Développeur : UPL Co., Ltd.
Éditeur : UPL Co., Ltd. (Japon)
Titre alternatif : ゴモラスピード (graphie japonaise)
Testé sur : PC Engine
Version PC Engine
Date de sortie : 28 septembre 1990 (Japon) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : HuCard |
Contrôleur : Joypad |
Version testée : Version japonaise |
Spécificités techniques : HuCard de 3Mb Système de sauvegarde par mot de passe |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Avec le temps et l’expérience, il arrive un moment où le rétrogamer commence à bénéficier d’une sorte de don de prescience. Oh, pas du type à lui permettre de deviner à l’avance les numéros du Loto (ce qui est dommage, car c’est généralement le seul moyen pour un joueur d’avoir les moyens de posséder une copie physique de tous les jeux qu’il affectionne), mais plutôt du type à savoir très exactement ce qu’il va trouver dans un jeu avant même de l’avoir lancé.
Un genre vidéoludique, une machine, une date, et on sait déjà à peu près à quoi on va avoir affaire ; en fait, il y a même un élément qui tend à totalement disparaître après vingt ou trente ans de pratique, et cet élément est la surprise. « Blasé », voilà qui définit parfois très bien le connaisseur, qui passe toujours de très bons moments face à son moniteur mais qui ne compose plus avec cette petite étincelle de l’imprévu, cette magie éphémère de l’inattendu… ou alors très rarement, le temps de tomber sur des titres à la Gomola Speed, et d’arriver à cette conclusion qui se fait si rare au fil des années : « Hmmm, mais ça ne ressemble à rien d’autre, en fait. »
Gomola Speed, donc, pour commencer, c’est l’histoire d’un serpent-robot. Pour être honnête, on ne sait pas trop qui il est, ce qu’il fait là ni ce qu’il cherche à accomplir, et on sent bien qu’on est davantage face à une philosophie des années 80 où le jeu repose sur son concept plus que sur les prétextes narratifs.
Bref, quoi qu’il chercher à accomplir, son objectif premier sera tout bêtement d’atteindre le prochain niveau (vingt-cinq au total), ce qui demandera donc que la sortie se matérialise. Celle-ci, justement, n’apparait que dans un cas précis : lorsque toute la nourriture présente dans un niveau, et prenant généralement la forme de sphères sautillantes, a été ingérée par votre serpent. Or, c’est là qu’est la subtilité : pour manger, votre serpent ne se contente pas d’approcher un objet de sa bouche, il doit commencer par l’entourer intégralement à l’aide de son corps… lequel devra d’abord être collecté, car votre serpent commence en n’étant rien de plus qu’une tête, et plus il sera long plus facile il lui sera d’entourer ses proies… mais également plus il sera vulnérable.
Car il n’y a pas que de la nourriture, dans les tableaux du jeu, il y a également des clefs, des bonus, des portes, des blocs destructibles… et surtout, des ennemis. Ces ennemis peuvent être ingérés exactement de la même manière que la nourriture, à condition de les avoir étourdis au préalables à l’aide d’une des bombes que votre serpent est capable de lâcher à l’aide du bouton I.
Car dans le cas contraire, tout contact avec votre corps le disloquera, vous obligeant à retourner collecter vos précieuses cellules, et dans le cas d’un contact avec la tête de votre serpent, les choses seront encore plus simples : ce sera perte immédiate d’une vie et retour au début du niveau. Bref, Gomola Speed est un jeu où savoir se déplacer rapidement et précisément sera souvent la clef, ce qui demandera un peu d’entraînement, tant les mécanismes – qui évoquent parfois un peu ceux du Snake qui ferait les beaux jours des premiers téléphones portables quelques années plus tard – tendent à être dépaysant, et parfois même un peu confus, pour ne pas dire frustrants.
Le truc, c’est que le jeu a la force et la faiblesse de son concept : il peut être très addictif à condition d’accrocher au principe, la vraie difficulté étant que le joueur n’est pas exactement pris par la main et que le déroulement du jeu tend à accumuler diverses faiblesses qui rendent l’expérience plus agaçante qu’elle ne le devrait. Par exemple, les masques de collision ne sont pas d’une grande précision, ce qui est un peu gênant dans un jeu où on est pour ainsi dire constamment au contact de quelque chose, et l’équilibrage général est assez mal pensé, un niveau extrêmement difficile pouvant suivre un niveau extraordinairement simple sans rime ni raison.
La vraie douche froide, ce sont surtout ces boss qui viennent vous barrer la route de temps à autre, et qui non seulement nécessite un timing délirant qui tient de la prescience évoquée plus haut, mais qui en plus n’affichent jamais aucun point faible clair qui permette de savoir comment les vaincre. Faut-il les détruire à coups de bombe ? Faut-il les assommer puis les encercler ? Cela nécessite-t-il de cibler une zone en particulier ? Difficile d’expérimenter quand le moindre contact est mortel et vous renvoie directement au début ! Et puis quelle idée anti-naturelle que notre serpent relâche ses bombes par l’extrémité postérieure de son corps alors qu’on aurait souvent besoin de les déposer par la tête… Alors certes, un système de mot de passe permet de reprendre directement là où on a connu nos dernières contrariétés, mais dans l’ensemble il y a quelque chose de pas bien maîtrisé dans le game design, le sentiment qu’il y avait vraiment matière à tenir un logiciel fabuleux et unique en son genre mais que le tout est trop mal dégrossi, trop mal équilibré, trop imprécis et trop exigeant pour atteindre son plein potentiel.
Oh, il y aura à n’en pas douter des joueurs pour tomber fous amoureux de ce Gomola Speed, tant il conserve un caractère unique, mais il y en aura au moins autant qui auront laissé tomber quelque part autour du premier boss en ayant le sentiment qu’on ne leur aura jamais réellement laissé comprendre ce qu’ils étaient censé faire et de quelle façon. Avec davantage de niveaux, une difficulté mieux répartie et des mécanismes mieux introduits, le titre d’UPL aurait vraiment pu faire l’unanimité ; en l’état, il s’agit plutôt d’une expérience sympathique et originale mais pas bien fignolée qui risque d’écœurer beaucoup de joueurs qu’elle aurait pu conquérir. C’est quand même un peu dommage, non ?
Vidéo – Cinq minutes de jeu :
NOTE FINALE : 13/20 Au rang des titres qui ne ressemblent à rien d'autre, difficile de ne pas accorder un peu de temps à Gomola Speed, sorte d'ancêtre du Snake ayant fait les beaux jours des téléphones Nokia, mais avec son propre lots d'idées originales. Faire grandir son serpent mécanique pour pouvoir entourer la nourriture (et les ennemis !) afin de l'ingérer nécessite un maniement dépaysant et souvent frustrant, tant la difficulté et l'équilibrage restent les deux grands points noirs du jeu. Il y a quelque chose de réellement gratifiant à parvenir à finir un niveau du titre d'UPL, tant cela nécessite à la fois une adresse, une anticipation et une compréhension totale de tous les mécanismes du jeu, et il y a vraiment matière à tomber amoureux du concept – mais on a aussi trop souvent l'impression de ne pas pouvoir faire grand chose face à des situations nécessitant des réflexes hors du commun où une compréhension quasi-mathématique du comportement du moindre boss du jeu. Dépaysant, certes, mais trop souvent fastidieux, injuste ou simplement insurmontable pour pouvoir capter un public au-delà des mordus de l'action/réflexion à la recherche d'un défi un peu différent. À découvrir malgré tout, mais mieux vaudra être patient, curieux et méthodique pour bien en profiter.
CE QUI A MAL VIEILLI : – Une jouabilité qui nécessitera clairement un temps d'adaptation... – ...d'autant que la difficulté ne fait vraiment aucun cadeau ! – Un équilibrage bancal
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gomola Speed sur un écran cathodique :
Les avis de l’époque :
« Gomola Speed ne ressemble à aucun autre programme, si bien que l’on ne sait trop que penser lors de la première partie. Au début, il n’est pas évident d’ingurgiter la nourriture qui s’éloigne à votre approche. Mais le jeu se révèle très prenant dès que l’on parvient à maîtriser parfaitement les mouvements de la chenille. »
Alain Huyghues-Lacour, Tilt n°86, janvier 1991, 13/20