Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : ウォーザード (War-zard, Japon)
Testé sur : Arcade
Version Arcade
Date de sortie : 23 Octobre 1996 |
Nombre de joueurs : 1 à 2 |
Langues : Anglais, japonais |
Support : Borne |
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et six boutons |
Version testée : Version européenne (Euro 961121) |
Hardware : Capcom Play System III (CPS III) Processeur : Hitachi SH-2 25MHz Son : Hauts-parleur (x2) ; CPS3 Custom Sound 14,318181MHz ; 2 canaux Vidéo : 384 x 224 (H) 59,599491Hz Système de sauvegarde par mot de passe |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
En 1996, force était de reconnaître que les salles d’arcade, autrefois véritables temples vidéoludiques, étaient déjà engagées dans un déclin que les années à venir n’allaient faire que confirmer. Confrontées à la démocratisation de systèmes domestiques de plus en plus puissants et de moins en moins chers, il devenait de plus en plus difficile d’impressionner le chaland et de l’encourager à se débarrasser de sa menue monnaie comme il le faisait si volontiers au cours des années 80.
Pour de nombreuses compagnies japonaises, l’arcade avait été l’origine, la rampe de lancement et la principale source de leur succès. C’est ainsi que Capcom cherchait encore à l’époque à redynamiser le système en lançant le Capcom Play System III (ou CPS III, pour les intimes) dont l’une des principales originalités était l’emploi du CD-ROM – alors parfaitement courant sur ordinateur et sur console, mais nettement moins sur borne d’arcade. Et histoire d’illustrer les capacités de l’engin, un titre qui aura hélas connu une distribution confidentielle en occident : Red Earth.
À première vue, le titre semble surfer sur le succès des Street Fighter Alpha, Shadow over Mystara et autres Darkstalkers qui avaient largement contribué à faire de Capcom le principal concurrent de SNK dans le domaine du jeu de combat (à moins que ce ne fut SNK qui soit le principal concurrent de Capcom, je vous laisse débattre de votre côté à ce sujet). Sauf que, dès le lancement, on remarque une première anomalie : un roster de seulement quatre personnages ?
Certes, ceux-ci, de Kenji le ninja à Leo le chevalier-lion en passant par Tessa la magicienne et Mai-Ling la spécialiste des arts martiaux, sont bien typés, charismatiques en diable et parfaitement reconnaissables – mais de là à se contenter d’eux… Rapidement, le choix assez radical opéré par Capcom se manifestera : comme dans Monster Maulers quelques années plus tôt, l’attraction principale du jeu est bien son mode solo, qui vous proposera d’affronter huit adversaires très impressionnants au cours d’un scénario qui s’adaptera à chacun de vos personnages. Huit adversaires non-jouables, donc, et en les rencontrant on ne tarde pas à comprendre pourquoi.
Oubliez l’affrontement d’égal à égal : la jauge de vie de vos adversaire, placée en bas de l’écran, est beaucoup plus longue que la vôtre, comme pour vous faire comprendre d’entrée de jeu que c’est bien face à des boss que vous allez passer toute la partie. La plupart d’entre eux sont massifs, superbement dessinés – nous y reviendrons – et extrêmement dangereux : la méthode de l’assaut anarchique ou de la répétition frénétique des deux ou trois mêmes attaques risque rapidement de montrer ses limites.
La deuxième originalité se manifeste donc tandis que vous mordez la poussière : vaincre ces adversaires sera beaucoup plus aisé si vous observez et analysez leurs assauts afin de découvrir leur point faible. Certains sont redoutables à distance, d’autres mortels au corps à corps, mais la plupart annoncent leur attaques d’une certaine manière, et un bon timing devrait souvent vous aider à atteindre un ennemi qui vous avait facilement écrasé lors de votre précédente tentative. Et, tant qu’à faire, afin de vous encourager à persévérer après une de vos très nombreuses raclées, le logiciel met en place un excellent système pour vous convaincre de remettre une pièce dans la machine : l’expérience.
Incroyable mais vrai – et plutôt surprenant dans un jeu de combat – votre personnage gagne de l’expérience. Au cours des affrontements, il arrivera à votre adversaire de lâcher un coffre, un orbe permettant de déchainer un esprit élémentaire (à condition, bien sûr, d’y parvenir), de la nourriture permettant de vous refaire une santé, ou de l’or venant gonfler votre expérience. Grâce à elle, votre héros montera en puissance après chaque combat, augmentant ses résistances, améliorant son équipement ou lui donnant accès à de nouveaux coups spéciaux, lesquels vous seront d’ailleurs dévoilés pour l’occasion.
Un très bon moyen de repartir à l’assaut un peu plus fort, puisque non seulement cette expérience sera conservée en cas de game over, mais en plus la jauge de votre adversaire ne sera que très partiellement régénérée ! Des petits malins, chez Capcom… Surtout, afin d’encourager le joueur à revenir tenter sa chance sur la durée, Red Earth va jusqu’à proposer un système de mot de passe afin de pouvoir reprendre la partie plus tard avec le même personnage sans avoir perdu son expérience ni sa progression. Bien évidemment, tout le monde n’avait pas le réflexe de venir dans une salle d’arcade avec une feuille et un crayon pour prendre des notes, mais on appréciera l’idée.
En termes de système de jeu, les connaisseurs des autres titres de chez Capcom ne devraient pas être dépaysés très longtemps : on retrouve les manipulations à partir de quarts de cercle et les grands classiques de ce qui est devenu le gameplay « à la Capcom ». Si les combats sont toujours aussi nerveux, et certains combos toujours aussi mortels, agir en fonction des attaques de son adversaire sera ici beaucoup plus efficace, au point de rapidement devenir une nécessité.
Évidemment, se jeter sur les bonus est également un très bon moyen de se prendre une attaque mortelle faute de prudence, et jouer la défense est d’autant plus risqué que le chrono tourne, et qu’il ne tranche jamais en votre faveur. On regrettera surtout que, comme toujours et en-dehors des informations données lors de certaines montées de niveau, les combinaisons permettant de réaliser des coups spéciaux soient à découvrir par l’expérimentation, ce qui risque de rendre les premières heures de jeu assez frustrantes. Plus original chez Capcom : le titre comporte également son lot de fatalities à la Mortal Kombat qui sauront faire leur petit effet.
Ce qui aidera à faire passer la pilule, en revanche, est la réalisation : comme très souvent avec les jeux de combat de la fin des années 90, on touche au summum du pixel art, et la qualité ahurissante des sprites et des décors n’a d’égale que la nervosité et la fluidité de l’animation. Le jeu était d’ailleurs si gourmand en RAM, pour stocker les très nombreuses phases d’animation de ses différents personnages, que cela explique sans doute qu’il n’ait été porté ni sur PlayStation ni sur Saturn à l’époque. On admirera également le character design particulièrement inspiré du titre, avec certains personnages réellement originaux tels cet immense dragon aux faux airs de dinosaure ou ce guerrier à quatre bras à l’esthétique très sud-américaine.
Bien évidemment, l’action située dans un XIVe siècle uchronique sert surtout de prétexte à revisiter l’esthétique de grandes figures mythologiques mélangées au gré des régions, comme cette redoutable chimère qui emprunte autant au bestiaire grec qu’aux influences égyptiennes. Soyons honnêtes : c’est grand, c’est beau, ça bouge à la perfection, et on en prend tellement plein les mirettes qu’on en vient à regretter de ne pas avoir quatre ou cinq adversaires de plus à affronter – ou au moins autant de personnages supplémentaires à incarner.
Car la principale faiblesse de Red Earth, en revanche, tient précisément à son statut de jeu d’arcade pensé avant tout pour des parties dépassant difficilement la dizaine de minutes. L’expérience solo est clairement la part du lion, et cela se ressent sur l’intérêt de l’aspect multijoueur, où organiser des duels entre les quatre maigres personnages du roster montre très vite ses limites. C’est d’autant plus dommage que d’autres titres eux aussi issus de chez Capcom, comme le très sympathique Mega Man : The Power Battle, avaient montré la voie un peu plus tôt en proposant un mode deux joueurs en coopératif contre les boss. Pas de ça ici, hélas.
Malheureusement, la quête principale est elle aussi loin d’être inépuisable, et entre ceux qui lâcheront l’affaire, écœurés par la difficulté des derniers combats, et ceux qui n’auront tout simplement aucune raison de revenir au jeu une fois la partie solo terminée, personne ne trouvera de raison de passer plus de quelques heures sur un titre qui aurait clairement mérité mieux. Restera une occasion de passer un très bon moment, sans doute trop court, certes, mais suffisamment intense pour valoir l’investissement.
Vidéo – Combat : Kenji vs. Kongou :
NOTE FINALE : 16,5/20 Pour son premier jeu sur CPS III, Capcom joue la carte de la surprise avec Red Earth. Jouissant du savoir-faire indéniable de la firme japonaise dans le domaine, le titre verse dans un concept assez particulier, déjà expérimenté par des titres comme Monster Maulers ou Mega Man : The Power Battle : le jeu de combat pensé avant tout pour être joué seul. De par sa technicité, son système d'expérience et surtout sa réalisation absolument sublime, Red Earth parvient à faire oublier la faiblesse de son contenu et de son expérience multijoueur, et saura sans difficulté scotcher les mordus du genre le temps de dompter chacun des huit adversaires du jeu. Dommage qu'il n'offre, une fois sa campagne solo vaincue, qu'assez peu de raison de revenir y jouer, car on aurait volontiers signé pour en prendre plein les yeux pendant quelques heures de plus. CE QUI A MAL VIEILLI : – Seulement quatre personnages jouables – Une expérience multijoueurs très limitée – Difficulté arcade – Vraiment trop court