Kick Off World

Développeur : Anco Software Ltd.
Éditeur : Funsoft GmbH
Titre alternatif : Kick Off World Manager (Italie)
Testé sur : PlayStation

La série Kick Off (jusqu’à 2000) :

  1. Kick Off (Anco Software) (1989)
  2. Kick Off 2 (1990)
  3. Super Kick Off (1991)
  4. Kick Off 3 (1994)
  5. Kick Off 3 : European Challenge (1994)
  6. Kick Off 96 (1996)
  7. Kick Off 97 (1997)
  8. Kick Off 98 : Global Soccer (1997)
  9. Kick Off World (1998)

Version PlayStation

Date de sortie : 26 juin 1998 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2 – 1 à 4 (avec le PlayStation Multitap)
Langues : Anglais, français
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par carte mémoire (1 à 4 blocs)

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Au mitan de l’année 1998, alors que l’équipe de France de football fonçait vers son premier mondial, la licence Kick Off, pour sa part, apparaissait davantage comme une cause perdue.

Cruelle trajectoire pour ce qui restera aux yeux du genre comme la première grande série de jeux de football – à condition que « grande série » puisse s’appliquer à deux épisodes et à leurs data disks, car on a eu tout loisir de relater dans le détail à quel point la saga autrefois au sommet du genre avait rapidement perdu de sa superbe après le départ de Dino Dini.

Désespérément accrochée à son antique système de jeu comme un chewing-gum au dessous d’une chaise d’école primaire, la saga aura cruellement tâtonné sans trop sembler savoir où elle désirait aller, et pendant qu’elle multipliait avec maladresse les passements de jambe et les touches de balle au milieu de terrain, la concurrence désormais menée par FIFA d’un côté et International Superstar Soccer de l’autre fonçait droit au but sous les clameurs de la foule. Là où Kick Off 3 était encore parvenu à diviser la presse et les joueurs, l’unanimité dans l’agacement et le mépris était totale au moment de la sortie de Kick Off 98 trois ans plus tard. Comme un aveu, le Kick Off 99 qui aurait été la continuité logique d’une licence qui n’intéressait plus grand monde n’aura jamais vu le jour, remplacé par un Kick Off World qui, pour l’occasion, aura également déserté le PC pour se diriger vers la PlayStation – terre d’accueil particulièrement prospère, il est vrai, pour la plupart des simulations sportives. Un moyen d’annoncer un changement de cap probablement trop tardif dans tous les cas : après une nouvelle tentative de relancer la série en 2002 avec un Kick Off 02 qui n’aura convaincu personne, la licence aura disparu corps et bien pendant quinze ans avant, comme un symbole, de faire une ultime apparition sous la forme d’un Dino Dini’s Kick Off Revival qui, contrairement à ce qu’annonçait son titre, aura achevé d’enterrer définitivement la licence et son gameplay de trente ans d’âge sous une réalisation datée, une jouabilité qui avait fait son temps et une montagne de bugs. Rideau.

Retour en 1998 : Kick Off World s’avance, sans savoir s’il constituera le rebond ou le testament de la licence (spoiler alert : deuxième option). En tous cas, comparé à un Kick Off 98 qui représentait un pas en arrière au niveau du contenu, cette fois, le titre a récupéré les bases : 120 sélections nationales, 230 clubs avec les vrais effectifs – même si les compétitions en elles-même ne disposent toujours pas des licences officielles, on ne va pas râler sur le contenu.

On notera d’ailleurs que le mode « Coupe du Monde » qui permet de vivre la célèbre compétition sans un gros « FIFA » placé devant reprend par défaut exactement la composition des groupes de la véritable Coupe du Monde 1998, même si les compositions d’équipe n’ont pas toujours pu être mise à jour à cause de la sortie en juin (l’équipe de France a par exemple Ibrahim Ba titulaire en pointe alors que le joueur n’avait pas été retenu dans la sélection par Aimé Jacquet). On trouve comme toujours des modes coupe et championnat, accompagné d’une « Reebok Super League » qui correspond, pour l’occasion, à une nouveauté : un mode où le joueur est placé dans la peau du manager et doit chercher les dépenses et le mercato de son équipe. Dans les faits, ce mode très limité n’a que très peu d’options à offrir, et sachant que le joueur y est extrêmement passif puisque non seulement il ne peut pas participer aux matchs mais qu’il ne peut même pas les regarder non plus (il suit un résumé textuel beaucoup trop lent où ne sont décrits que les buts), on dira simplement que ce n’est clairement pas cette Super League même pas digne d’un mini-jeu qui va concurrencer la série des Football Manager (sans rire, on pouvait déjà faire plus de choses dans Sensible World of Soccer).

Reste donc les rencontres en elles-mêmes, et à ce niveau-là, le moins qu’on puisse dire est que les trois précédents épisodes avaient beaucoup de choses à se faire pardonner. Première mauvaise surprise : non seulement les options de configuration sont à peine dignes de celles du premier Kick Off, sorti quand même neuf ans plus tôt, mais surtout elles n’intègrent absolument aucun réglage de la difficulté.

Fort heureusement, la première bonne surprise, pour sa part, est que l’équilibrage est devenu nettement moins défaillant qu’auparavant est qu’il est enfin possible de disputer un match sans passer l’essentiel de la rencontre à regarder les joueurs adverses enchaîner les passes supersoniques pendant qu’on cherche encore à comprendre qui on contrôle. Si la jouabilité connaît d’ailleurs toujours de nombreux écueils – précisément parce qu’il est difficile de sélectionner le footballeur que l’on souhaite contrôler –, on constate néanmoins que les joueurs sont enfin capable de contrôler la balle sans la perdre au premier virage, et que la jouabilité au pad intègre enfin la possibilité d’accélérer ou de passer de manière à peu près correcte, tout comme il est possible de dribbler sans avoir des réflexes surhumains. Cette fois, les adversaires ne remportent pas automatiquement tous les duels, et il est permis de disputer une balle sans avoir à tenter un tacle désespéré en maintenant le bouton de passe appuyé et en restant au contact. Conséquence : on peut enfin espérer construire des actions cohérentes avec un minimum d’efforts sans se faire rouler dessus par les Iles Fidji à cause d’une I.A. défaillante. Ce n’est pas encore du Zidane, très loin de là, mais ça commence un peu à s’éloigner du football amateur de rang départemental.

Niveau stratégique, on ne va pas se mentir, c’est encore très théorique. Comprenez par là que bien qu’on puisse changer de formation, de composition ou de mentalité, cela n’a souvent que très peu d’impact sur les rencontres, lesquelles se jouent toujours très souvent sur des déboulés solitaires de soixante mètres davantage que sur du jeu court et du gegenpressing.

En dépit de ses prétentions, le titre demeure en fin de compte très arcade, mais à ce niveau il s’en sort infiniment mieux que ses prédécesseurs dans le sens où il est enfin permis de s’amuser – ce qui est un énorme progrès ! Certes, il n’y a sans doute pas matière à y passer des semaines, les ennemis finissant par se montrer très prévisibles et par échouer à représenter un véritable challenge, mais après des années d’errement, on semble enfin tenir les bases d’une formule qui fonctionne… trop tard. Car bien évidemment, sans être un mauvais jeu, Kick Off World souffre surtout de n’avoir rien à proposer qu’on n’ait déjà trouvé en mieux dans la concurrence susmentionnée – ce qui lui aura valu une réception critique particulièrement fraîche de la part de la presse vidéoludique, sans doute pas très décidée à se montrer magnanime après des opus qui n’avaient fait que dégringoler dans les limbes du genre. Ça, s’il avait été seul au monde, le jeu aurait sans doute été bien accueilli, mais c’était davantage un jeu de 1995 proposé avec trois ans de retard qu’un véritable challenger à des licences qui évoluaient désormais dans d’autres sphères que les siennes.

La réalisation graphique fait à peu près le travail – ce n’est pas la pointe de ce qu’on pouvait espérer en 1998, mais disons qu’avec près de trente ans de recul, les différences techniques le séparant de ses illustres rivaux sont moins spectaculaires. L’action est fluide, il est possible de placer la caméra sur le côté du terrain plutôt que derrière les buts et de choisir la distance : basique, mais efficace.

En revanche, l’ambiance sonore est déjà moins emballante, déjà parce que la foule enflammée dépasse rarement le stade du bruit de fond, mais aussi et surtout parce que les commentaires mettent fabuleusement à côté de la plaque. Non que l’unique commentateur – pas très inspiré, mais visiblement professionnel – ne fasse pas le nécessaire, mais quand il commence à vous parler du début des prolongations alors qu’on joue la dixième minute de la première mi-temps ou qu’il annonce un carton rouge alors que l’arbitre a déjà sorti le jaune, on sent bien qu’il y a un problème. Dans l’ensemble, on a surtout l’impression d’entendre quelqu’un en train de commenter un autre match, ce qui n’aide pas vraiment à se sentir immergé dans une simulation censée être réaliste.

Il en ressort un titre objectivement difficile à noter : à l’échelle de toute la production sportive du siècle dernier, ce Kick Off World est loin d’être ridicule et propose des matchs arcade imparfaits mais efficaces, à défaut d’offrir le réalisme et la profondeur qu’on aurait pu souhaiter.

En revanche, il est clair que dès l’instant où le lance après l’une des licences sacrées de la période, il n’a vraiment pas grand chose à offrir si ce n’est un gameplay moins abouti et maladroitement expurgé proposé dans une réalisation qui ne soutient pas non plus la comparaison. Encore une fois, c’est un titre qui aurait fait illusion deux ou trois ans plus tôt, mais tout allait décidément très vite à la fin des années 90, et à force de chercher où se positionner jusqu’à se prendre constamment les pieds dans le tapis, la licence aura fini par avoir une guerre de retard et par définitivement griller le crédit qu’elle avait accumulé au cours de la décennie précédente. Dommage pour un épisode qui aura enfin pris ses marques… en devenant définitivement un FIFA International Soccer en moins bien, mais c’était peut-être ce qu’il lui restait de mieux à proposer. Une sortie qui en vaut une autre.

Vidéo – Match : Lyon vs. Manchester United :

NOTE FINALE : 13,5/20

« Trop peu, trop tard ». Après de nombreuses années engagée dans une direction catastrophique qui l'aura menée de la légende à l'oubli, la licence orpheline de Dino Dini aura fini par devenir, avec Kick Off World, ce qu'elle pouvait encore espérer être de mieux sous la direction de Steve Screech : un petit jeu de football en 3D totalement perdu dans la masse. Enfin un peu mieux équilibré et un peu plus jouable, cet épisode n'a hélas toujours pas grand chose à offrir en termes de réalisme, de stratégie ou de profondeur de jeu – disons qu'il parvient à faire illusion pour les amateurs de gameplay orienté arcade et que c'est a minima le jeu qu'aurait dû être Kick Off 96 deux ans plus tôt. Ce n'est pas qu'on ne puisse pas passer un bon moment sur un titre qui rattrape plutôt bien une partie des très nombreuses erreurs de ses prédécesseurs, c'est surtout qu'on n'y trouve rien que la concurrence ne se soit déjà chargée d'apporter en mieux – pas même un mode managérial aussi gadget que mal pensé. Mauvais jeu ? Pour une fois, non. Mais c'était clairement insuffisant pour espérer se mêler à nouveau à la bataille.


CE QUI A MAL VIEILLI :

– Des options de configuration réduites à la portion congrue...
– ...sans aucun réglage pour la difficulté
– Des commentaires incohérents n'entretenant souvent aucun rapport avec l'action
– Un mode managérial où l'on est purement spectateur
– Un manque criant de profondeur qui se ressent dans le déroulement des matchs

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Kick Off World sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Les matchs manquent de dynamisme, les joueurs gérés par la console ont tendance à répéter souvent les mêmes actions, l’aspect tactique se révèle être assez limité et la réalisation, bien que correcte, n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que les joueurs sont en droit d’attendre de la PlayStation. On vous l’a dit, on vous le répète, la Coupe du Monde, ça se passe chez Electronic Arts, un point c’est tout ! »

Willow, Joypad n°77, juillet 1998, 3/10

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