauvegarde par pile

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Autant l’avouer d’entrée, l’irrationnel joue souvent une grande part dans ce qui nous fait apprécier ou non un jeu vidéo. On en vient parfois à l’oublier, à l’heure de la distribution dématérialisée où n’importe quel titre n’est qu’à un clic de finir sur notre disque dur, mais le joueur du XXe siècle pouvait déjà bâtir tout une mystique autour d’un logiciel avant d’y avoir joué – et parfois, sans même en avoir jamais entendu parler avant de le découvrir en boutique.

Combien d’enfants auront rêvé, le temps du trajet qui les ramenait du magasin, sur les images disponibles au dos d’une boîte ? Combien se seront bâtis des récits pendant des semaines en observant la jaquette, en attendant la date fatidique de l’anniversaire où ils seraient enfin autorisés à jouer ? Combien auront laissé courir leur imagination simplement à partir d’un titre ? Parfois, une poignée de mots raconte déjà tellement de choses… Warriors of the Eternal Sun… « Les Guerriers du Soleil Éternel », ça avait quand même de la gueule !

Immédiatement, on imaginait un autre monde, aux règles et aux coutumes différentes, un univers dépaysant, une aventure qui nous changerait peut-être à tout jamais… Quelle invitation au voyage ! Ça racontait quand même plus de choses que Léa passion cuisine, non ? Lorsque enfin venait l’heure de découvrir un univers sur lequel on avait déjà construit tant d’attentes, on glissait avec fébrilité la cartouche dans la console et on lançait le jeu avec le cœur qui battait la chamade, avide de confronter la réalité aux mille récits qu’on avait déjà eu le temps d’échafauder depuis l’achat. Et ainsi se lance l’histoire d’une guerre qui dura treize lunes…

Warriors of the Eternal Sun s’ouvre donc sur une cinématique, visible en ouverture de ce test, qui vous raconte comment le château du duc Hector Barrik, voué à tomber sous les assauts des gobelins, se retrouve soudainement téléporté dans un monde inconnu. Désormais coincé au fond d’une vallée encaissée au milieu d’une végétation luxuriante, sous un soleil rouge qui semble ne jamais se coucher, c’est à votre groupe qu’il appartiendra de partir explorer cet endroit étrange afin de trouver des alliés et de ne pas laisser votre culture mourir avec vous.

Après avoir été accueilli par le très dynamique thème de l’écran principal, vous pourrez commencer immédiatement la partie avec un groupe prédéfini, ou bien en créer un autre – ce qui correspondra au choix de n’importe quel rôliste qui se respecte. Le jeu reprend les règles de base de Donjons & Dragons, avec une seule petite nuance : les races font ici office de classes. En plus des quatre archétypes de base (guerrier, mage, voleur, clerc) tous considérés comme des humains, vous pourrez donc créer un nain (sorte de guerrier bis), un elfe (guerrier/mage) ou un semi-homme (guerrier/voleur).

Il vous appartiendra également de choisir le sexe et le nom de chacun des quatre membres de votre groupe, avant de refaire les jets de caractéristiques jusqu’à ce qu’ils vous conviennent. Pas question ici de mettre 18 partout, ni même de redistribuer des points : quel que soit votre tirage, il sera à prendre ou à recommencer. N’hésitez donc pas à consacrer beaucoup de temps à cette phase, un bon groupe pouvant avoir un impact spectaculaire sur vos chances de survie.

Une fois la partie lancée, vous débutez donc immédiatement dans la salle du trône où le duc vous donne vos dernières instructions avant de vous laisser la main. Vous vous retrouvez alors dans un jeu en fausse 3D isométrique qui fera immédiatement penser à Ultima VI ou VII, au choix.

Vous déplacez votre groupe avec les flèches, et l’interface tire très bien parti des quatre boutons de la manette : Start fera apparaître un menu où vous pourrez régler toutes les questions de magie, de statistiques, de repos ou d’inventaire, et vous pourrez attribuer une arme ou un sort pour chacun des boutons A et B pour chaque personnage. S’il est impossible d’accéder aux caractéristiques des différentes armes du jeu, chaque héros enfilera en revanche automatiquement la meilleure armure en sa possession. Comptez une poignée de minutes pour apprivoiser le tout, avant de vous lancer dans une aventure qui va reposer avant tout sur deux aspects : l’exploration et le combat.

En effet, si le château de départ est rempli de PNJs et de vendeurs, et comporte également une église qui pourra vous remettre gratuitement tout le monde d’aplomb, il constitue également l’endroit où vous lirez 90% des dialogues du jeu. Le monde dans lequel vous vous trouvez, vous allez vite le réaliser, est du genre hostile, et la majorité de vos négociations se feront à grand coups de maillet dans la tronche.

Il faudra donc partir en vadrouille sans autre guide que la carte de la vallée disponible dans le menu du jeu afin d’accumuler des indices sur l’endroit où vous avez atterri, mais aussi sur ce qui vous a valu d’être ainsi transporté magiquement. Et à ce titre, fourrer son nez partout devra rapidement devenir une seconde nature : il y a déjà deux donjons secrets rien que dans le bâtiment de départ ! L’occasion de constater, d’ailleurs, que les phases en intérieur utilisent un autre moteur que les phases dans la nature. Si vos escapades dans la vallée se font donc en vue de dessus avec des combats en tour par tour, les donjons, eux, se vivent à la première personne et en temps réel, à la Eye of the Beholder !

Rien de très surprenant lorsqu’on se souvient que c’est précisément Westwood Associates qui est aux commandes – et la compagnie américaine n’a visiblement pas perdu la main tant le principe fonctionne encore en dépit de la petitesse de la fenêtre de jeu lors de ces phases en intérieur. Une nouvelle fois, il faudra être prêt à sonder tous les murs à la recherche de passages secrets (là encore, fouillez bien les premiers donjons, vous ne serez pas déçus), et ré-adopter les vieilles techniques consistant à tourner autour des monstres lors des affrontements les plus complexes. Le jeu met même à votre disposition une carte automatique, dont le seul défaut est de se réinitialiser à chaque fois que vous quittez un donjon. Conseil : n’hésitez pas à cartographier vous-même.

Le titre suit donc un déroulement relativement classique pour les jeux de rôle de l’époque : suivre les instructions, explorer partout, monter de niveau et gagner en puissance. Vos premiers instants seront certainement les plus délicats, votre groupe étant extrêmement fragile en début de partie, mais une nouvelle fois la curiosité sera votre récompense : il est tout à fait possible de quitter la citadelle initiale avec de l’équipement +1 à profusion et quelques sortilèges de plus simplement pour avoir tenu à retourner la moindre pierre.

Si on ne sait pas toujours exactement où aller, la vallée de départ n’est de toute façon pas gigantesque et les principaux donjons sont visibles sur la carte du menu ; on s’en sort donc très bien en se contentant de suivre les directions données au château. On se réjouit parfois d’avoir déniché une grotte secrète derrière une cascade ou dans le renfoncement d’une falaise, mais on peut également vite déchanter d’être tombé sur des monstres bien trop puissants pour nous… Fort heureusement, il est possible de sauvegarder n’importe où tant que vous êtes en extérieur. N’oubliez donc pas de bien vous préparer avant d’entrer dans un donjon, car ceux-ci peuvent être très long et c’est de toute évidence dans ce cadre que vous connaîtrez l’essentiel de votre mortalité.

Bien que le principe du jeu se limite au fond essentiellement à visiter des donjons et à massacrer tout ce qui se trouve sur notre route afin de collecter des éléments qui fassent avancer l’intrigue, il faut reconnaître qu’il le fait extrêmement bien. En mêlant habilement deux types de gameplay, le titre de Westwood varie intelligemment les plaisirs, et sait offrir suffisamment de renouvellement pour nous donner cette envie tenace de mener l’aventure jusqu’à son terme.

On ne peut qu’être ébahi par l’ambition du jeu, avec pas moins d’une centaine de types de monstres au compteur : loin d’être le « RPG light » trop souvent développé sur les consoles de l’époque, Warriors of the Eternal Sun nous fait regretter que le concept n’ait pas eu sa chance sur ordinateur, et surtout que Westwood n’ait pas daigné persévérer dans cette voie. Parce que pour tous les amateurs de jeux de rôles à l’ancienne, se fussent-ils escrimés sur Ultima, Dungeon Master ou Pool of Radiance, le coup de foudre risque d’être immédiat. Les combats et l’exploration, qui sont le cœur du jeu, sont précisément ses aspects les plus réussis, et la réalisation a un charme certain qui ne rivalise certes pas avec que que pouvait offrir un PC à la même époque, mais n’empêche pas le jeu d’avoir un lien évident avec les références dans lesquelles il puise – difficile de ne pas penser à un moment ou à un autre à Savage Empire.

On notera aussi une grande variété dans les thèmes musicaux, et celui du titre pourrait vous rester en tête un bon bout de temps. Seul vrai défaut : s’aventurer au fin-fond d’un temple de plusieurs étages remplis de pièges, c’est une chose, mais avoir ensuite à refaire tout le trajet en sens inverse, avec tous les adversaires qui réapparaissent à chaque étage et la carte automatique qui se réinitialise, le tout sans pouvoir sauvegarder, c’est déjà nettement moins amusant. Le jeu est également un peu court (comptez une dizaine d’heures, même si cela dépendra du temps que vous consacrerez au grinding). Bref, si les amateurs de RPG « moderne » porté essentiellement par la narration risquent de rester sur leur faim, les fans de système à l’ancienne où l’essentiel du récit était laissé à la charge de l’imagination du joueur devraient passer un excellent moment. L’exemple type du jeu sur console qui plaira avant tout aux possesseurs d’ordinateurs, ce qui explique peut-être qu’il ne soit pas parvenu à trouver son public. C’est bien dommage.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20

Sorte d'improbable rencontre entre Savage Empire et Eye of the Beholder, Dungeons & Dragons : Warriors of the Eternal Sun transpose avec talent le savoir-faire de Westwood sur Mega Drive. En mêlant avec beaucoup de culot un monde ouvert porté sur l'exploration et des phases de dungeon crawler, le titre accomplit une alchimie très réussie qui devrait immédiatement faire vibrer une corde nostalgique chez tous les amateurs de jeux de rôle à l'ancienne, en particulier chez les fans de la série des Ultima. Le déroulement est certes très linéaire, et la scénarisation reste globalement en retrait - comme c'était encore souvent la norme à l'époque - mais la richesse du contenu et l'extraordinaire efficacité du système de jeu font qu'on peut encore facilement prendre beaucoup de plaisir en découvrant le jeu aujourd'hui. Un OVNI au milieu des J-RPG de la Mega Drive, mais une expérience suffisamment convaincante pour nous faire regretter que Westwood n'ait pas persévéré dans cette voie.

CE QUI A MAL VIEILLI :

– Beaucoup d'aller-et-retours dans des donjons tentaculaires remplis de monstres à ras-bord
– Le jeu aurait pu bénéficier des règles avancées de Donjons & Dragons plutôt que de se cantonner à la première édition
– Trop court

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Warriors of the Eternal Sun sur un écran cathodique :

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