Bionic Commando (NES)

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Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : ヒットラーの復活 : Top Secret (Hitler no Fukkatsu : Top Secret – Japon)
Testé sur : NES

La série Bionic Commando (jusqu’à 2000) :

  1. Bionic Commandos (1987)
  2. Bionic Commando (NES) (1988)
  3. Bionic Commando (Game Boy) (1992)
  4. Bionic Commando : Elite Forces (2000)

Version NES

Date de sortie : 20 juillet 1988 (Japon) – Décembre 1988 (États-Unis) – 26 octobre 1990 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, traduction française par Cigarette Patch
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les consoles de jeu, dans les années 80, n’avaient pas nécessairement bonne presse. Vous me direz que ça n’a pas exactement changé, au cours de notre époque magique où tous les journalistes mondiaux se dépêchent d’aller vérifier que l’auteur d’un crime de masse n’aurait pas joué à Super Mario Bros. une fois dans sa jeunesse pour attribuer aux jeux vidéo l’origine de son comportement violent, mais ce qui est plus surprenant, c’est que la presse vidéoludique elle-même faisait parfois preuve d’un certain snobisme à l’encontre desdites consoles de jeu.

Le fait qu’on nous laisse choisir notre route est une bonne chose

Comme l’expliquait Olivier Scamps lors de son interview, il arrivait fréquemment que l’informatique, de par son prix et son entrée via le monde de l’entreprise, soit l’apanage de cadres aux revenus confortables qui, bien que passionnés par le jeu vidéo, n’avaient alors que dédain pour des machines perçues comme étant à destination des enfants – et qui étaient d’ailleurs souvent vendues au rayon « jouets ». On peut toutefois hasarder que ces cadres n’étaient pas d’aussi gros joueurs qu’ils voulaient bien le penser, parce que s’ils avaient eu l’occasion de poser les mains sur une cartouche comme Bionic Commando, ils auraient immédiatement compris à quel point l’expression « jeu d’enfant » pouvait devenir dramatiquement ironique dès l’instant où on lançait certains titres de Capcom sur NES.

Bienvenue en enfer, camarade !

Bien que partageant son titre avec une borne d’arcade sortie un an et demi plus tôt, le titre de Capcom n’en est pas le portage. En fait, alors que le titre original vous faisait incarner Super Joe, héros de la saga Commando dont la borne était par extension un spin-off, la cartouche NES prend ici le parti de vous envoyer à sa rescousse !

Sauver Super Joe sera déjà très délicat, mais il vous restera encore du travail après

Celui-ci a en effet été capturé lors d’une mission d’infiltration visant à empêcher la mise en place d’un mystérieux projet « Albatros » dans un empire maléfique et clairement présenté comme néo-nazi dans la version japonaise – mais en occident où le sujet est resté quelque peu glissant, toutes les références à des swastikas ont disparu, en dépit de l’apparition d’un personnage ressemblant furieusement à Adolf Hitler vers la fin de l’aventure ! Quoi qu’il en soit, vous allez à présent incarner un personnage anonyme (son nom n’apparaitra que lors de la cinématique de fin) dans sa mission de sauvetage de Super Joe, avec, vous vous en doutez, l’avenir du projet Albatros et le destin du monde entre les mains.

Les séquences à la Commando sont beaucoup plus simples que le reste du jeu

La première bonne surprise, c’est que là où le jeu aurait pu se contenter d’être une suite linéaire de niveaux vous conduisant droit à votre objectif final – exactement comme la borne – il fait plutôt le choix de vous lâcher dans un environnement semi-ouvert.

Sans éléments pour vous accrocher, vous êtes littéralement condamné à vous laisser tomber dans les flammes

Vous démarrez en effet la partie par un briefing, dans une ambiance très Metal Gear (sorti l’année précédente sur MSX), avant de vous voir au-dessus d’une carte qui vous laissera la liberté de votre prochaine destination, la seule contrainte étant la présence de patrouilles adverses qui donneront alors lieu à des séquences d’actions en vue de dessus rappelant furieusement… le premier Commando – ce qu’on appelle un hommage intelligent. Une fois au sol, vous commencerez alors une des missions qui constitueront le véritable cœur du jeu : des séquences d’action/plateforme en vue de profil où vous devrez vous débarrasser de l’opposition pour trouver des postes radios afin d’obtenir plus d’informations quant à la position de Super Joe – ou de matériel qui pourra venir enrichir votre arsenal afin d’augmenter vos chances de survie. Et, comme sur la borne, la grande particularité vient du fait qu’il vous est impossible de sauter : pour vos déplacements au-dessus du vide, il ne faudra compter que sur votre bras bionique.

En termes de scénario, les japonais n’ont aucun complexe !

Autant le préciser tout de suite : la difficulté légendaire du titre doit beaucoup au fait que le joueur doive patiemment désapprendre le réflexe le plus évident qui soit dans un jeu de ce type, à savoir appuyer sur le bouton de saut. Attendez-vous à passer des premiers instants délicats, qui vous demanderont déjà une sérieuse dose d’entraînement avant d’être capable d’arriver au bout de ne fut-ce que le premier niveau de la cartouche : éviter les ennemis et franchir un précipice, dans Bionic Commando, c’est tout un art !

Les zones neutres représenteront une respiration dans un jeu qui ne vous en offrira pas beaucoup

Le mieux, c’est que ce gameplay assez antinaturel au premier abord devient proprement jouissif avec un certain niveau de maîtrise, à tel point qu’un joueur chevronné pourra passer de longues séquences sans jamais mettre un pied à terre, tel le premier Spider-Man venu ! Il faudra bien cela, car avec un héros commençant avec un unique point de vie, autant vous dire que vous allez mourir très souvent, et que vous devrez mériter votre cinématique de fin. Croyez-moi, si vous vous prenez pour un hardcore gamer parce que vous avez fini Dark Souls, allez voir un peu sur quoi les enfants de huit ans passaient leurs journées à l’époque, et vous acquerrez rapidement une admiration renouvelée pour vos glorieux aînés. C’est. Très. Dur.

Même la nature veut votre peau

C’est là que l’aspect « semi-ouvert » du jeu prend tout son sens. Dans les faits, le déroulement est plus balisé qu’il n’en a l’air – n’espérez ainsi pas foncer droit vers les dernières zones de la carte, celles-ci exigeant que vous ayez atteint un certain niveau de « puissance » avant de pouvoir y accéder – mais le fait d’avoir accès à des zones neutres pour y trouver du matériel et de pouvoir ainsi choisir l’ordre de résolution des niveaux ainsi que votre matériel avant de parcourir chacun d’entre eux ajoute une dose de liberté ainsi qu’une composante stratégique tout-à-fait bienvenues.

Chaque zone s’achèvera par la destruction de son réacteur

On prend plaisir à récolter les informations pour savoir où poursuivre ses recherches et où faire une halte pour s’équiper, même si on pourra regretter que la cartouche n’offre pas un système de sauvegarde pour ne pas avoir à repartir de zéro à chaque fois – même en sachant très exactement quoi faire, le titre prend grand minimum une heure à boucler en ligne droite, et vu sa difficulté, vous pouvez sans doute estimer sa durée de vie en semaines, si ce n’est en mois !

La difficulté ne tarde pas à devenir infernale

Alors oui, il est parfois frustrant de se retrouver à un stade où on n’est pas certain de ce qu’il nous manque pour accéder aux zones suivantes – surtout quand on ne se souvient pas avec précision des niveaux qu’on a « nettoyé » (il n’est heureusement jamais nécessaire de retourner dans un stage qu’on a déjà fini).

Ces espèces de blobs vous permettront en fait de passer ces pointes tout en restant baissé

Et on aura également souvent l’occasion de lancer sa manette par la fenêtre devant la difficulté brutale, infecte, assommante du jeu – mais bon sang, que d’idées, de variété et de trouvailles pour une cartouche NES qui enterre tout simplement la borne dont elle est inspirée sur à peu près tous les plans sauf la réalisation (et encore !). Bionic Commando est un titre extrêmement exigeant, sans doute réservé à des joueurs qui aiment mériter leur victoire, mais il peut se montrer authentiquement grisant par séquence, et c’est toujours un vrai plaisir que de découvrir un autre des niveaux du jeu. Cerise sur le gâteau, le scénario du jeu se laisse suivre, avec ses retournements improbables et ses moments de bravoure – et après tout, combien d’autres jeux NES vous offrent une cinématique où vous faites exploser la tête d’Adolf Hitler au bazooka avant une séquence de fuite chronométrée façon Metroid ? Bref, si vous avez envie de découvrir un des pinacles de la production 8 bits de Capcom – ce qui n’est pas peu dire, considéré les états de service exemplaire de la compagnie sur NES – lancez Bionic Commando. Vous comprendrez que les enfant des années 80, c’étaient pas des rigolos.

Vidéo – La première zone du jeu :

NOTE FINALE : 18/20 Le temps aura principalement retenu Bionic Commando comme étant l'un des titres les plus difficiles de la ludothèque de la NES. Ce n'est pas usurpé, mais cela revient aussi à oublier la fantastique ingéniosité d'un jeu qui se révèle être beaucoup plus que la borne d'arcade dont il est tiré, à savoir un simple jeu d'action/plateforme où on ne peut pas sauter. En cassant la linéarité inhérente au genre pour faire intervenir la collecte d'informations et d'équipements via un déroulement ouvert, le titre se transforme en passionnante enquête où le joueur peut façonner sa route idéale afin d'amasser les armes et les bonus nécessaires avant d'affronter la suite du programme. Si tout n'est pas parfait, le joueur pouvant être amené à tourner un peu en rond (faisant ainsi de la cartouche de Capcom l'une des seules du genre où il puisse être bien avisé de prendre des notes !), la formidable variété additionné à une jouabilité certes exigeante mais d'une précision redoutable font de ce logiciel une sorte de maître absolu du die-and-retry technique. Un vrai bijou.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une jouabilité quelque peu antinaturelle... – ...qui participe à la difficulté atroce du jeu – Un aspect faussement ouvert et finalement plus dirigiste qu'il en a l'air... – ... qui conduit parfois le joueur à tourner un peu en rond

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Bionic Commando sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« L’action est assez variée et on se prend tout de suite au jeu. C’est un plaisir d’utiliser le bras bionique, mais il faut un certain temps avant de maîtriser cette technique. Bionic Commando séduira les fans d’arcade, mais les novices risquent d’être rebutés par son niveau de difficulté assez élevé (NdRA : Tu m’étonnes !). »

Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°86, janvier 1991, 15/20