Surgical Strike

Développeur : The Code Monkeys, Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Testé sur : Mega-CDMega-CD + 32X

Version Mega-CD

Date de sortie : Juin 1995 (États-Unis) – Septembre 1995 (Europe) – 22 décembre 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Il est rare qu’une révolution se déroule sans victimes.


Cette affirmation un rien péremptoire peut d’ailleurs s’appliquer dans le cadre d’une révolution technique. Prenez le cas du CD-ROM, par exemple. Lors de son arrivée (d’ailleurs assez tardive) en occident, le support numérique était annoncé comme le nouveau paradigme, celui qui allait changer les règles du jeu, et accessoirement achever de propulser le jeu vidéo en direction d’un médium avec lequel il n’avait cessé de dresser des ponts depuis sa création : le cinéma. Car voilà justement le petit problème : d’un point de vue purement ludique, le CD-ROM n’apportait rien de par sa simple nature, si ce n’est une capacité de stockage très supérieure à celles des cartouches ou des disquettes.

Or, quitte à embarquer dans le train de la modernité plutôt que de rester sur le quai, beaucoup de développeurs ne se seront jamais franchement demandé où ce train pouvait les emmener, d’où la tragique mode des « films interactifs » ou « FMV », plus films qu’interactifs, qui permettait d’en envoyer plein les yeux avec des vidéos dégueulasses, une compression honteuse et des acteurs de série Z pour habiller des gameplay antédiluviens. S’il est une machine qui aura parfaitement représenté cette ambition de proposer de la vidéo à tout prix, c’est bien le Mega-CD de SEGA. Et ce recours pathologique aux FMVs sera d’ailleurs resté comme un des symboles de son dramatique fiasco ludico-commercial. Intéressons-nous aujourd’hui à l’un des avatars les plus couteux, les plus ambitieux et les moins visionnaires de cette époque bénie : Surgical Strike.

Les joueurs voulaient de l’action ? On allait leur offrir de l’action ! Et pas n’importe quelle action : des explosions partout à la Michael Bay, des méchants de pacotille façon actioner des années 80, et même des bimbos en maillot de bain à la Andy Sidaris. SEGA n’hésita ainsi pas à placer plusieurs millions de dollars dans un jeu qui sera sorti de façon totalement confidentielle sur un Mega-CD mort et enterré, à une époque où la vidéo était déjà has been et où la vraie révolution ludique était désormais la 3D. Recette gagnante…

Figurez-vous un groupe terroriste de pacotille œuvrant au moyen-orient et mené par une caricature de méchant à tendance arabe et poétiquement nommé « Kabul » – appelons ça le syndrome « post-guerre du Golfe » où on n’avait plus de russes sous la main. De toute façon, vous allez vite comprendre qu’en dépit de sa présentation sévèrement burnée suant la testostérone, le jeu ne cherche pas à se prendre outrageusement au sérieux non plus : vous faites partie d’une mission de l’ONU à bord d’un prototype révolutionnaire chargé de mener une frappe chirurgicale (d’où le titre)… directement depuis le sol, ce qui est à peu près aussi crétin que tout le reste, mais passons. Vous allez comme d’habitude partir régler son sort au grand méchant, à travers trois missions, ce qui n’est déjà pas lourd, mais sachez en plus que la dernière ne sera accessible qu’en lançant le jeu en mode « difficile ». L’occasion de promener un viseur sur un écran comme dans n’importe quel Rail Shooter, mais avec un principe sensiblement plus ambitieux au menu.

La partie s’ouvre par exemple sur une carte de briefing qui vous situe vos objectifs en vous laissant le choix de votre position et de votre direction de départ. En effet, votre sublime caisse à savon en carton-pâte qui fait aussi prototype furtif va passer son temps à se déplacer, mais elle aura le choix de la direction : à chaque intersection, vous aurez la possibilité de vous rediriger en appuyant sur C plus une des flèches.

Une très bonne façon pour le programme de vous balader dans ce qui restera des couloirs mais qui passeront pour un environnement semi-ouvert. Et mieux vaudra bien réfléchir à votre route, car les munitions sont limitées et car vous éterniser à errer sans but constituera le plus sûr moyen de passer l’arme à gauche avant d’être allé punir le méchant de service. Une réflexion qui devra hélas s’accompagner d’un peu de chance ou, à défaut, d’une solide pratique des niveaux du jeu.

Vous allez vite découvrir que le titre, derrière son aspect faussement « ouvert », n’aime pas du tout que vous fassiez autre chose que ce qu’il avait prévu. Par exemple, les cibles devront toujours être approchées en venant d’une certain direction (d’ailleurs matérialisée par une flèche sur la carte) : dans le cas contraire, vous en serez quitte pour faire demi-tour après les avoir « doublées » (alors qu’elles n’apparaissaient tout simplement pas !) et pour retourner leur faire face en ré-affrontant au passage tous les adversaires sur le trajet.

Plus gênant : les objectifs de fin de mission suivent la même philosophie, mais eux ne vous indiquent pas la direction à suivre. Par exemple, au terme de la première mission, vous devrez prendre un bâtiment d’assaut. Arrivez par l’ouest, et vous mourrez : il faut impérativement arriver par l’est. Comment étiez-vous censé le savoir ? Eh bien vous ne le pouviez pas, et c’est ça qui est drôle ! D’ailleurs, chaque niveau se termine par une séquence vous demandant impérativement de choisir une cible au hasard parmi quatre ou cinq en un laps de temps très court. Échouez à tirer sur la bonne (ce que vous aurez donc environ 80% de chances de faire), et le jeu sera perdu, game over ! Rigolo, non ? Non ? Ah bon.

On se doute bien que de toute façon, l’extraordinaire réalisation du jeu sera ce qui vous donnera envie de recommencer ces mêmes missions en boucle, pas vrai ? Ah, ça, les vidéos, chez Code Monkeys, on en est fier ! Ça pète dans tous les sens devant de grands fonds verts, avec des maquettes qui explosent, des décors en carton qui sautent, des figurants qui se lancent sur des trampolines, la totale !

Ce serait même presque divertissant si le jeu ne se sentait pas obligé de nous balancer un insert montrant votre gattling ou votre lance-missile en train de tirer À CHAQUE. PUTAIN. DE TIR. Vous ne rêvez pas : vidéo oblige, vous ne pourrez tout simplement pas disposer de la moindre cible sans que cela se traduise par l’enchainement de deux vidéo cumulant parfois pas moins de cinq secondes d’effets visuels cheaps. Autant dire que cela hache atrocement l’action, et la rend surtout répétitive à en mourir au bout de deux minutes, en plus de vous coller une migraine à toute épreuve à force de voir des pafs et des boums dans tous les sens pendant que votre cerveau se transforme lentement en tapioca.

Conséquence ? Divertissant à très, très faible dose, le jeu s’acharne à offrir une difficulté injuste et frustrante qui s’appuie sur sa pire tare, à savoir la répétitivité absolue jusqu’à ce que vous soyez parvenu à deviner ce que vous êtes censé faire, dans quel ordre et sous quel angle.

Et évidemment, en cas d’erreur, c’est game over, retour à l’écran-titre et en voiture Simone ! C’est dommage car le titre est dans l’absolu plutôt plus tactique et mieux pensé que la moyenne des rail shooters, mais dire qu’il a pris un coup de vieux serait une évidence – à tel point, en fait, qu’il avait déjà mal vieilli au moment de sa sortie. Avec une patience à toute épreuve et un amour coupable pour les nanars décérébrés plus ou moins assumés, il y a certainement matière à passer quelques bons moments sur le jeu mais dans tous les cas, il y a fort à parier que vous ayez une furieuse envie d’aller faire autre chose au bout d’un quart d’heure. Et franchement, personne ne vous en voudra.

Vidéo – La première mission du jeu :

NOTE FINALE : 11/20 L'objectif de Surgical Strike n'était déjà pas très impressionnant sur le papier : tenter de dissimuler l'inanité de son gameplay de pur rail shooter derrière une surenchère de vidéos hideuses compressées à la truelle, en enrobant le tout d'un scénario encore plus crétin que la moyenne et prier pour que le tout fasse encore illusion en 1995, alors que la nouvelle génération de consoles et leur 3D débarquaient en fanfare. Une fois la manette en mains, quelques rares bonnes idées comme le fait d'avoir à planifier sa route et à la gérer en temps réel se confrontent à une difficulté frustrante, à des situations stupides et injustes, et à une gestion des munitions qui poussent clairement le jeu dans le camp du die-and-retry. Entretemps, le joueur abruti par la répétition névrotique des mêmes scènes d'explosion et des mêmes plans grotesques risque d'avoir eu son compte au bout de trente secondes, mais l'honnêteté oblige à reconnaître que, dans son genre, le titre des Code Monkeys est loin d'être le pire. À réserver aux curieux, aux fans de nanars et aux amateurs de défis punitifs particulièrement répétitifs.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un scénario qui parvient à être encore plus stupide que tout ce que les films d'action des années 80 étaient parvenus à accomplir dans le domaine – Une surenchère d'inserts partout, tout le temps, qui hachent l'action et vous labourent le crâne – Beaucoup de situations où vous êtes censé arriver par une direction donnée ou choisir une cible parmi plusieurs sous peine de game over sans avoir le moindre indice – La gestion des munitions qui vous interdit toute forme d'erreur – Seulement trois niveaux... – ...et en plus, il faut jouer en difficile pour avoir le droit de voir le dernier ! – Un curseur trop lent, sans possibilité de modifier sa vitesse

Version Mega-CD + 32X

Développeur : The Code Monkeys Ltd.
Éditeur : SEGA of America
Date de sortie : Janvier 1996 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Même les fans les plus acharnés de la marque au hérisson bleu accepteront sans doute de l’admettre : au long de sa carrière, SEGA n’aura pas eu que des bonnes idées. Au fiasco du Mega-CD aura succédé celui de la 32X, mais on en vient à oublier que ces deux fiascos étaient cumulables : six titres auront été publiés pour tirer parti des deux (couteuses) extensions de la Mega Drive et ainsi utiliser la puissance de la 32X pour offrir une meilleure qualité vidéo que ce qu’offrait le Mega-CD. Surgical Strike faisait partie de ces six élus, et offrait dans sa boîte un coupon permettant d’obtenir une version optimisée pour tirer parti des deux extensions… sauf qu’entre le succès très relatif du jeu et celui encore plus relatif du combo Mega-CD + 32X, autant dire que cette fameuse version optimisée n’aura pas exactement fait fureur, à tel point qu’elle n’aura au final été commercialisée qu’au Brésil et qu’on l’aura crue perdue corps et bien jusqu’à ce qu’une équipe locale ne la réédite en 2017 ! Mais alors concrètement, qu’apporte donc cette fameuse version ? Eh bien, comme pour tous les titres concernés, la puissance de calcul de la 32X permet d’offrir des vidéos mieux compressées et nettement plus colorées. On a moins l’impression de jouer à travers un filtre noir et granuleux, et le gain graphique est évident à tous les niveaux. En revanche, niveau gameplay, rien n’a changé, et on ne peut donc pas dire qu’on s’amuse beaucoup plus ici. Pour ne rien arranger, autant dire que cette version est assez difficile à se procurer, et qu’elle ne vaudra la dépense qu’aux yeux des collectionneurs les plus acharnés, mais si jamais vous l’avez sous la main : oui, clairement, c’est quand même plus agréable que sur le Mega-CD seul.

Tant qu’à faire, ça fait déjà plus illusion

NOTE FINALE : 11,5/20

Bon, soyons clair : Surgical Strike n’est clairement pas transfiguré par son passage sur l’association Mega-CD/32X. Ludiquement toujours aussi limité – et pour cause, il n’a pas bougé d’un iota à ce niveau-là – il a au moins le mérite de profiter d’un enrobage un peu plus soigné, avec des vidéos de bien meilleure qualité qui permettent de bien apprécier les maquettes et le carton-pâte à leur juste valeur. Et ça, c’est quand même quelque chose.

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