
Développeur : Fox Video Games, Inc.
Éditeur : Fox Video Games, Inc.
Titre Alternatif : Alienigena (Brésil)
Testé sur : Atari 2600
La licence Alien (jusqu’à 2000) :
- Alien (Fox Video Games) (1982)
- Alien (Concept Software) (1984)
- Aliens : The Computer Game (Activision) (1986)
- Aliens : The Computer Game (Software Studios) (1987)
- Aliens : Alien 2 (1987)
- Aliens (1990)
- Alien³ (Probe Software) (1992)
- Alien³ (B.I.T.S.) (1993)
- Alien³ : The Gun (1993)
- Aliens : A Comic Book Adventure (1995)
- Alien Trilogy (1996)
- Alien : Resurrection (2000)
Version Atari 2600
Date de sortie : Novembre 1982 (Amérique du Nord) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : – |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Joystick |
Version testée : Version NTSC |
Spécificités techniques : Cartouche de 32kb |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Vous êtes-vous déjà demandé comment Atari, société pionnière confortablement assise sur le toit du monde vidéoludique au début des années 80, était parvenue à s’effondrer en même temps que le jeu vidéo américain en quelques mois alors qu’elle jouissait d’une position de force sans précédent ?
Je vais vous faire la version courte : tout ça, en fait, c’est à cause du jeu vidéo indépendant.

Bon, après réflexion, la phrase mérite peut-être une explication un peu plus longue – le sujet est passionnant, même si ce n’est pas tout-à-fait ce dont il est question ici. Tout commence donc lorsque certains des plus brillants développeurs de chez Atari décident de claquer la porte, écœurés que la direction ait refusé de leur accorder un pourcentage sur des ventes se chiffrant parfois en millions d’exemplaires, pour aller fonder le premier studio indépendant : Activision. Atari, d’abord hilare qu’une poignée de techniciens s’en aille tenter leur chance avec les poches vides sur un marché que la compagnie domine de la tête et des épaules, commence à grincer des dents lorsqu’elle réalise qu’Activision a décidé de développer des cartouches… pour l’Atari 2600. Courroucée, elle saisit alors la justice, arguant de son droit à décider qui a le droit de vendre des jeux sur sa console… ce à quoi le juge répond en substance qu’il n’existe aucune loi lui permettant de le faire.

Un camouflet aux conséquences lourdes, puisqu’il ouvre littéralement les portes du marché à une concurrence qui n’en attendait pas tant. Une bonne chose pour les joueurs ? Eh bien, la suite prouvera que non : souvent fondées par des entrepreneurs désireux de s’en mettre plein les fouilles plutôt que par des passionnés rêvant de déverser leur savoir sur le monde, les nouvelles entreprises ne croulent pas exactement sous les idées de game design. Qu’importe : la propriété intellectuelle étant alors plus une vue de l’esprit qu’une réalité manifeste dans l’univers du jeu vidéo, le marché commence rapidement à ployer sous les (mauvais) clones de Pac-Man, de Space Invaders, de Pong ou de Defender, deversés par dizaines dans des versions absolument dégueulasses dont l’unique fonction est de piéger les joueurs mal informés (c’est à dire, virtuellement, tous) avec des jaquettes ronflantes pour les amener à croire qu’ils achètent la conversion officielle de l’arcade… avant de se retrouver avec l’équivalent des contrefaçons chinoises bas-de-gamme. Oh, et puis quelques jeux de cul bien crades à la Custer’s Revenge aussi, histoire de finir d’abîmer une image qui aura commencé à se dégrader à grande vitesse.

Conséquence : devenu à la fois une escroquerie géante et un far west pour investisseurs peu scrupuleux, le jeu vidéo américain s’effondre en 1983, ayant consciencieusement massacré la poule aux œufs d’or jusqu’à en écœurer tout le public de destination.
Et tout cela, donc, à cause de jeux comme Alien.

Revenez, vous avez lu le pavé de note, vous savez que c’est plus compliqué que cela et que je fais volontairement preuve d’une mauvaise foi qui confine à la provocation. Le fait est que, confronté à l’adaptation d’un film qui venait mine de rien de fêter ses trois ans, on imagine les développeurs de Fox Video Games face à un fameux casse-tête : comment retranscrire la tension, l’atmosphère et l’efficacité du fameux thriller de science-fiction sur l’Atari 2600 ? Facile : en faisant un clone de Pac-Man. L’idée, après tout, est loin d’être aussi idiote qu’elle en a l’air : le Nostromo figure un excellent labyrinthe, les fantômes peuvent facilement être remplacés par des xénomorphes (oui, autant en mettre plusieurs, cela reste quand même un jeu), et pour remplacer les pac-gommes, on n’a qu’à dire que le héros (il n’est jamais nommé dans le manuel, c’est juste le joueur) écrase des œufs d’aliens sans risquer de se prendre un facehugger dans la face. Et les super-pac-gommes ? Une arme futuriste appelée « Pulsar ». Eurêka.

La grande différence entre Alien et les centaines d’ersatz qui auront fini par dévaster l’industrie, c’est que la cartouche parvient à être, eh bien, pertinente – ne fut-ce que parce que la conversion officielle de Pac-Man sur Atari 2600 la même année s’était révélée particulièrement catastrophique. Ici, premier bon point : le jeu est bien réalisé : il y a des cycles de couleurs qui animent les sprites, l’action est fluide, ça ne clignote pas, les bruitages font le travail avec efficacité.

Il n’y a certes toujours qu’une seule arène qui se répète en boucle avec des ennemis de plus en plus rapides et un « Pulsar » à la durée de vie de plus en plus courte, mais le titre s’efforce d’introduire de bonnes idées, comme un niveau bonus demandant de se frayer un chemin entre des créatures en moins de huit secondes, à la Freeway cette fois, ou l’usage d’un lance-flammes permettant d’éloigner temporairement les xénomorphes avec le bouton du joystick. De quoi compenser un peu le fait que les stratégies soient moins ouvertes que dans Pac-Man : contrairement aux super-pac-gommes, il n’y a jamais plus d’un seul exemplaire du « Pulsar » présent à l’écran à la fois, ce qui fait que le joueur doit composer en fonction de l’endroit où apparaitra le suivant plutôt que d’optimiser sa route en fonction des quatre « oasis » que représentaient originellement les super-pac-gommes. Conséquence ? il faut improviser un peu plus, mais le gameplay ne se renouvèle pas davantage.

Objectivement, il faut néanmoins convenir que la cartouche s’en sort globalement très bien, et que quitte à proposer un autre clone de Pac-Man, le studio aura au moins eu le mérite d’en offrir une version rafraichissante avec ses propres idées – et une résultat bien supérieur à celui de la cartouche officielle, petit rappel au passage que le krach de 1983 n’aurait sans doute pas eu lieu si les joueurs avaient au moins pu s’appuyer sur la qualité des cartouches directement conçues par Atari.

Qu’importe : c’est, comme pratiquement tous les jeux de sa génération, un titre pensé pour des parties de quelques minutes et pas davantage – mais il le fait bien. Sans doute pas de quoi abandonner ses parties d’Alien Trilogy, mais de quoi se souvenir qu’en jeu vidéo, il existe toujours une ligne – parfois très fine, mais qui fait toute la différence – entre l’inspiration et le gros plagiat qui tache. N’empêche : un long-métrage horrifique de 1979 comme matrice secrète du concept de Pac-Man, j’avoue qu’il fallait y penser, à celle-là. Comme quoi, il est décidément plein de surprises, ce film.
Vidéo – Une partie lambda :
NOTE FINALE : 12/20
Comment adapter un monument du cinéma de science-fiction comme Alien sur une console comme l'Atari 2600 ? En faisant un clone de Pac-Man, pardi ! L'idée a beau être décevante sur le papier, transformant le chef d'oeuvre de Ridley Scott en un de ces avatars qui faillirent tuer le jeu vidéo américain en 1983, il faut reconnaître que le cartouche fait plutôt nettement mieux en la matière que le catastrophique portage de la mascotte de Namco sur le même système : c'est coloré, ça ne clignote pas et c'est suffisamment bien équilibré pour qu'on se surprenne à ne pas avoir envie de reposer le joystick avant d'avoir terminé sa partie de trois minutes. Alors non, l'atmosphère, la tension et l'adrénaline ne sont pas là, mais un jeu décent ? À tout prendre, ce n'est déjà pas si mal.
CE QUI A MAL VIEILLI :
– Une ambiance sonore extrêmement discrète
– Un seul plan de labyrinthe
– Des stratégies réduites par le fait qu'il n'y ait qu'un seul pulsar accessible à la fois
Bonus – Ce à quoi peut ressembler Alien sur un écran cathodique :
