Capitalism

Développeur : Enlight Software Ltd.
Éditeur : Interactive Magic, Inc.
Testé sur : PC (DOS)

La série Capitalism (jusqu’en 2000) :

  1. Capitalism (1995)
  2. Capitalism Plus (1996)

Version PC (DOS)/Macintosh

Date de sortie : Octobre 1995
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM française émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Version PC :
Processeur : Intel 80386 DX 33MHz – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Modes graphiques supportés : SVGA, VESA
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, Gravis UltraSound/ACE, Pro Audio Spectrum, Sound Blaster/Pro/16

Version Macintosh : Processeur : Motorola 68030 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)

On évoque souvent les grands créateurs du jeu vidéo, les Peter Molyneux, les Richard Garriott, Les Geoff Cramond, les Sid Meier. Mais on oublie aussi que pour un seul de ces géants charismatiques, qui ont souvent eu la chance de côtoyer l’industrie vidéoludique à ses débuts – et donc de profiter d’un espace sensiblement plus dégagé pour se montrer – il y aura un millier d’obscurs, de travailleurs de l’ombre, de game designers besogneux, ou simplement de programmeurs dont la gloire aura été éphémère. Prenez Trevor Chan, par exemple. Qui ici connait son nom ? Et pourtant, ce natif de Hong Kong entrevoyait autrefois les portes de la notoriété, au point d’accoler fièrement son patronyme au titre de Capitalism II (2001). Aujourd’hui, on a perdu sa trace depuis plus de dix ans, depuis sa participation à des titres comme Hotel Giant 2 ou Restaurant Empire II. Sic transit…

Mais pour bien comprendre d’où lui est venu ce fugace accès de gloire – voire de mégalomanie, est-ce que je m’amuse à mettre mon nom partout, moi ? – il faut d’abord revenir en 1995, à son premier (et seul véritable) succès : Capitalism. Un titre qui en dit déjà long sur l’objectif du jeu : l’argent, le fric, le flouze, le pèze, l’oseille, le grisbi, la thune, le nerf de la guerre ; en un mot, vous avez déjà compris qu’il va s’agir de s’en mettre plein les fouilles – comme c’est souvent le cas dans un jeu de gestion. Mais pour bien comprendre comment ce jeu était parvenu à se faire un nom, une réputation, et même une place dans certaines universités, mieux vaut sans doute prendre le temps de se pencher d’abord sur le concept du logiciel.

Comme chacun le sait, à l’origine de n’importe quelle grande société (et pour paraphraser The IT Crowd), il y a un jeune homme avec rien d’autre en sa possession que des rêves, un grand projet, et dix millions de dollars. Capitalism vous place donc aux commandes d’une société dont vous serez libre de choisir le nom, le logo, la couleur, l’identité du dirigeant, afin de vous lancer sur une carte aléatoire ou sur une vingtaine de scénarios préconçus. Dans le premier cas, vous pourrez décider du niveau de difficulté en sélectionnant votre capital de départ, le nombre et la férocité de vos concurrents, leur stratégie et ainsi de suite, ce qui impactera dans tous les cas la valeur de votre score final, un peu comme dans Railroad Tycoon. Votre objectif sera donc d’amasser les bénéfices et de vous efforcer de dominer le maximum de secteurs commerciaux, agricoles ou industriels qui sont, comme nous le verrons bientôt, tous gérés par le jeu. Dans le cas des scénarios, vous aurez évidemment des objectifs précis à remplir, avec un bonus de score si vous parvenez à les réaliser dans un temps déterminé – et, le cas échéant, certains aspects de la simulation comme la gestion boursière ou une partie de la production seront désactivés afin de vous simplifier la tâche ou, au contraire, de la rendre plus ardue.

Vous commencez dans tous les cas sur une carte mettant en jeu plusieurs villes, des ressources et parfois des commerces venus s’installer avant le vôtre. Votre premier objectif sera donc de démarrer une activité pour essayer d’engranger des revenus le plus rapidement possible, et vous allez vite constater que les possibilités sont très nombreuses. Vous pouvez ainsi commencer par opérer le choix le plus simple : ne rien produire et vous contenter d’agir en distributeur.

Vous construisez donc un grand magasin en plein centre-ville à l’aide de votre capital de départ, puis vous commencez à vous plonger dans son organisation interne, en construisant des cellules d’achat reliées à des cellules de vente. Vos cellules d’achat, comme leur nom l’indique, acquerront la production d’autres commerces présents sur la carte, avant que vos cellules de vente ne les distribuent – en vous permettant, naturellement, d’empocher une marge dans la manœuvre. Bien sûr, les choses seront très simples tant que vous serez en position de monopole, mais d’autres magasins risquent de faire rapidement leur apparition, vous obligeant à mener une guerre des prix ou à investir dans la publicité. Plus fourbe : vous pouvez reconditionner des produits locaux afin qu’ils portent uniquement le nom de votre marque, et ainsi les vendre sans que la publicité faite au produit bénéficie également aux autres distributeurs.

Vous pourrez juger de l’effet de vos décisions en temps réel, grâce à des courbes très détaillées où vous pourrez notamment juger du pouvoir d’appel de vos produits comparé à la production locale ou à ceux vendus par vos concurrents selon une valeur impactée par trois critères : la qualité du produit, son prix de vente et l’attractivité de la marque. Selon les produits, ces trois critères ne pèseront pas le même poids, la marque jouant un rôle beaucoup plus important dans le prêt-à-porter que dans l’alimentation, par exemple.

Mais la grande richesse du jeu, c’est qu’il ne se limite pas à une simple simulation de distribution mais qu’il vous laisse vous engager sur à peu près tous les secteurs, depuis les matières premières jusqu’à leur transformation en passant par la recherche. Rien ne vous interdit de construire des usines, par exemple, et de leur faire assembler des matières premières selon un système très ingénieux afin de créer une cinquantaine de produits, depuis le poulet congelé jusqu’aux voitures en passant par les chaussures de sport, les canapés ou les ordinateurs.

Vous pourrez pour cela aller vous fournir dans les ports qui importent des matières premières – mais en vous rendant ainsi dépendant d’un approvisionnement qui peut se modifier en cours de partie – ou bien, si vous en avez les moyens, aller construire des mines, des plateformes pétrolières, des fermes et autres scieries, afin de maîtriser chaque maillon de votre chaîne de production et de décider lesquels d’entre eux sont ouverts à la vente et lesquels sont réservés à une utilisation interne. Notez d’ailleurs qu’il vous faudra prendre en compte plusieurs critères qui impacteront directement la qualité et le coût de votre production ; par exemple, avant de construire une ferme, il faudra vous intéresser au climat, à la pluviométrie et à la fertilité du sol, afin de ne pas aller faire pousser de la canne à sucre dans une région froide ou du blé dans une région aride. De la même façon, chaque variété de céréale ne peut commencer sa culture qu’à un certain moment de l’année, n’espérez donc pas récupérer vos premières récoltes quelques jours après avoir construit vos installations.

Ajoutez à toutes ces données une gestion poussée du boursicotage, les habituelles possibilités d’emprunts, les OPA, les versements de dividendes, les faillites et des centaines de critères heureusement très bien introduits par un tutoriel extrêmement complet, et vous allez rapidement découvrir un titre suffisamment riche pour pouvoir servir de livre de chevet à n’importe quel étudiant en économie. Cela se ressent d’ailleurs dans les quelques rares manquements du jeu : n’espérez pas, par exemple, vous préoccuper de l’impact écologique de votre production, ni prendre une quelconque décision sur les conditions de travail de vos employés ; à peine gérerez-vous une jauge correspondant au financement de votre formation et basta.

Dans le même ordre d’idées, ne vous attendez pas à voir vos ventes décoller à Noël ou pendant les soldes : ce n’est tout simplement pas géré par le jeu. On est dans un monde théorique et objectif qui correspond tout à fait au seul cadre où le capitalisme fonctionne sans heurt ni opposition. Attendez-vous malgré tout à une concurrence retorse qui semble invariablement profiter de fonds très supérieurs aux vôtres, et qui constituera un adversaire redoutable – ce qui vaut d’autant mieux qu’il est impossible d’affronter d’autres joueurs humains.

Reste que le jeu, sous des dehors plutôt austère – les graphismes sont purement fonctionnels, mais ils remplissent en ce sens parfaitement leur mission – est plus simple à prendre en main qu’il n’en a l’air, même s’il vous faudra sans doute de nombreuses heures de jeu pour en maîtriser toutes les possibilités. On profitera d’une large gamme de musiques MIDI pour aider à passer le temps dans la bonne humeur, et d’une interface très efficace et intégralement jouable à la souris – sans oublier un contenu suffisamment conséquent pour vous aider à y engloutir quelques dizaines d’heures.

Certes, ça ne correspond pas franchement à la magie et au dépaysement qu’on vient parfois chercher dans le jeu vidéo, mais cela n’empêche pas le titre de Trevor Chan de se montrer très prenant, particulièrement si vous mordez au concept. Tentez votre chance, et vous pourriez y engloutir bien plus de temps que ce que vous aviez anticipé ; un assez bon indicateur de la qualité du jeu, quoi qu’on en dise.

Un mot, enfin, comme c’est la coutume, sur la version française. Celle-ci comporte son lot d’approximations, de coquille, de termes pas très bien choisis ou de mots anglais oubliés en plein milieu. Heureusement, le didacticiel – entièrement doublé – et les énoncés de scénarios sont de très bonne qualité, ce qui fait qu’on sera toujours plus heureux de dénicher le titre en VF qu’en VO.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 17,5/20 En dépit d'une réalisation quelque peu austère, Capitalism est finalement un jeu de gestion relativement accessible, aux mécanismes denses et à la rejouabilité réelle. Certes, inutile d'espérer y trouver quoi que ce soit de plus glamour que de la vente, du boursicotage, de la production et de la R&D, mais le travail est accompli avec un tel sérieux qu'on ne sera pas surpris d'apprendre que des universités telles qu'Harvard ou Stanford sont allées jusqu'à en faire usage dans leurs formations en économie. On peut réellement passer des dizaines d'heures à s'escrimer à devenir une société dominante dans un ou plusieurs secteurs d'activité - à condition, bien sûr, de mordre au concept et d'aimer les graphiques, les camemberts, les tableaux et les variables à n'en plus finir, sans quoi le néophyte pourrait être tenté de prendre ses jambes à son cou. CE QUI A MAL VIEILLI : – Réalisation vraiment pas sexy – Pas d'évènements aléatoires ni d'impact des dates de fête – Pas de carte ou de situation historique réelle – Pas de multijoueur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Capitalism sur un écran cathodique :

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