Développeur : Electronic Arts, Inc.
Éditeur : Electronic Arts, Inc.
Titre alternatif : The Haunting
Testé sur : Mega Drive
Version Mega Drive
Date de sortie : Octobre 1993 (États-Unis) – Novembre 1993 (Europe) |
Nombre de joueurs : 1 |
Langue : Anglais |
Support : Cartouche |
Contrôleur : Joypad |
Version testée : Version européenne |
Spécificités techniques : Cartouche de 16Mb |
Vidéo – L’écran-titre du jeu :
Admettez-le. Vous pensiez avoir fait le tour de ce que les simulations avaient à vous offrir. Piloter un jet expérimental, un avion de la première guerre mondiale, un hélicoptère surarmé ou même un vaisseau spatial ? Déjà fait. Incarner un fermier, un policier, un pompier ou un agent du SWAT ? Itou. Le monde vidéoludique est ainsi fait : si vous avez déjà eu une idée quant à ce que vous aimeriez faire, être, ou devenir, il l’a probablement eue aussi. De l’animal de compagnie au super héros, du kart à la F1, du biplan au F-16, vous avez tout vu.
Mais si un titre vous propose une carrière à laquelle vous n’aviez pas réellement réfléchi jusqu’à présent, comme par exemple… un esprit frappeur chargé de faire décamper une famille de chez elle, à l’instar du Beetlejuice de Tim Burton ? Ah, voilà qui semble piquer votre intérêt ! Il faut dire que si les jeux vidéo vous ont fréquemment fait affronter des fantômes, il est déjà beaucoup plus exceptionnel de les incarner, sans même parler de leur faire jouer de mauvais tours aux vivants – voilà un concept à creuser ! Eh bien, inutile de vous donner du mal : une équipe de chez Electronic Arts y a déjà pensé pour vous : c’est Haunting starring Polterguy sur Mega Drive, et ça ne ressemble à rien d’autre.
Le jeu vous place donc dans la peau (enfin, façon de parler) d’un fantôme. Un fantôme assez juvénile, d’ailleurs, avec son blouson en cuir et son goût évident pour le rock. Pour être honnête, on ne sait pas trop à quoi la plupart des morts-vivants passent leurs journées (ou leurs nuits), mais notre (anti ?)héros, lui a une cible claire, et cette cible s’appelle Sardini – soit le nom d’une famille de mafieux, avec qui notre poltergeist semble avoir un sérieux compte à régler.
Lequel ? Vous n’en saurez rien en lançant le jeu, mais il se peut que notre revenant devienne un peu plus causant entre les niveaux et vous raconte son histoire. Pour l’heure, en tous cas, il s’est fixé un objectif suffisamment important à ses yeux pour valoir la peine de retarder son après-vie, et celui-ci est simple : pourrir la vie de cette arrogante famille d’ascendance italienne, au point de l’amener à déserter toutes ses résidences une par une, jusqu’à ce qu’elle quitte définitivement la ville.
Pour cela, notre esprit frappeur devra commencer par faire preuve d’imagination. Le fait est que les Sardini, comme la plupart des vivants, ne peuvent pas voir les fantômes. En revanche, ils pourront voir les mille-et-un tours que notre héros pourra insuffler dans les objets du quotidien, histoire de transformer un simple canapé ou un tableau pendu au mur en une vision d’horreur, et ainsi filer les chocottes à la personne située dans la pièce.
Le principe est simple : en se promenant dans la maison, Polterguy (comme on le nommera, faute de mieux) peut faire apparaitre des objet en surbrillance. En appuyant sur la touche A, il pourra pénétrer à l’intérieur et ainsi les investir d’un pouvoir horrifique qui se manifestera au passage de la victime. Chacun des quatre membres de la famille Sardini (le père, la mère, le fils et la fille) pourra ainsi être amené à quitter la pièce sous l’effet de la terreur – puis carrément la maison, jusqu’à ce que vous ayez fait décamper toute la sainte famille jusqu’à sa prochaine résidence, qui constituera le niveau suivant du jeu. En tout et pour tout, il faudra faire fuir les mafieux de pas moins de quatre maisons pour vous en débarrasser définitivement.
Bien évidemment, s’il suffisait d’utiliser les pouvoirs de Polterguy sur tous les meubles de la maison pour gagner, le défi ne serait pas très relevé ; vous vous doutez donc qu’il va y avoir une contrepartie aux ambitions du jeune fantôme. Celle-ci prendra la forme d’une jauge d’ectoplasme dans laquelle il vous faudra puiser pour « charger » les différents meubles de leur capacité horrifique.
Il faudra se montrer économe, car si les différents membres de la famille Sardini lâcheront de l’ectoplasme derrière eux en prenant la fuite, la jauge se vide très vite, vous privant alors de vos pouvoirs. En cas d’ectoplasme épuisé, le jeu n’est heureusement pas terminé : il vous faudra aller en rechercher… dans une dimension infernale remplie d’obstacles, qui sera le seul véritable endroit où vous pourrez « mourir » – prenez trop de coups, et Polterguy aura définitivement échoué, d’autant plus qu’il n’y a qu’une seule vie et aucun continue. Vous voilà donc prévenu.
Histoire de vous compliquer encore un peu plus la tâche, divers ennemis vont également commencer à faire leur apparition, au fil des niveaux, histoire de vous placer des bâtons dans les roues. Ainsi, le chien des Sardini pourra vous voir, contrairement à ses maîtres, et le fait qu’il signale votre présence diminuera votre jauge d’ectoplasme. Plusieurs esprits des morts prenant la forme d’un crâne volant pourront aussi s’en prendre à vous, à vous de voir si vous préfèrerez les affronter à l’aide du bouton B ou simplement changer de pièce et de cible. Rien d’insurmontable, mais une nouvelle occasion de puiser dans votre précieuse réserve d’ectoplasme qui composera votre principal motif d’inquiétude pendant l’essentiel de la partie.
S’il fallait saluer un seul aspect du titre développé par Electronic Arts, ce serait à n’en pas douter le soin minutieux apporté à sa réalisation. On appréciera la variété des pièces composant les très luxueuses maisons appartenant aux Sardini et présentées en 3D isométrique, tout comme on appréciera de voir les personnages évoluer à l’intérieur, nous donnant réellement le sentiment de se promener au cœur d’une villa américaine. Mais le plus impressionnant reste l’extraordinaire variété de tours à jouer à vos ennemis : chaque meuble, chaque objet donnera lieu à une animation unique – et à une réaction tordante de vos victimes, qui en perdront leur robe ou leur perruque quand ils ne seront pas en train de se faire dessus. Que vous fassiez sortir un monstre d’un frigo ou un pendu d’un placard, que vous fassiez apparaître un corps en décomposition dans une baignoire ou que vous fassiez se promener un pantalon vide hors de la machine à laver, il faut bien reconnaître qu’une grande partie du plaisir du jeu viendra de cette découverte permanente des dizaines de mauvais tour que votre fantôme peut jouer.
Selon la pièce visitée, toutes les possibilités s’adapteront au mobilier, et on vient rapidement à espérer qu’un des personnages de la famille aille prendre ses quartiers dans une zone qu’on ne connaisse pas encore par cœur afin de découvrir les trouvailles qui auraient pu nous échapper. Les situations sont aussi nombreuses qu’imaginatives, et on sent bien que les graphistes n’ont pas chômé – jamais encore on n’avait assisté à une pareille variété d’animations dans un jeu en 1993. De quoi vous occuper des heures !
Malheureusement, il faut bien reconnaître que cette approche, si elle est très agréable à observer, n’est pas nécessairement aussi ludique qu’on pourrait le croire.
L’idée d’effrayer les Sardini finit fatalement par s’essouffler au bout de quelques heures – le temps de faire le tour de toutes les animations du jeu – et on regrette qu’en-dehors de quelques occasion de contrôler directement une apparition, l’essentiel du jeu se borne finalement à appuyer sur A en passant devant un objet.
Il n’y a pas réellement de stratégie, pas de type de pouvoir qui soit plus efficace sur un membre de la famille plutôt que sur un autre ; tout juste s’efforcera-t-on de ne pas lâcher une victime avant qu’elle ait quitté la maison pour éviter que sa jauge de frayeur retombe, et basta. Pour ne rien arranger, le passage le plus déterminant de la partie (celui ou vous allez chercher de l’ectoplasme dans le royaume des morts) est à la fois le plus frustrant, le moins maniable et le moins intéressant du jeu.
Collecter les gouttes de liquide vert nécessite souvent un placement au millimètre, et les sauts sont d’une imprécision catastrophique encore renforcée par le maniement délicat imposé par la 3D isométrique. C’est le moment où on s’amuse le moins – et c’est hélas celui qui décidera de la suite de la partie, puisque l’échec se traduit immédiatement par un game over. L’absence de système de sauvegarde contribue également à prolonger les séances de jeu, et même si le titre peut être terminé en environ une heure, la chasse aux Sardini ne se renouvèle tout simplement pas suffisamment pour inscrire le logiciel dans la durée. Une fois vidé de sa substantifique moelle – autant dire en quelques parties à peine – Haunting starring Polterguy deviendra avant tout une curiosité qu’on montrera aux amis, et un bon souvenir qu’on ressortira au maximum une fois par an, le temps de retrouver un concept assurément unique en son genre – mais pas assez travaillé pour son propre bien.
Vidéo – Le premier niveau du jeu :
NOTE FINALE : 14/20 Titre totalement unique en son genre, Haunting starring Polterguy constitue à n'en pas douter une des expériences les plus dépaysantes de toute l'ère 16 bits. En choisissant de vous placer dans la position inédite d'une sorte de Beetlejuice bien décidé à vider des maisons de leurs occupants, le titre imaginé par Electronic Arts fait le pari d'une réalisation graphique d'une rare variété afin de vous délecter des dizaines de tourments pour-de-rire de vos malheureuses victimes. Malheureusement, un certain manque d'idées et une absence totale de renouvellement des mécanismes de jeu font que le programme est rapidement plus agréable à regarder qu'à jouer, et que le soufflé retombe bien avant d'être venu à bout de l'aventure. Dommage que le gameplay n'ait pas été mieux pensé, car on aurait pu tenir là un titre de légende. Reste un OVNI dépaysant auquel n'importe quel retrogamer devrait s'être essayé au moins une fois. CE QUI A MAL VIEILLI : – L'excellent concept du jeu s'essouffle trop vite – La récolte de l'ectoplasme n'est vraiment pas passionnante – Le jeu résiste assez mal aux longues sessions qu'il impose