Le Manoir de Mortevielle

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Développeur : Lankhor
Éditeur : Lankhor
Titres Alternatifs : Mortville Manor (international), Le Manoir de Mortvielle (écran-titre des versions Amiga, Amstrad CPC et PC), Der Landsitz von Mortville (Allemagne)
Testé sur : Atari STAmigaAmstrad CPCPC (MS-DOS)
Version non testée : Sinclair QL

Les enquêtes de Jérôme Lange :

1 – Le Manoir de Mortevielle (1986)
2 – Maupiti Island (1990)

Version Atari ST

Date de sortie : Septembre 1987
Nombre de joueurs : 1
Disponible en Français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″ simple face
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette française testée sur Atari 520 STf
Configuration minimale : RAM : 512ko – Écran couleur

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Connaissez-vous Jérôme Lange ? Hélas, difficile de vous en vouloir si vous avez répondu par la négative. Tout le monde se souvient des Marlowe, des Maigret, des Chandler ou même des Burma… Mais ces grands détectives, à leur manière, ont accédé depuis longtemps à l’immortalité. Lange, lui, dans un univers vidéoludique parfois plus violent que les plus sombres des ruelles de Chicago, aura été déclaré disparu tandis qu’il s’embarquait pour le Japon. Et pourtant, ses deux premières enquêtes auront laissé des souvenirs à une génération de joueurs, dans l’esprit de qui résonnent encore ces mots : « Février 1951. Profession : détective privé. Le froid figeait Paris et mes affaires lorsque… »

Le fameux manoir empli de souvenirs d’enfance – attendez-vous à y passer du temps

Vous voici dans la peau de Jérôme Lange, qui vient de vous dévoiler son activité.  Une lettre de votre vieille amie Julia vous pousse à vous rendre au manoir de Mortevielle, pour une raison qui ne vous est pas exposée. Un lieu ancien, et chargé de souvenirs… Mais l’heure n’est pas venue de les évoquer : à peine arrivé sur place, vous apprenez que Julia est morte. Une tempête de neige bloquant désormais les routes, vous devrez enquêter sur les lieux, interroger les dix personnes présentes, et chercher à comprendre pourquoi votre amie tenait à vous faire venir ici. Mieux vaudra apprendre à vous faire discret, malgré tout : personne n’aime les gens qui posent des questions sans y avoir été invités, et encore moins les fouineurs.

Il y a beaucoup, beaucoup de sujets à aborder dans le jeu

Le premier titre du jeune studio de Lankhor avait à l’origine été programmé sur Sinclair QL, une machine si confidentielle à l’échelle de la France que je serais surpris que de nombreux lecteurs en aient déjà entendu parler. C’est néanmoins à partir de la version ST que cette première enquête de Jérôme Lange acquerra ses lettres de noblesses, grâce à un ajout extrêmement novateur… sur lequel je m’étendrai un peu plus tard. Pour l’heure, vous aurez sans doute remarqué que j’ai employé plusieurs fois le mot « enquête », et que je n’ai pas parlé à un seul instant de « jeu d’aventure ». Le Manoir de Mortevielle répond en effet à des mécanismes qui ne sont pas ceux du jeu d’aventure classique, et afin de bien comprendre de quoi il résulte, mieux vaut prendre le temps de commencer par s’attarder sur l’interface du jeu, très novatrice pour l’époque.

Vous allez devoir apprendre à chercher des indices absolument partout

Pourquoi ? Eh bien déjà parce qu’à une époque où la ligne de commande était encore reine dans le monde de l’aventure graphique, on sera heureux de pouvoir jouer au titre de Bernard Grelaud et Bruno Gourier intégralement à la souris. Une série de menus déroulants en haut de l’écran vous permettra d’accéder au contenu de votre inventaire, de choisir où vous déplacer, de vous adresser à une des personnes présentes avec vous ou tout simplement d’agir par le biais d’une liste de verbes d’action extrêmement copieuse comprenant plus d’une vingtaine de termes !

« En cas de conversation, vous pourrez profiter d’un portrait animé de votre interlocuteur, et surtout d’une des plus grandes innovations de l’époque : la synthèse vocale »

Les graphismes feront aujourd’hui sourire, mais c’est pas grave, on se prend quand même au jeu

Il sera ainsi possible de prendre un objet ou d’observer quelque chose, bien sûr, mais également de frapper, de gratter, de sonder, de tourner ou de sentir… Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est exhaustif ! Si la plus grande partie de la fenêtre de jeu sera consacrée à la représentation du lieu où vous vous trouvez – ce qui était encore loin d’être une évidence en 1987 – plusieurs autres informations utiles sont également disponibles sur la droite de l’écran : les gens présents dans la même pièce que vous – car, non, il ne seront pas représentés visuellement sur l’aire de jeu – l’ambiance qui règne (il sera peut-être plus difficile de pousser quelqu’un à vous répondre lorsque l’atmosphère est lourde), et également une pendule qui vous dévoilera l’heure, celle-ci ayant une importance puisque toute la population du manoir suit sa propre vie sans rester en permanence à votre disposition : il y a des heures de repas, des heures d’office à la chapelle, et si vous cherchez à interroger quelqu’un en particulier, vous risquez d’avoir à chercher un peu – d’autant plus que vous pouvez visiter non seulement l’intégralité du manoir, mais également ses environs.

Les possibilités offertes sont vertigineuses

En cas de conversation, vous pourrez profiter d’un portrait animé de votre interlocuteur – encore très rudimentaire, mais c’était déjà bluffant pour l’époque – d’une liste de sujets particulièrement fournie, et surtout d’une des plus grandes innovations de l’époque : la synthèse vocale. Pensez à monter le son : bien avant le support CD et les voix digitalisées, on avait trouvé un moyen pour que les personnages s’adressent à vous de vive voix.

Ce sera à vous de trier entre ce qui est utile et ce qui ne l’est pas

Pour l’époque, c’était extraordinaire – il était exceptionnel d’entendre un jeu vidéo s’adresser à vous directement. En revanche, pour le joueur contemporain, qui aura surtout l’occasion de découvrir l’ancêtre rudimentaire de Siri, il sera sans doute nécessaire de faire répéter plusieurs fois les personnages, car ce qu’ils cherchent à articuler ressemblera parfois à de la bouillie sonore, et aucun des dialogues du jeu n’est affiché sous forme de texte par défaut. Question d’habitude à prendre, dira-t-on.

Le truc, c’est que bombarder tout le monde de questions en fouillant toutes les pièces à la vue de tous est une très, très mauvaise idée – une de celle qui devrait vous mener à un game over en un temps record.

« Ne vous attendez pas à terminer le jeu dès votre première partie : c’est rigoureusement impossible »

Fouiller tout le manoir devrait vous prendre un sacré bout de temps

Si j’ai insisté aussi lourdement sur le fait que Le Manoir de Mortevielle était un jeu d’enquête, c’est aussi parce que des méthodes devenues banales dans l’univers du point-and-click, comme de ramasser tout ce qui traine et d’épuiser tous les sujets de conversation, n’auront pas cours ici. Si la plupart des personnages accepteront sans difficulté de répondre à quelques questions, ils finiront rapidement par s’agacer que vous les cuisiniez pendant de longues minutes. Et quitte à mener votre enquête en ouvrant les tiroirs ou en allant visiter les chambres, ayez au moins la présence d’esprit de le faire quand personne n’est dans la pièce avec vous…

Les événements pourront prendre un tour sordide

Ne vous attendez pas à terminer le jeu dès votre première partie : c’est rigoureusement impossible. En fait, tout l’intérêt de l’enquête va précisément être, au fil de vos parties, d’accumuler suffisamment d’informations pour comprendre ce qui est en jeu, et pas simplement d’enchainer une suite de décisions pour arriver devant un écran de fin. Pour peu que vous disposiez d’une solution, l’enquête peut même être résolue en visitant cinq pièces et en accomplissant à peine une dizaine d’actions.

« Plus vous arpenterez les caves et les greniers, plus vous apprendrez à connaître chaque invité comme s’il s’agissait d’un membre de votre propre famille, plus le jeu sera prenant »

Décrypter les parchemins ne se fera pas en quelques minutes

Le seul problème, c’est que vous ne comprendriez alors rien à tout le processus logique qui était censé vous amener jusque là. L’intérêt de l’histoire est précisément qu’elle pourra vous occuper pendant un sacré bout de temps, entre des parchemins à déchiffrer, des énigmes mettant en jeu des portées musicales, les jours de la semaine et les intérêts plus ou moins cachés de chacun des protagonistes. Le jeu est réellement difficile, mais son principal intérêt provient précisément du fait que la récompense sera exactement à la hauteur de l’énergie que vous aurez déployé à le résoudre. Plus vous arpenterez les caves et les greniers, plus vous apprendrez à connaître chaque invité comme s’il s’agissait d’un membre de votre propre famille, plus le jeu sera prenant. À l’inverse, errez sans but en faisant n’importe quoi et en ne notant rien et vous risquez vite de vous sentir perdu, l’étendue absolument délirante des possibilités offertes par la très copieuse liste de verbes interdisant de résoudre quoi que ce soit en épuisant méthodiquement les actions proposées sur chacun des lieux ou des objets du programme. Autant vous y préparer : la logique, et la logique seule, sera votre arme… avec parfois, il faut bien le reconnaître, un peu de chasse au pixel.

Prenez des notes, fouillez partout – mais soyez discret

En effet, malgré son caractère novateur, il faut bien reconnaître que l’interface du jeu n’est pas toujours très intuitive. Même en sachant parfaitement ce que l’on cherche à faire, il faudra parfois tâtonner un peu pour trouver une cache ou une ouverture représentant une espace minuscule à l’écran, et utiliser un objet demandera également un peu de pratique, puisqu’il faudra absolument le tenir en main au préalable, et que la manœuvre n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le penser. Il faudra probablement quelques parties pour prendre ses marques, en composant au passage avec une réalisation sympathique mais quelque peu datée, avant de réellement commencer à se sentir dans la peau de Jérôme Lange. Mais acceptez de faire cet effort, et vous pourriez alors avoir une très bonne surprise, car l’enquête, en dépit de quelques zones d’ombre assez frustrantes, peut vite se montrer très prenante. Suffisamment, d’ailleurs, pour que vous puissiez avoir envie d’accompagner notre détective jusqu’à Maupiti Island, mais ceci est une autre histoire…

Vidéo – Les dix premières minutes du jeu :

Récompenses :

  • Tilt d’or 1987 – Meilleur logiciel d’aventure
  • Tilt d’or 1987 – Meilleur bruitage

NOTE FINALE : 15/20 L'une des principales originalités du Manoir de Mortevielle est d'être un jeu d'enquête - un véritable jeu d'enquête. Oubliez les énigmes à base d'associations d'objets, les inventaires remplis de bizarreries ayant toutes une fonction ou la kleptomanie en rigueur dans les aventures graphiques : ici, vos meilleures armes seront un carnet de notes et votre jugeote, pour faire la lumière par vous-même dans un titre qui ne le fera jamais à votre place. L'interface intégralement à la souris a heureusement mieux vieilli que les lignes de commande, et la synthèse vocale confère encore un charme indéniable à une enquête qui reste relativement unique en son genre - sa suite directe exceptée. Tentez votre chance pour accompagner Jérôme Lange à la recherche de la vérité sur la mort de son amie Julia ; vous pourriez être très agréablement surpris. CE QUI A MAL VIEILLI : – La synthèse vocale, c'est sympa, mais ce n'est pas toujours très facile de comprendre ce que vous disent les autres invités – On aurait sans doute pu disposer d'une interface plus conviviale si on ne devait pas jongler avec plus d'une vingtaine de verbes – Graphiquement, le jeu fait son âge

Version Amiga
Le manoir de Mortvielle

Développeur : Alex Livshits
Éditeur : Lankhor
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1
Disponible en Français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette française testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Après s’être fait un nom sur Atari ST, Le Manoir de Mortevielle aura débarqué sur Amiga… en perdant au passage un « e » dans son titre. Peut-être une étourderie due à Alex Livshits, le responsable du portage du jeu ? Sans doute pas, car le titre ne récupèrera pas cette lettre manquante dans les autres portages. Toujours est-il que cette adaptation semble bien décidée à profiter du temps écoulé pour être un peu plus fignolée : on assiste par exemple pour la première fois à l’apparition d’un écran annonçant la série « Mystère » qui perdurera jusqu’à Maupiti Island, ainsi qu’à un portrait de Jérôme Lange rappelant furieusement Humphrey Bogart sur l’écran-titre. L’interface du jeu a été légèrement réorganisée, elle n’apparait désormais que lorsqu’on presse le bouton droit, et elle est bien plus colorée – tout comme la plupart des écrans du jeu, qui ont également souvent gagné en détails. Pour ne rien gâcher, la synthèse vocale est également un peu plus propre – les qualités sonores de l’Amiga aidant sans aucun doute à ce niveau – et les dialogues sont un peu plus compréhensible. Bref, c’est la même chose, mais encore en un peu mieux.

Le jeu donne globalement le sentiment d’être un peu plus « fini »

NOTE FINALE : 15,5/20

Assuré avec sérieux, le portage du Manoir de Mortevielle sur Amiga ne se sera pas contenté de reprendre à l’identique la version Atari ST, mais en aura profité pour proposer des graphismes plus colorés, une interface peaufinée et une qualité sonore supérieure. On aurait tort de se plaindre, d’autant plus que cela constitue autant de raisons supplémentaires de (re)découvrir ce très bon jeu.

Version Amstrad CPC
Le manoir de Mortvielle

Développeur : Frédéric Carbonero
Éditeur : Lankhor
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1
Disponible en Français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette française testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On ne saura peut-être jamais pourquoi les développeurs français étaient ceux qui savaient tirer le meilleur de la machine d’Amstrad. Une seule chose est sure : ce n’est pas cette adaptation du Manoir de Mortevielle (encore privé d’un « e » dans le titre pour le récupérer en jeu) qui viendra prouver le contraire ! En effet, la réalisation graphique est une nouvelle fois de haute volée, au point de n’avoir pas à rougir de la comparaison avec les versions 16 bits. Bien sûr, la résolution est moins fine, mais les écrans sont très bien composés, et on retrouve immédiatement l’ambiance si particulière du jeu. La vraie claque, cependant, vient du côté du son : la qualité est quasi-équivalente à ce qu’on a pu entendre sur ST (à un léger souffle près) ! Même le (court) thème musical est livré à l’identique, c’est vraiment du très beau boulot. À noter que tous les dialogues apparaissent cette fois avec le texte pour les accompagner, vous n’aurez donc aucune excuse pour ne pas parvenir à mener votre enquête. Sans hésitation un des tout meilleurs jeux d’aventure du CPC.

Voilà ce qu’on peut appeler une version irréprochable

NOTE FINALE : 14/20

Les joueurs CPC, encore trop souvent habitués aux versions au rabais, pourront jubiler en découvrant ce superbe portage du Manoir de Mortevielle, si parfaitement réalisé qu’il n’a pour ainsi dire presque aucune raison de nourrir des complexes face à la version ST ! Un titre majeur de la ludothèque de la machine d’Amstrad.

Version PC (MS-DOS)
Le manoir de Mortvielle

Développeur : Clément Roques
Éditeur : Lankhor
Date de sortie : 1988
Nombre de joueurs : 1
Disponible en Français : Oui
Disponible en anglais : Oui
Supports : Disquette 5,25 et 3,5″
Contrôleur : Souris
Version testée : Version disquette française émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Hercules
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les versions PC des années 80, c’est un peu comme une très vieille boîte de chocolats : on ne sait jamais à quoi s’attendre, mais on n’est quand même pas très rassuré au moment d’en goûter un. En 1988, pas encore de VGA à se mettre sous la dent… alors le jeu fait le choix de l’EGA en haute résolution. Le résultat est assez surprenant, notamment à cause d’un côté entrelacé assez bizarre, mais on s’habitue relativement vite, et cela offre parfois même des graphismes plus détaillés, en particulier lors des dialogues. Côté sonore, pas encore de reconnaissance des cartes-son, mais le haut-parleur interne s’en sort malgré tout particulièrement bien – Même le thème musical n’a pratiquement rien à envier à ce que proposait la version ST. En fait, la réalisation sonore du titre est presque supérieure à celle du portage sur PC de sa suite, Maupiti Island, c’est dire ! Dans tous les cas, une version très sérieuse, une nouvelle fois, que Lankhor en soit remercié.

C’est certainement ce qu’on pouvait espérer tirer de mieux de l’EGA
(À titre de comparaison, voilà ce que peut donner le rendu sur un écran cathodique)

NOTE FINALE : 15/20

On avait beaucoup de choses à craindre d’une adaptation sur PC en 1988, mais l’équipe en charge de la conversion a bien mené sa barque, et cette version du Manoir de Mortevielle est pour une fois pratiquement à la hauteur des autres versions 16 bits, ne pêchant que par un effet entrelacé déstabilisant. Un vrai bon portage.