Dune

Développeur : Cryo Interactive Entertainment
Éditeur : Virgin Games
Testé sur : PC (DOS)AmigaMega-CD

La saga Dune (jusqu’à 2000) :

  1. Dune (1992)
  2. Dune II : Battle for Arrakis (1992)
  3. Dune 2000 (1998)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Avril 1992 (version disquette) – Mai 1993 (version CD-ROM)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français (voix en anglais, textes en français)
Supports : CD-ROM, disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Versions disquette et CD-ROM émulées sous DOSBox Staging
Configuration minimale : Version disquette :
Processeur : Intel 80286 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, AdLib Gold, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Version CD-ROM :
Processeur : Intel 80386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 640ko – MSCDEX : 2.2 – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, AdLib Gold, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dune de Frank Herbert n’est pas seulement un pilier majeur de la littérature de science-fiction. Il partage également avec Don Quichotte une caractéristique étrange : celle d’être une adaptation maudite. Tout comme Orson Welles ou Terry Giliam se sont successivement cassés les dents en cherchant à faire un film tiré de l’œuvre de Miguel de Cervantes (avec une lutte de près de vingt ans pour terminer son film dans le cas du second), Alejandro Jodorowsky ou David Lynch auront laissé quelques cheveux et perdu quelques rêves en se frottant au premier livre d’une saga réputée inadaptable. Bon courage, donc, à Denis Villeneuve, qui se prépare au moment où j’écris ces lignes à porter sur grand écran un univers face auquel de plus célèbres que lui se sont déjà ramassés jusqu’à renier partiellement leur travail.

Mais en dépit des très nombreuses passerelles existant entre le septième et le dixième art, le fait est que Dune, de manière inexplicable, a souvent beaucoup mieux vécu ses adaptations vidéoludiques que ses semi-ratages dans les salles obscures. Et avant même que Westwood Studios ne s’empare du bébé pour fonder, pratiquement à lui tout seul, le genre de la stratégie en temps réel avec Dune II, Cryo s’était déjà mis à l’ouvrage avec un titre qui aura fait énormément pour asseoir la réputation du studio français – et accessoirement celle d’un compositeur du nom de Stéphane Picq, mais nous y reviendrons.

Projetons-nous donc en 1992. À cette époque, Cryo Interactive va sur ses deux ans, la société française résultant de la fusion entre ERE informatique et son label Exxos, lui-même créé avec le soutien de… Alejandro Jodorowsky (comme le monde est petit !). Alors qu’Exxos avait signé ses débuts suite à un grand succès commercial nommé Captain Blood avant que le soufflé ne retombe, la faute à des jeux un peu « trop français » dans leur conception de type Kult ou Purple Saturn Day, le premier jeu made in Cryo, Extase, aura lui connu des ventes relativement confidentielles.

Alors, pour son deuxième projet, le studio français table sur quelque chose de plus ambitieux, un projet qui tenait à cœur à Philippe Ulrich depuis des années : la toute première adaptation vidéoludique de Dune – celle-là même qui nous intéresse aujourd’hui. Mais sur quel terrain asseoir un jeu tiré du livre-univers de Frank Herbert ? Ce ne sera pas de la stratégie, comme dans le cas du choix opéré par Westwood la même année, mais bien une alchimie étrange entre jeu d’aventure à la première personne, gestion et combat stratégique – le développement du jeu se sera d’ailleurs révélé à peu près aussi chaotique, accidenté et constellé d’improbables retournements que celui du film de Lynch, la faute à une relation exécrable avec Virgin Games. Un assemblage bâtard entre différents gameplay incompatibles, comme c’était un peu trop souvent la mode à la fin des années 80 ? Peut-être quelque chose de plus enthousiasmant que ça : après tout, dans le cadre du jeu vidéo également, les miracles existent.

Le jeu vous place donc directement dans la peau de Paul Atréides, fraichement débarqué sur la planète Dune, et plus précisément au palais Arakeen, avec toute sa famille. La mission confiée par l’empereur Shaddam IV est a priori simple : assurer la récolte de l’épice-mélange, la substance la plus précieuse de tout l’univers, qu’on ne trouve nulle part ailleurs que sur la planète Arrakis, mieux connue sous le nom de Dune, donc (en même temps, vu le titre du jeu, j’ose espérer que vous aviez déjà compris que vous n’alliez pas passer la partie sur Pluton). Mais vous n’êtes pas exactement seuls sur cette fameuse planète, puisque vos rivaux de toujours, la famille Harkonnen, sont toujours sur place avec la ferme intention de vous placer des bâtons dans les roues. Surtout, le peuple du désert, les mystérieux Fremen, pourrait représenter votre plus grand allié – et il se murmure justement parmi eux qu’un messie fera un jour son apparition, un étranger qui connaitra toutes leurs coutumes et les emmènera un jour vers le Jihad…

Abordons donc le premier point fort de Dune : sa prise en main. Chose encore assez exceptionnelle pour un titre de 1992 (et sans doute dû en grande partie à la pression de Virgin Games, qui haïssait l’interface des premières versions du jeu), un passage par le manuel sera totalement facultatif. Tous les enjeux de la partie vous sont résumés lors de la sympathique introduction (visible ci-dessus) qui fait d’ailleurs presque office de bande-annonce de la partie à venir, procédé fort original encore aujourd’hui. Puis, une fois la partie commencée, l’interface vous affiche la liste des actions possible par un menu en bas de l’écran, tandis que bouger le curseur de la souris jusqu’à l’un des bords de la fenêtre vous permet de vous déplacer.

Histoire de ne pas rater une porte, un indicateur des directions qu’il est possible d’emprunter est affiché en bas à droite, et une encyclopédie placée dans le coin inférieur gauche permettra aux distraits de retrouver les informations qui leur aurait échappé quant à l’univers. La sauvegarde, quant à elle, se fera impérativement par une visite à votre chambre, où vous pourrez vous observer dans un miroir qui aura également le mérite de vous communiquer une information plus importante qu’elle en a l’air : la vitesse à laquelle vos yeux se colorent en bleu à cause de la saturation du sang par l’épice.

Comme on le voit, difficile de faire plus simple : toutes les informations sont visibles à l’écran, et le jeu se joue parfaitement en ne faisant usage que d’un seul bouton de la souris sans jamais toucher au clavier. Mais pour ne rien gâcher, les premières conversations feront également office de tutoriel, puisque chaque personnage prendra le soin de se présenter, de vous rappeler ses liens avec vous et de vous dire clairement ce qu’on attend de vous lors des prochaines minutes. Un moyen très ingénieux de prendre le joueur par la main et de lui permettre de découvrir, tout au long de la partie, les possibilités sans cesse croissantes qui vont s’offrir à lui – justement, votre père vous propose de rejoindre Gurney Halleck qui est parti préparer le terrain dans les premiers sietchs (les habitats Fremen) à proximité du palais. L’occasion pour vous d’aller faire connaissance avec les autochtones et de les convaincre de travailler pour vous puisque ramasser l’épice restera un objectif majeur pendant l’intégralité de la partie.

C’est à ce moment qu’on ne peut qu’apprécier l’ingéniosité du système de jeu, et surtout la façon dont il tire savamment parti de l’œuvre dont il est tiré. En effet, rapidement, les possibilités de votre personnage vont s’étendre, lui offrant la capacité de communiquer par télépathie. Ainsi, si donner des instructions à vos Fremen vous demandera au début de partie d’aller leur rendre visite grâce à l’ornithoptère qui sera votre premier moyen de transport, vous pourrez rapidement les contacter directement depuis la carte stratégique dans un rayon qui s’étendra selon votre maîtrise – jusqu’à couvrir le globe dans son entier. Dans le même ordre d’idée, de nouveaux enjeux apparaitront au fur et à mesure de la partie, vous laissant le loisir d’entrainer vos Fremen au combat, de leur trouver un leader, de voyager à dos de ver des sables, de rencontrer l’amour et même de commencer à faire naître la végétation sur Dune !

Bref, la lassitude ne s’installe jamais, grâce à des personnages hauts en couleur tirés directement de l’œuvre originale venant développer à chaque fois le scénario un peu plus loin, et c’est avec un plaisir non dissimulé que les fans du livre pourront recroiser Thufir Hawat, Duncan Idaho, Liet Kynes, Harah ou Stilgar. Surtout, les joueurs n’ayant jamais mis le nez dans le roman ni dans aucune de ses adaptations ne seront absolument pas perdus, ce qui est un autre tour de force.

À noter que les fans du long-métrage de David Lynch, eux aussi, pourront s’en donner à cœur joie en comptant les références au film, le design de certains personnages (à commencer par Paul Atréides, mais aussi sa mère Jessica) en étant directement tiré – une nouvelle fois sous la pression de Virgin Games, bien décidé à capitaliser sur la licence du film, et non sur celle du livre. On remarquera d’ailleurs que Feyd Rautha Harkonnen a des traits très inspirés de ceux de Sting… sans lui ressembler trop ouvertement, le chanteur ayant refusé qu’on emploie son image dans le jeu, tout comme Patrick Stewart et bien d’autres. Ce qui aura conduit bien des personnages à disposer d’un design original – celui originellement voulu par l’équipe de développement – ce qui sera l’occasion de saluer la qualité exceptionnelle de la réalisation du titre. Soyons francs : c’est magnifique, d’abord parce que le titre a une « patte » certaine qui n’a pas pris une seule ride, ensuite parce qu’on ne peut qu’admirer le soin apporté à une multitude de petits détails, comme la gestion du jour et de la nuit avec les aurores/crépuscules correspondants, les vols en vue subjectives à bord de votre ornithoptère (ou à dos de ver), les effets de zoom et de distorsion lors des conversations télépathiques, le quasi photoréalisme de certains visages, etc.

Le titre de Cryo tire pleinement parti des 256 couleurs de sa palette, le rendant aujourd’hui encore très agréable à l’œil. On sera d’ailleurs heureux de constater que les vols en pseudo-3D mentionnés plus haut tiennent compte du relief que vous survolez, affichant des pierres dans les zones rocheuses, et des arbres par centaines lorsque vous serez parvenu à faire grandir de la végétation sur Arrakis. On s’y croit à fond ! Mais quitte à aborder la réalisation du titre et sa magie si particulière, il serait criminel de ne pas aborder l’un des aspects les plus marquants du titre de Cryo : sa musique.

N’allons pas par quatre chemins : la B.O. composée par Stéphane Picq et Philippe Ulrich est l’une des œuvres les plus marquantes de toute l’ère 16 bits, et sans doute bien au-delà. Tirant partie de toutes les cartes sonores de l’époque, depuis l’AdLib jusqu’à la Roland MT-32 en passant même par la gestion des capacités spécifiques de l’AdLib Gold et de son module Surround (pour la petite histoire, seuls deux jeux tireront pleinement parti de ces capacités, tous deux issus des studios Cryo : Dune et KGB), celle-ci livre une partition inoubliable avec des sonorités électroniques sans équivalents dans le monde du jeu vidéo – à tel point qu’elle fut l’une des premières B.O. de jeu vidéo à paraître sur CD sous le titre de Dune : Spice Opera. Autant dire que l’ensemble des mélodies qui la composent représente une extraordinaire madeleine de Proust pour tous les joueurs s’étant un jour ou l’autre essayé au jeu, l’atmosphère fabuleuse qu’elles dégagent étant une excellente raison de replonger périodiquement dans un titre qu’on aura pourtant fini des dizaines de fois.

À noter d’ailleurs que le jeu est malheureusement très court – ne comptez pas plus de quatre ou cinq heures pour le boucler – et que son extrême accessibilité le rend également très facile. Les demandes de l’empereur en terme de livraisons d’épice sont très raisonnables, et vous ne devriez pas avoir trop de mal à tenir confortablement le rythme tout en vous laissant le temps d’entrainer vos troupes pour aller apprendre la politesse aux Harkonnen.

Les aspects « gestion » et « stratégie » du jeu sont d’ailleurs simplissimes : on dit à chaque troupe de Fremen ce qu’elle doit faire et où, et le reste se fait sans nous ; tout juste gardera-t-on un œil sur l’équipement de tout ce beau monde pour optimiser son efficacité, une moissonneuse d’épice n’étant pas vouée à tenir très longtemps sans un ornithoptère pour surveiller les vers des sables, et une troupe de combattants pouvant obtenir des résultats drastiquement différents selon qu’elle soit équipée de Kriss ou d’armes atomiques. Certes, on peut mourir pour avoir un peu trop trainé la patte, pour avoir échoué à comprendre ce qu’on attendait de nous ou pour avoir effectué un survol un peu trop téméraire en plein territoire Harkonnen, mais il faudra rarement plus de deux parties pour venir à bout du titre – avec un petit pincement désagréable qui nous fera comprendre qu’on aurait volontiers passé six ou sept heures de plus sur Arrakis. Un très bon signe pour un titre aussi accessible que prenant qu’on aura bien du mal à lâcher et dont l’univers comme les mélodies risquent de s’inviter dans nos souvenirs pour quelques dizaines d’années. Quelques mots enfin, comme c’est la coutume, sur la version française du jeu : Cryo étant une société française, on n’aura aucune mauvaise surprise à ce sujet. Tous les dialogues sont écrits dans un français irréprochable, littéraire, sans coquille ni faute de grammaire, bref, vous pouvez foncer les yeux fermés.

La version CD-ROM :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Dune est également l’un des premiers jeux occidentaux à avoir été porté sur CD-ROM. Comme souvent à l’époque, remplir une galette avec un jeu qui tenait sur trois disquettes 3″1/2 demandait un peu d’imagination, et on sera déçu de constater que tirer parti du support pour profiter de la B.O. du jeu dans toute sa pleine gloire n’était visiblement pas à l’ordre du jour. Eh oui, CD ou pas, il faudra encore composer avec très exactement la même musique MIDI – sublime, certes – que sur la version disquettes. On constatera en revanche qu’il est dorénavant possible de faire cohabiter deux cartes sonores, par exemple histoire de profiter des voix à côté d’une Roland MT-32.

Car bien évidemment, le jeu est désormais intégralement doublé – uniquement dans la langue de Shakespeare, hélas, mais la qualité du jeu des acteurs est irréprochable. Les sous-titres, eux, reste en français, personne ne sera donc perdu dans cette version. Cryo aurait très bien pu en rester là, mais on sent que l’envie de proposer un petit coup de polish sur leur jeu a fait son chemin entre deux versions, ce qui fait qu’on sera également heureux de constater l’apparition de quelques fioritures bienvenues. Tout d’abord, le jeu profite désormais, en ouverture de son introduction, d’une petite présentation vidéo de l’univers par la princesse Irulan (la fille de l’empereur Shaddam IV), directement tirée du film de David Lynch. Les formats de compression de l’époque étant encore assez… rudimentaires, on devra se contenter d’un affichage façon « un pixel sur quatre », mais le résultat reste relativement efficace pour peu qu’on ait la bonne idée de plisser les yeux ou de s’éloigner un peu de son écran.

Une fois en jeu, en constatera quelques autres modifications. Tout d’abord, une table mixage est désormais présente en permanence dans l’interface au bas de l’écran. Un très bon moyen de profiter de la musique du titre, d’autant qu’il est désormais possible d’écouter tous les morceaux à la suite, façon CD, sans que leur ordre soit dicté en rien par vos actions en jeu. Du côté des graphismes, autre surprise : les déplacements en pseudo-3D ont désormais laissé place à de la 3D pré-calculée, tout comme le désert dans son ensemble qui abandonne ainsi le pixel art. On appréciera ou pas, mais force est de constater que le côté « froid » et impersonnel imputable à la 3D ne fait pas trop de dégâts ici. On constatera également que les entrées des sietchs ou le bas des marches du palais Arakeen ont également été modélisés en 3D. Les intérieurs, les portraits et tout le reste du contenu du jeu, eux, restent entièrement dessinés à la main, ce qui est une très bonne chose.

Vidéo – Quinze minutes de jeu (version CD-ROM) :

Du côté des fans :

En tête des raisons qui valent à Dune, le jeu vidéo, de bénéficier d’une popularité intacte plus de trente ans après sa sortie se situe sa formidable bande originale – qui avait déjà fait fait, comme on l’a vu, l’objet d’une sortie au format CD, chose encore exceptionnelle à l’époque. Il se trouve que Stéphane Picq ayant récemment récupéré les droits de l’album en question, il en a tiré un remaster que vous pouvez désormais acquérir sur Bandcamp à cette adresse. Un excellent moyen de (re)découvrir dans des conditions optimales des thèmes musicaux qui ont marqué une génération.

Récompenses :

  • Tilt d’or 1992 (Tilt n°109, décembre 1992) – Meilleure bande-son micro

NOTE FINALE : 18/20 Au milieu de la ludothèque ô combien irrégulière en terme de qualité issue des studios Cryo, Dune fait figure d'exception autant que de chef d’œuvre : le titre qui aura miraculeusement accompli l'alchimie entre respect de l’œuvre dont il est tiré, réalisation exceptionnelle, musique légendaire, prise en main immédiate et savant mélange entre aventure, stratégie et gestion. Plus qu'un jeu, Dune est à la fois l'un des plus beaux hommages au livre de Frank Herbert et au long-métrage de David Lynch, mais également une expérience à nulle autre pareille, quelque part entre une balade en terre inconnue portée par une ambiance fabuleuse, exploration, découverte, et cette impression tenace d'être redevenu un enfant de onze ans avec une capacité d'émerveillement intacte. Le jeu est certes un peu court – ce qui ne lui laisse pas le temps de devenir trop redondant – et définitivement trop simple, mais il porte en lui une magie comme on n'en rencontre plus à l'heure de l'ultra-réalisme et de la 3D reine. Tout simplement un titre de légende. CE QUI A MAL VIEILLI : – Le jeu se termine très vite – Difficulté purement anecdotique

Les avis de l’époque :

« Techniquement, ce jeu est très proche de ce qui, pour moi, est la perfection. Les graphismes sont très beaux et soutenus par des changements de palette à couper le souffle. (…) Mais à mon avis, ce qui fait la force de ce jeu, c’est la musique. Lancer Dune et mettre le casque sur les oreilles est une expérience étonnante. Du jamais-ouï sur micro-ordinateur. »


Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°101, Avril 1992, 18/20

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Dune sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Cryo Interactive Entertainment
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : Juin 1992
Nombre de joueurs : 1
Langues : Allemand, anglais, français
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 500/2000 – OS : Kickstart 1.2 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Installation sur disque dur supportée
Lecteur de disque externe supporté

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Tout comme sa suite-qui-n’en-est-pas-une, programmée par Westwood et publiée la même année, Dune aura également connu sa conversion sur Amiga. Sans surprise, le déroulement de l’aventure et le contenu du jeu sont strictement équivalents à l’original sur PC, intéressons-nous donc à ce qui fait la spécificité de cette version: sa réalisation.

Graphiquement, tout d’abord, la palette de l’Amiga 500 ne peut pas rivaliser avec les 256 couleurs de la version PC. Les graphismes sont donc moins colorés, ce qui ne sera une surprise pour personne. En revanche, force est de reconnaître que cela reste plus que correct, et que si les écrans fixes ne provoquent plus les mêmes claques que sur la machine d’IBM, le titre demeure très agréable à l’œil, notamment grâce à des sélections judicieuses dans les couleurs à utiliser. Bref, si personne n’aura de raison de privilégier cette version à sa consœur pour ses graphismes, personne n’aura de raison de la bouder non plus.

Du côté de la musique à présent, comme on le sait, l’Amiga est sensiblement mieux équipé pour rivaliser avec la version PC – même équipée d’une Roland MT-32, dont la réalité du gain qualitatif par rapport à ce que proposait le jeu avec une AdLib ou une Sound Blaster pourrait déjà être sujet à débat.

Et à ce niveau-là, pas de problème, la puce Paula fait au moins jeu égal avec la concurrence. La comparaison est rendue difficile par le fait que la version Amiga ne va pas piocher exactement les mêmes morceaux que la version PC au sein de l’album Spice Opera (et surtout, par le fait qu’il n’y a plus désormais que trois thèmes audibles !), mais si cela modifie très légèrement l’ambiance du titre, le résultat reste largement à la hauteur de la version PC – les débats faisant même rage, entre les passionnés, pour savoir si la musique de cette version ne serait pas encore meilleure. Inutile de prendre part dans un duel entre deux écoles de nostalgiques : la B.O. est une nouvelle fois fantastique, et ce portage sur Amiga reste une curiosité qui vaut largement la peine d’y prêter une oreille, le temps d’une ou deux heures de jeu.

NOTE FINALE : 17/20

D’accord, Dune sur Amiga est moins beau que sur PC, c’est indiscutable. Cela n’empêche pas cette version de s’en sortir avec les honneurs, tant elle tire le maximum d’une palette limitée – et surtout, tant elle rend à nouveau une copie irréprochable au niveau musical. Sensiblement différente de celle de la version originale, la B.O. de ce portage vous délivrera malgré tout au moins autant de frissons que sur PC, et les amateurs des compositions de Stéphane Picq et Philippe Ulrich auraient tort de ne pas aller s’essayer à la version Amiga, à leur tour, histoire de profiter d’un nouveau parfum de madeleine de Proust. Une très bonne version.

Version Mega-CD

Développeur : Cryo Interactive Entertainment
Éditeur : Virgin Games, Inc.
Date de sortie : Décembre 1993 (Amérique du Nord) – Janvier 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français (version française intégrale)
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou CD BackUp RAM Cart

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Surprise qui n’en est peut-être pas complètement une : Dune aura également été porté sur Mega-CD. Mais après tout, considéré que le titre de Cryo était l’un des premiers à tirer avantage du support, quelle destinée plus logique pour lui que d’aller égayer un peu la ludothèque de la machine de SEGA ? Surtout que la firme japonaise semblait très intéressée, à l’époque, à porter des jeux d’aventure venus du PC – du moins jusqu’à ce que des ventes médiocres ne douchent un peu leur enthousiasme.

Cette version Mega-CD reprend donc, comme on pouvait s’y attendre, le contenu de la version PC CD-ROM pratiquement à l’identique. Je dis « pratiquement » pour deux raisons : tout d’abord, les limitations techniques évidentes inhérentes à la machine de SEGA, et ensuite, grâce à l’apparition d’une nuance de taille. En effet, lors du lancement du jeu, le titre vous propose de choisir votre langue, entre l’anglais et le français – jusqu’ici, rien de révolutionnaire. Mais si vous avez la bonne idée de sélectionner la langue de Molière, vous aurez la surprise de découvrir une version française intégrale, doublages inclus (doublages que vous pourrez d’ailleurs entendre dans l’introduction ci-dessus) ! Eh oui, contrairement à la version PC CD-ROM qui n’offrait que des doublages anglophones, Dune sur Mega CD propose des voix françaises de très bonne qualité – les acteurs ne tombent ni dans l’excès d’emphase ni dans le sous-jeu, les timbres sont bien choisis en fonction des personnages, bref, on est a des kilomètres de l’amateurisme constaté dans d’autres jeux à la même époque – au hasard dans le Dragon Lore du même Cryo. On remarquera d’ailleurs que même le discours introductif de la princesse Irulan est directement repris de la VF du Dune de David Lynch – voilà ce qu’on appelle du travail bien fait !

Mine de rien, cette ambition certaine au moment du portage peut représenter une grosse différence en terme d’immersion – d’autant que les anglophones ne seront spoliés en rien, les voix originales étant toujours présentes à condition de choisir de jouer en anglais au début de la partie. Pour ne rien gâcher, le reste du jeu n’a pas été galvaudé : la maniabilité au pad ne pose aucun problème, et la réalisation graphique reste à la hauteur – même si elle reste très loin de ce qu’offre l’Amiga, aux capacités pourtant relativement proches. La 3D pré-calculée des scènes de vol, elle, vient directement de la version PC – en 32 couleurs, certes, mais là encore le travail est très propre.

Bien sûr, le jeu peut difficilement rivaliser avec la version PC dans ce domaine, mais la fabuleuse ambiance du titre ne souffre pas trop – d’autant que la musique, elle aussi, est toujours présente. Entre les versions existantes, la B.O. a fait son choix : ce sont les thèmes de la version PC qui ont été repris… même si plusieurs thèmes ont disparu au passage. Et si la qualité musicale pourra sembler très légèrement inférieure à ce que proposait l’AdLib, le plaisir demeurera quasiment intact. En résumé, une version sérieuse avec de sérieux arguments à faire valoir.

NOTE FINALE : 17,5/20

Le Mega-CD n’était pas forcément la plateforme où on attendait Dune, et pourtant, au final, quel choix aurait pu paraitre plus logique ? Là où on aurait pu s’attendre à un simple portage de la version PC CD avec les graphismes de la version Amiga, la machine de SEGA nous rappelle qu’elle en a dans le ventre en proposant un portage, certes inférieur graphiquement au titre sur PC (et sur Amiga) et avec quelques thèmes musicaux en moins, mais largement apte à faire jeu égal dans tous les autres domaines – et même à le surpasser sur le plan de la qualité de la localisation puisque cette version reste la seule à proposer des voix françaises, et de qualité, excusez du peu ! Bref, une excellente surprise que tous les amateurs du titre devraient essayer au moins une fois.

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