The Colonel’s Bequest : A Laura Bow Mystery

Développeur : Sierra On-Line, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Titres alternatifs : The Colonel’s Bequest (écran-titre)
Testé sur : PC (DOS)AmigaAtari ST
Disponible sur : Windows (7/8/10/11)
En vente sur : Gog.com (Windows)

Les enquêtes de Laura Bow (jusqu’à 2000) :

  1. The Colonel’s Bequest : A Laura Bow Mystery (1989)
  2. Roberta William’s Laura Bow in : The Dagger of Amon Ra (1992)

Version PC (DOS)

Vidéo – L’introduction du jeu :

Enquêter… En y réfléchissant, existe-t-il un mot qui pourrait mieux résumer ce qu’est fondamentalement un jeu d’aventure ?

De fait, l’enquête policière aura bel été un des fondements du genre : en programmant Mystery House sur Apple II en 1980, Ken et Roberta Williams avaient créé l’aventure graphique, avancée logique et sans doute inéluctable mais dont ils peuvent aujourd’hui encore se vanter de partager la paternité. Les sources d’inspiration, à l’époque, se nommaient Cluedo ou Agatha Christie, mais curieusement, le jeu d’enquête sera bel et bien resté un sous-genre assez marginal, et à un Manoir de Mortvielle ou à un Maupiti Island près, sera finalement resté plus ou moins lettre morte.

Retournons à présent à la fin de l’année 1989. La compagnie fondée par les époux Williams, Sierra On-Line, a prospéré – au point de devenir la maîtresse quasi-incontestée d’un genre alors très populaire. « Quasi », car un studio nommé Lucasfilm Games commençait à lui disputer de plus en plus ouvertement la place ; le mois de décembre allait d’ailleurs voir la publication du fameux Why Adventure Games Suck de Ron Gilbert, qui allait autant représenter une refondation du genre qu’une attaque à peine voilée contre certains des mécanismes récurrents de la « philosophie Sierra ».

Mais Roberta Williams, de son côté, était plus occupée à réfléchir à ses premières amours et reprendre les inspirations de ses débuts pour créer un nouveau jeu d’enquête, presque dix ans après le premier. Elle imagina pour l’occasion une jeune héroïne nommée Laura Bow (ce qui était encore très neuf dans un monde vidéoludique extrêmement masculinisé ; King’s Quest IV, l’année précédente, avait été un des premiers titres du genre à nous faire obligatoirement incarner une femme) et la lança dans un huis-clos avec absolument tous les éléments classiques pour imaginer une aventure fondatrice du genre. Avec un titre qui est déjà tout un programme : The Colonel’s Bequest.

Son histoire commence donc en 1925, à l’université de Tulane en Louisiane, lorsque son amie Lillian Prune vient lui proposer de l’accompagner à une réunion de famille dans le manoir de son oncle reclus sur une île privée au milieu d’un bayou.

Après quelques hésitations, la jeune Laura accepte, pour mieux se retrouver dans une bâtisse lugubre où l’oncle en question, un ancien colonel de la guerre hispano-américaine nommé Henri Dijon, choisir de faire une annonce solennelle : toute sa fortune sera partagée équitablement entre tous les membres de l’assistance présents ce soir-là – Laura exceptée, naturellement. Une décision a priori pas franchement polémique, puisqu’elle ne devrait léser personne… Sauf que, sitôt le colonel parti, l’ambiance s’annonce déjà glaciale et les rancœurs ne tardent pas à se révéler au sein des onze invités. Écœurée par les discussions à couteaux tirés, Lillian choisit de s’isoler, accompagnée par Laura. Et c’est là que va débuter votre enquête en huit actes, avec beaucoup de morts en route et plusieurs éternelles questions : qui est le mystérieux assassin qui semble s’en prendre aux invités présents ? Quel est son mobile ? Et surtout, parviendrez-vous à le démasquer… et à lui survivre ?

The Colonel’s Bequest est donc à première vue un jeu d’aventure faisant usage du moteur qu’employaient alors la plupart des titres contemporains de Sierra, qu’ils se nomment Space Quest III, King’s Quest IV ou Codename : Iceman. Ce qui signifie qu’on ne peut pas encore tout-à-fait parler de point-and-click : s’il est bel et bien possible de déplacer Laura à la souris, les instructions, elles, seront à taper au clavier via une ligne de commande conçue à cet effet – exactement comme dans les aventures textuelles.

Un aspect qui aura indéniablement vieilli aux yeux des habitués de Monkey Island ou Indiana Jones and the Last Crusade, mais qui aura malgré tout été assez intelligemment peaufiné pour l’occasion : la barre de statut qui apparait en déplaçant le curseur en haut de l’écran vous indiquera ainsi des raccourcis vers les actions les plus communes, vous autorisant ainsi à les réaliser en un minimum de temps (le jeu passe de toute façon en pause lorsqu’on écrit). Un système d’autant mieux rodé qu’il est tout à fait possible de terminer le jeu à 100% en faisant uniquement usage de ces commandes et d’un minimum de vocabulaire anglais (le jeu, comme tous ceux faisant usage de la ligne de commande, n’aura jamais été traduit). Car justement, ici, pas d’énigmes à la logique lunaire qui tendaient à polluer la saga des King’s Quest – on est avant tout sur place pour poser des questions, pour fouiller méthodiquement des pièces, et pour apprendre à ne jamais baisser sa garde, tant les occasions de mourir sont nombreuses. Et souvent référencées : conseil, ne cherchez pas à prendre une douche, sauf si vous voulez revivre un sanglant hommage à Psychose

Sauf que le taux de mortalité exacerbé ne sera pour une fois pas trop frustrant. À l’instar de la plupart des jeux d’enquête, The Colonel’s Bequest est un titre pensé spécifiquement pour être recommencé plusieurs fois, le temps d’accumuler des notes et de commencer à tracer un trajet « idéal » pour faire avancer l’aventure.

Vous allez en effet rapidement réaliser qu’en dépit de l’apparence régulière d’une pendule pour matérialiser l’avancée de la soirée, le jeu n’est pas en temps réel : le « chronomètre » n’avance qu’en entrant dans certaines pièces ou en s’adressant à certaines personnes… Ce qui signifie que tant que vous éviterez certains endroits, vous disposerez en fait de tout le temps que vous voudrez pour explorer le reste. Le truc étant qu’à chaque fois que la montre avancera, la situation aura changé – et avec elle la position des personnages, les thèmes qu’ils aborderont et même la disposition des pièces que vous aurez déjà fouillées. L’essence du jeu va donc être de passer votre temps à explorer et à ré-explorer le massif domaine et ses dépendances en quête de nouveaux détails, tout en questionnant les convives – et, naturellement, trouver un moyen de les espionner discrètement sans être vue ni entendue pourrait sans doute vous faciliter les choses…

La bonne nouvelle, c’est que la plupart des aspects qui tendaient à empoisonner les jeux d’aventure Sierra et à les rendre à la fois frustrants et hyper-punitifs n’ont plus vraiment cours ici – oh, certes, on peut toujours mourir de façon plus ou moins imprévisible, mais l’essence de l’enquête va précisément être de sauvegarder très souvent et de recommencer beaucoup juste pour compléter nos notes et trouver le maximum d’informations.

Il n’y a que très peu d’ « énigmes » à proprement parler, dans The Colonel’s Bequest ; comme dans Le Manoir de Mortevielle, l’objectif va davantage être d’apprendre à connaître chaque personnage, chaque recoin de chaque centimètre carré du manoir et du bayou qui l’entoure, et d’en concevoir un « programme » permettant de glaner tout ce qui est pertinent pour l’avancée de l’intrigue avant de faire avancer la montre. Le titre vous affichera d’ailleurs un score de détective à la conclusion de l’aventure, avant de vous laisser consulter les notes de Laura pour que vous puissiez constater de visu dans quels domaines vous avez pu laisser passer des informations. Bref, contrairement à ce qu’il pourrait laisser penser, le titre de Roberta Williams est bel et bien une enquête où c’est le joueur qui dicte son rythme – et, comme très souvent avec les investigations de ce type, plus on « joue le jeu » en s’investissant et plus le titre devient prenant. Boucler l’enquête avec une solution vous privera donc de l’essentiel du plaisir : comme le jeu vous le dit lui-même avec un certain humour, il vous rendra avant tout ce que vous lui donnerez.

Pour l’occasion, et comme souvent, l’équipe de développement américaine aura mis les petits plats dans les grands, avec un certain succès. Tout le monde connait les limites de l’EGA et de ses seize couleurs, mais il faut bien reconnaître que les artistes ont très bien su tirer une excellente ambiance des nombreux détails et effets de lumières des très bons décors du jeu, et que même si les jeux Lucasfilm à la Loom ou à la Monkey Island (parus quelques mois plus tard) font à mes yeux encore un peu mieux en la matière, il est vraiment très difficile de prendre la réalisation en défaut. C’est encore plus vrai sur le plan sonore, où Sierra était à la pointe : le jeu reconnaît la quasi-totalité des cartes sonores disponibles à l’époque, y compris la Roland MT-32, est le résultat est suffisamment enthousiasmant pendant la (très longue !) introduction qu’on ne peut que regretter que l’essentiel de l’aventure se fasse dans un silence presque total à peine émaillé de quelques bruitages.

Au rang des quelques récriminations, on pourra regretter un maniement à la souris assez lourd (il est plus facile de diriger Laura directement avec les touches du clavier), et surtout une intrigue qui repose sur des personnages volontairement archétypaux, d’où un certain manque de finesse. Évidemment, il faut toujours au moins en escroc criblé de dettes, une alcoolique, sans oublier une domestique française canon. À ce niveau-là, on pourra parfois regretter que les personnages ne soient pas un peu plus complexes, les dialogues encore un peu plus travaillés, et les situations un peu plus crédibles (peu de monde semble réellement s’alarmer de voir disparaître tous les invités un par un !). Néanmoins, il y a indéniablement quelque chose qui fait mouche dans le déroulement du titre, ne fut-ce que parce que les jeux d’enquête de ce type seront restés très rares. On finit par réellement s’attacher à ce manoir et à la faune qui le peuple, et on a presque un petit pincement en voyant l’enquête arriver inéluctablement à son terme. On en viendrait d’ailleurs à regretter que les aventures de Laura Bow ne se soient pas prolongées au-delà de deux épisodes – et surtout que l’écriture n’ait pas gagné en profondeur et en maturité pour aller s’aventurer davantage du côté de ce que proposerait Jane Jensen avec Gabriel Knight. Mais quoi qu’il en soit, si vous n’avez jamais eu l’occasion de découvrir le jeu et si vous avez un niveau correct en anglais, n’hésitez pas à franchir le pas.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Neuf ans après Mystery House, Roberta Williams signait un nouveau jeu d'investigation, à mi-chemin entre Cluedo et Agatha Christie. Le résultat se sera intitulé The Colonel's Bequest, et évoque un peu une sorte de version plus graphique, plus accessible (et plus sanglante !) du Manoir de Mortevielle. Dans une enquête où l'on côtoie souvent la mort, l'aspect exploration/interrogatoire parfaitement servi par une réalisation absolument inattaquable pour l'époque fait finalement des miracles, en transcendant une formule datée pour en faire une aventure qu'on a plaisir à mener à plusieurs reprises jusqu'à cerner un peu mieux les personnages, leurs relations, leurs rancœurs et leurs enjeux. Oui, les personnalités sont archétypales, l'intrigue manque un peu de subtilité, et l'interface à base de ligne de commande a ses lourdeurs – pour une fois assez bien contournées. Mais pour peu que l'on prenne le temps d'adhérer à l'approche du jeu, il y a vraiment matière à passer un bon moment et à avoir envie de résoudre l'intrigue autour de la succession du colonel Dijon. Même si vous êtes allergique aux King's Quest et à la philosophie « à la Sierra » en règle générale, laissez une chance à ce titre. En 1989, il n'y avait objectivement pas grand chose de mieux.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une interface qui demande encore d'entrer des instructions via la ligne de commande (malgré quelques simplifications bienvenues) – Une enquête intéressante, mais souvent caricaturale – Beaucoup d'allées-et-venues, sans aucune forme de voyage rapide – Peu de réelles énigmes (il s'agit d'avantage de trouver où aller et dans quel ordre) – Ambiance sonore très discrète une fois en jeu

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Colonel’s Bequest sur un écran cathodique :

Version Amiga

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Comme beaucoup de sociétés vidéoludiques américaines, Sierra On-Line était une compagnie qui avait pris l’habitude, dès la deuxième moitié des années 80, de développer prioritairement sur PC – des machines comme l’Amiga et l’Atari ST ne jouissant pas, au pays de l’Oncle Sam, du même succès que celui qu’elles connaissaient en Europe. On ne sera donc pas surpris de réaliser que The Colonel’s Bequest sur Amiga se révèle être un pur portage de la version originale, avec les seize couleurs de la palette de l’EGA et pas une de plus. Le jeu est donc graphiquement identique à ce qu’on pouvait déjà voir sur PC – et son déroulement comme sa jouabilité n’ont connu aucune modification, eux non plus. Seule nuance : la réalisation sonore avec une puce Paula qui fait globalement mieux qu’à peu près tout ce que pouvait offrir la machine d’IBM à l’époque, exception faite de la Roland MT-32. Autre détail à prendre en compte : sur un modèle « de base » type Amiga 500 ou 600, le jeu est particulièrement lent, avec des temps de chargement pouvant largement dépasser les dix secondes entre deux écrans. Les choses vont heureusement nettement mieux sur un Amiga 1200, comme on peut s’en douter, mais il faudra néanmoins continuer de composer avec des temps de chargement de trois ou quatre secondes. Gardez cette précision en tête au moment de privilégier une version pour découvrir le jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

The Colonel’s Bequest arrive sur Amiga à peu près sous la forme où on s’attendait à le découvrir, à savoir sous celle d’un pur portage de la version PC ne tirant aucun parti de la palette de couleurs étendue de la machine de Commodore. Le jeu est fort heureusement toujours aussi sympathique, mais mieux vaudra le découvrir sur un Amiga 1200 pour ne pas avoir à souffrir de temps de chargement à rallonge entre les écrans.

Version Atari ST

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

La version Amiga de The Colonel’s Bequest nous ayant déjà révélé l’essentiel sur la philosophie des portages du jeu, inutile d’attendre une surprise sur Atari ST : c’est toujours exactement le même jeu, avec exactement la même réalisation graphique, le même contenu et la même interface. Comme souvent, c’est du côté sonore que les choses sont moins emballantes, la musique ressemblant fortement à ce que pouvait livrer le haut-parleur d’un Tandy 1000 pour la version PC… sauf si vous avez une Roland MT32, naturellement, auquel cas il sera possible de passer par un programme de configuration sur la disquette pour hériter très précisément de la même chose que ce que vous pouvez entendre dans la vidéo de l’introduction de la version PC. À noter que le jeu est une nouvelle fois assez lent par défaut sur Atari ST quel que soit le modèle (hors Falcon, mais je n’ai pas pu tester le programme sur cette machine), mais les temps de chargement demeurent nettement plus supportables que sur un Amiga 500 ou 600. Attention : sur les modèles à 512k de mémoire, il faudra impérativement désactiver tous les accessoires du bureau avant de lancer le jeu.

NOTE FINALE : 15,5/20

Une nouvelle fois, The Colonel’s Bequest livre sur Atari ST un quasi-clone de ce qu’on avait pu observer sur PC. Le jeu est devenu ici sensiblement plus lent, et sa réalisation musicale laisse quelques plumes si vous n’avez pas la chance d’avoir une Roland MT-32 sous la main, mais dans des conditions optimales le titre demeure aussi sympathique que sur la machine d’IBM.

Gex

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Crystal Dynamics, Inc.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Titres alternatifs : ゲックス (graphie japonaise), Gecko X (titre de travail)
Testé sur : 3DOPlayStationSaturnPC (Windows 9x)
Disponible sur : PlayStation 3, PSP, PS Vita (version PlayStation), Windows
En vente sur : Gog.com (Windows)

La série Gex (jusqu’à 2000) :

  1. Gex (1995)
  2. Gex 3D : Return of the Gecko (1998)
  3. Gex : Enter the Gecko (1998)
  4. Gex : Deep Cover Gecko (1999)
  5. Gex 3 : Deep Pocket Gecko (1999)

Version 3DO

Date de sortie : Avril 1995 (Europe) – Juin 1995 (États-Unis) – 14 juillet 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Une large partie de la (courte) existence de la 3DO aura consisté à tenter de se mêler à une course qui se déroulait sans elle, et dont les deux participants se nommaient SEGA et Nintendo. Un échec, comme tout le monde le sait – d’autant plus cruel que la machine avait au moment de sa sortie de réels arguments qui auront tous plié sous le poids d’un modèle commercial inadapté, lequel se sera chargé de rappeler aux industriels occidentaux qu’il allait leur falloir (ré)apprendre à vendre des consoles de jeu.

Certains pouvoirs vous permettront de faire le ménage plus efficacement

Mais quoi qu’il en soit, la machine était prise entre deux pulsions contraires : hurler sa différence (pour sortir du lot), tout en cherchant à être exactement comme tout le monde (pour rassurer les acheteurs). Justement, pour vendre une machine et commencer à mettre un visage reconnaissable sur la marque (les anglo-saxons parlent de « brand awareness »), la grande tendance de l’époque tournait autour d’une seule et unique obsession (laquelle n’allait d’ailleurs pas tarder à retomber comme un soufflé, la faute à une rapide overdose) : les mascottes. Toute la planète connaissait Sonic le hérisson et Mario le plombier ? Alors il fallait également une figure de proue pour la 3DO, un personnage apte à évoquer immédiatement la console. Aux yeux des joueurs, cette position aura été assurée par un certain Gex… lequel aura connu un destin à la PC Genjin, puisqu’il aura finalement fait des infidélités à son système d’origine, au point de lui survivre et d’aller continuer sa route bien après la mort de la 3DO. Tout un symbole…

Gex, héros à sang froid

Gex, pour ceux qui auraient eu la flemme de regarder la couverture, est un lézard – un gecko, pour être plus précis, d’où son nom – du genre bavard et à débiter des one-liners censément hilarants récités par son doubleur Dana Gould. Pour une raison obscure qui n’est jamais développée, son ennemi juré se trouve être une sorte d’insecte cybernétique nommé Rez qui, d’une façon tout aussi obscure liée à une mouche piégée, entreprend un jour d’entrainer Gex dans l’écran de sa propre télévision.

Le monde « toonesque » est sans doute le plus attachant

Désormais prisonnier d’un univers cinématographique qui n’est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood (d’ailleurs paru la même année), le lézard va devoir parcourir cinq environnement volontairement clichés, allant du film d’horreur à l’univers oriental, pour y trouver de précieux sésames qui prendront la forme de télécommandes. Une aventure pas aussi linéaire qu’on pourrait le croire et qui l’emmènera bien évidemment régler son compte à Rez pour recouvrer sa liberté (et retourner passer ses journées à buller devant un écran, cela va de soi).

La possibilité de marcher aux murs ou au plafond est une originalité bienvenue

Le titre prend la forme d’un jeu de plateforme en 2D assez classique, dans des successions de niveaux où l’objectif, comme on l’a vu, sera le plus souvent de trouver une ou deux télécommandes (le compte exact vous sera donné en ouverture). Ces télécommandes, une fois utilisées sur la carte du monde, vous ouvriront soit l’accès à un autre stage, soit carrément celui à un autre univers – ce qui signifie qu’il se produira certaines situations où vous serez libre de visiter plusieurs niveaux dans l’ordre de votre choix, voire de faire carrément l’impasse sur certains d’entre eux. Les boss, eux (un par monde), feront systématiquement l’objet d’un niveau dédié.

Chaque monde est présenté via une carte à la Super Mario World

L’idée sera donc de diriger votre lézard dans des environnements relativement ouverts, sans se révéler pour autant inutilement labyrinthiques (vous devrez rarement écumer un même niveau de long en large pour espérer trouver une télécommande vicieusement dissimulée à un endroit absurde ; à ce niveau-là, le level design se montre assez intelligent). Gex peut frapper les ennemis avec sa queue et attraper des bonus avec sa langue – tout comme il peut courir grâce aux boutons de tranche – mais sa capacité la plus originale reste sa capacité à se déplacer très naturellement sur les murs, ce qui peut souvent changer beaucoup de choses face à une séquence de plateforme qui s’annonçait ardue. À quoi bon sauter par-dessus un trou quand vous pouvez simplement vous balader sur le plafond au-dessus ? Une idée intéressante qui renouvèle quelque peu l’approche, mais pas suffisamment pour qu’on soit réellement dérouté… ni vraiment surpris.

La difficulté monte d’un sérieux cran dans les derniers niveaux

On tient d’ailleurs là à ce qui compose autant la force et l’intelligence du jeu que sa limite la plus évidente : celle d’avoir préféré tempérer un peu son ambition pour verser dans un gameplay qui offre l’avantage d’être naturel, tout en laissant souvent l’impression d’être cruellement sous-exploité. Concrètement, le titre a beau s’atteler à offrir un minimum de renouvellement, avec quelques niveaux labyrinthiques bien conçus ou des séquences à défilement imposé brisant un peu la monotonie, il ne parvient jamais tout à fait à atteindre ce Nirvana vidéoludique où se côtoient les idées de génie et les séquences de bravoure, ce degré de fun ou de surprise qui puisse l’installer définitivement dans notre mémoire pour ne plus jamais l’en déloger. On passe indéniablement un bon moment, sur Gex, l’avantage d’une réalisation qui aura préféré verser dans le pinacle de la 2D plutôt que de basculer trop tôt dans une 3D qui allait faire beaucoup de mal au genre du jeu de plateforme avant qu’un certain plombier ne vienne expliquer à tout le monde comment s’y prendre.

Tous les passages obligés du jeu de plateforme répondent présent

Visuellement, ce n’est peut-être pas au niveau de Rayman (qui constitue de toute façon un des pinacles du domaine), mais cela reste largement au-dessus de ce que pouvait offrir n’importe quel système 16 bits de la période. Le support CD-ROM permet également de profiter d’un contenu généreux d’une vingtaine de stages avec une forte dose de zones bonus et de niveaux secrets – peut-être pas de quoi vous occuper « des semaines » comme le prétendaient certains tests de l’époque, mais facilement de quoi vous mobiliser quatre ou cinq heures au minimum. La difficulté proviendra d’ailleurs plus souvent des quelques petits errements de la jouabilité, comme une caméra qui peine à rester centrée sur votre lézard, que d’un défi qui connait certes ses pics mais qui se montre aussi largement tempéré par le nombre hallucinant de vies que vous pourrez gagner en collectant les lucioles qui peuplent les niveaux – et par un système de sauvegarde certes assez limité, puisqu’il vous demandera de collecter des cassettes dont vous trouverez rarement plus de deux exemplaires par monde, mais qui vous permettra au moins de ne pas repartir du début à chaque fois.

Les boss manquent de personnalité, surtout dans des univers qui devraient être hyper-référencés

Au bout du compte, on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine frustration, après avoir fini ce Gex. Non qu’on regrette le temps qu’on a pu lui consacrer, loin de là, mais il est difficile de mettre précisément le doigt sur ce petit quelque chose qui lui empêche de réellement côtoyer les sommets.

Un affrontement final avec sa logique propre

Un tout petit plus de variété au sein d’un même environnement ? Des boss un peu plus marquants ? Un level design un léger poil plus imaginatif ? Un Dana Gould un peu moins insupportable avec ses blagues pourries ? Une ou deux séquences sortant davantage des clous ? Des détails qui auraient permis au titre de ronronner un peu moins, assurément, et d’être autre chose que juste « sympathique » (ou « très sympathique », selon votre degré d’affinité). En l’état, je doute que n’importe quel amateur du genre puisse regretter de s’essayer au jeu. De la part de ceux qui commenceraient un peu à saturer – et c’était assurément le cas d’une large partie des joueurs de l’époque, à en juger par le sort de toutes les fameuses mascottes et des titres qui les hébergeaient – il est en revanche possible que ce lézard à grande bouche les laisse quelque peu de marbre. Le mieux est sans doute de lui laisser une chance ; il n’en a peut-être pas l’air, avec ses problèmes d’attitude, mais il le mérite.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 Il devait être la mascotte de la première console 32 bits, c'est un lézard, et il a le nom d'un tampon à récurer : il ne peut s'agir que de Gex. Le reptile imaginé par Crystal Dynamics sera parvenu à exister lors d'une délicate période de transition avec un certain brio, offrant une réalisation solide et variée et un gameplay à la fois malin, accessible et nettement moins punitif que celui d'un titre à la Rayman, en laissant le joueur un univers télévisuel qui n'est pas sans rappeler celui de Daffy Duck in Hollywood – mais en nettement plus réussi. Quelques petits errements dans la jouabilité, un léger manque de renouvellement dans les mécanismes de jeu et un chouïa de paresse dans le level design l'empêchent peut-être de pouvoir revendiquer une place au panthéon des maîtres incontestés du genre, mais il faut reconnaître qu'il n'en est vraiment pas loin. Une très bonne surprise, et assurément l'un des titres à posséder sur 3DO.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une vue qui n'est jamais centrée sur notre lézard... – ...d'où une certaine dose de sauts de la foi – Quelques niveaux qui s'étirent vraiment au-delà du raisonnable... – ...et en plus, il faudra les refaire jusqu'à trouver la ou les télécommande(s) à l'intérieur

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Gex sur un écran cathodique :

Version PlayStation

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 8 mars 1996 (Japon) – Avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Manette
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

On le sait, la PlayStation est une console qui avait été conçue pour la 3D bien plus que pour la 2D. Ça ne l’empêchait pourtant pas de s’en sortir plus qu’honorablement dans le domaine – où on se doutait qu’elle devrait pouvoir faire au moins aussi bien que la 3DO. Aucune mauvaise surprise de ce côté-là : la réalisation est toujours aussi bonne, le jeu n’a pas perdu un pixel ni un quelconque effet, et le tout est sensiblement plus fluide que sur la version originale – les quelques rares ralentissements qui y figuraient ont d’ailleurs disparu. Le programme tourne à soixante images par seconde et Gex répond au doigt et à l’œil ; bref : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seule étrangeté (mais celle-ci, comme on va le voir, ne se limitera pas à cette itération sur la console de Sony) : le système de sauvegarde a ici été remplacé par un système de mot de passe (les développeurs auront parfois mis un peu de temps à adopter les cartes-mémoire). Pour le reste, le titre est peut-être encore un peu plus agréable à pratiquer que sur 3DO. Rien à redire.

C’est aussi beau que sur 3DO, et c’est encore plus fluide

NOTE FINALE : 17/20

Aucune mauvaise surprise pour Gex sur PlayStation, qui offre une version graphiquement identique à celle parue sur 3DO, mais tournant désormais à soixante images par seconde. Le confort n’en est que plus grand, et la console de Sony devrait composer un excellent choix pour découvrir le jeu.

Version Saturn

Développeur : Beam Software Pty, Ltd.
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 1er décembre 1995 (Amérique du Nord) – 29 mars 1996 (Japon) – 5 avril 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Quitte à développer un jeu à destination des systèmes 32 bits, il aurait été dommage de faire l’impasse sur la Saturn – surtout pour un jeu en 2D. Gex, une nouvelle fois porté par Beam Software, aura donc débarqué à peu près à la même date que sur PlayStation, dans une version d’ailleurs très semblable – comprendre que le système de mot de passe a une nouvelle fois été privilégié sur une sauvegarde employant la mémoire interne, choix étrange mais passons. La bonne nouvelle, c’est que le titre tourne aussi bien que sur la machine de Sony. La mauvaise, c’est qu’il remplace les quelques (rares) effets de transparence par un effet de mosaïque, comme c’était le cas dans 95% des portages réalisés sur la machine. Fort heureusement, cela reste un détail assez anecdotique, et je pense que la plupart des joueurs préfèreront abandonner ce type de fioritures pour profiter d’une fluidité et d’une réactivité accrue plutôt que de jouer sur 3DO. Pour le reste, je vous renvoie au test de la version originale, car pratiquement rien d’autre n’a changé.

Une nouvelle fois, c’est surtout en mouvement qu’on voit la différence

NOTE FINALE : 17/20

Prenez la version PlayStation de Gex, remplacez ses effets de transparence par des effets de mosaïque, et ta-da ! Voilà votre version Saturn. L’essentiel – la fluidité et la réactivité – a heureusement été préservé, vous ne devriez donc pas vous sentir trop malheureux de ne pas être en train de jouer sur la console de Sony.

Version PC (Windows 9x)

Développeur : Kinesoft Software
Éditeur : Crystal Dynamics, Inc.
Date de sortie : 7 novembre 1996
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : CD-ROM, dématérialisé
Contrôleur : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version dématérialisée testée sous Windows 10
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, le PC était toujours une plateforme de développement un peu à part, mais Windows 95 était censé le rendre plus accessible à des portages depuis l’univers des consoles 32 bits – dont les joueurs n’étaient d’ailleurs que rarement fans, un PC bien équipé s’avérant généralement largement supérieur à ses équivalentes de salon… ce que des adaptations paresseuses peinaient un peu trop souvent à matérialiser. Pour ce qui est de Gex, pas de mauvaise surprise : c’est peu ou prou l’exact équivalent de l’itération PlayStation qui est présent ici, et les quelques lourdeurs introduites par Windows 95 n’ont heureusement pas fait le trajet jusque dans la version dématérialisée qui est aujourd’hui en vente, ce qui fait que vous ne devriez avoir aucun problème à jouer en plein écran avec votre manette Xbox branchée. Évidemment, pas de super-haute-résolution ni de friandise particulière, mais si vous n’avez pas les connaissances (ou la patience) pour faire usage d’un émulateur, ce portage devrait vous offrir exactement tout ce que vous pouviez espérer.

Rien à craindre, tout est là. Bon, sauf le système de sauvegarde, mais il reste les mots de passe.

NOTE FINALE : 17/20

C’est Gex, c’est fluide et c’est jouable – ce qui n’était pas nécessairement une évidence sur Windows 95 à l’époque, mais en est désormais une aujourd’hui. Si vous souhaitez découvrir le jeu, vous pouvez commencer par là sans regret.

The Hobbit

Développeur : Beam Software Pty., Ltd.
Éditeur : Melbourne House
Testé sur : ZX SpectrumApple IIBBC MicroCommodore 64OricPC (Booter) Amstrad CPCMSXMacintosh

La série Tolkien Software Adventure de Beam Software (jusqu’à 2000) :

  1. The Hobbit (1982)
  2. Lord of the Rings : Game One (1985)
  3. Shadows of Mordor : Game Two Of Lord of the Rings (1987)
  4. The Crack of Doom (1989)

Version ZX Spectrum

L’univers de l’informatique est-il un univers misogyne ?


Pour intéressante que soit la question – et assurément elle l’est – l’objectif du site n’étant pas d’entrer dans une étude anthropologique poussée, vous vous doutez que le débat qu’elle mérite de provoquer ne constituera pas le sujet exclusif du présent article. Voici en revanche un élément de réponse qui pourra nourrir une partie de votre réflexion : si la plupart des retrogamers vaguement aguerris seraient capables de citer des dizaines de développeurs masculins s’étant fait un nom dans l’univers vidéoludique (Geoff Crammond, Richard Garriott, Peter Molyneux, Sid Meier, Mike Singleton, Éric Chahi, Hideo Kojima, pour n’en citer qu’une poignée), combien seront capables de donner ne fut-ce qu’un nom féminin ? Combien, parmi nos lecteurs, ont par exemple déjà entendu parler de Veronika Megler ? Pas assez, je le crains. Car, au cas où vous l’ignoreriez, Veronika Megler aura été l’instigatrice d’une révolution. Vidéoludique, s’entend.

S’imaginant, alors qu’elle était encore une étudiante à l’université de Melbourne, comme une future statisticienne, Veronika était une femme qui avait déjà bâti son propre ordinateur avec ses propres composant lorsqu’elle intégra, à la fin des années 70, un cours d’informatique où, de son propre aveu, « il devait y avoir quatre femmes dans une classe de 220 personnes ». Son parcours, très bien narré dans cet article de The Guardian (merci à Olivier Scamps pour le lien, au passage), l’aura finalement menée à vingt ans jusqu’à un studio local du nom de Melbourne House où son boss lui aura crânement demandé d’écrire le meilleur jeu d’aventure qui ait jamais été fait. Ce qu’elle fit.

Le résultat, une adaptation du premier roman de Tolkien dont elle conservera le titre anglophone, The Hobbit, fut à la fois un triomphe commercial (plus de 500.000 exemplaires vendus) et une petite révolution technique grâce à un analyseur syntaxique qui reconnaissait pour la première fois des adjectifs et des prépositions, augmentant ainsi exponentiellement les moyens d’action du joueur. Sur le papier, une merveille d’imagination aux possibilités illimités, porteuse d’un charme particulier n’appartenant qu’à une époque où l’imagination était la seule limite. Dans les faits, un programme légendaire n’ayant pris que très peu de rides, sa réalisation datée étant de toute façon très secondaire comparée à la qualité de son aventure ? C’est là qu’il va appartenir de casser quelque peu un mythe, ce qui va nécessiter au passage de se pencher sur ce qu’était encore une « aventure graphique » (comprendre : une aventure textuelle avec quelques images en soutien du texte) au début des années 80.

The Hobbit s’emploie à détailler, dans son manuel, la liste de toutes les nouveautés qui faisaient briller les yeux des joueurs : un déroulement en temps réel où le jeu n’attend pas que vous agissiez pour suivre son cours, des personnages qui vivent leur propre vie et se déplacent à leur gré, et surtout ce fameux analyseur syntaxique nommé « Inglish » aux propriétés quasi-magiques, et qui semblait permettre tellement plus de choses que les banales associations verbe/complément qui représentaient jusqu’ici la seule interface du genre.

Et ce même livret de nous livrer des chiffres (censément) impressionnants : gestion de plus de 500 mots, dont 30 verbes et 10 prépositions ! Et le joueur moderne de se dire : c’est effectivement à la fois beaucoup… et très peu. Un premier indice qui devrait nous guider vers une réalité fondamentale : une aventure textuelle n’était pas un roman interactif. Tout simplement parce qu’on parle d’une époque où les capacités de stockage étaient si réduites que le simple fait d’accumuler du texte était déjà problématique, et qu’on ne pouvait tout simplement pas faire tenir des centaines de pages de description sur une cassette qui pouvait contenir un peu plus d’une vingtaine de kilo-octets. Ni même des dizaines, d’ailleurs. Ce qui signifie que le mirage du logiciel où on peut faire n’importe quoi dès l’instant où on est capable de l’écrire tient largement du fantasme dès l’instant où on se souvient de l’époque considérée, et cela est également valable pour The Hobbit, révolution technique ou pas.

Prenons à ce titre un exemple particulièrement parlant : celui du tout début du jeu. Vous commencez la partie abruptement, dans une pièce succinctement décrite, sans la moindre ligne de présentation du contexte, des enjeux ou des personnages – vous ne savez même pas qui vous êtes (je vous rassure, le livret susmentionné vous explique l’essentiel, mais ne vous attendez pas à trouver la moindre indication en jeu). Gandalf vous tend une carte : le premier réflexe devrait être de la lire. Seulement, ce faisant, non seulement le programme ne vous la montrera pas, mais il n’est alors fait mention que de symboles dont vous ignorez la signification – aucune description de la géographie, ou du trajet, ni même de ce que représente cette carte ou de ce à quoi elle est censée servir.

Vous pourriez alors être tenté d’interroger Thorin ou Gandalf à ce sujet – ce qui semblerait naturel… sauf que vous ne pouvez pas. Le verbe « to ask » n’est simplement pas reconnu par l’analyseur syntaxique, ni aucun de ses synonymes. Vous ne pouvez tout simplement rien demander à personne. En fait, à quelques rares lignes de dialogues reprises directement du livre dans des situations extrêmement spécifiques, vous ne parlerez jamais à quiconque, à part pour leur donner des ordres. Gandalf ne vous adressera pas un mot de toute la partie, il disparaitra d’ailleurs en un temps record, Elrond lui-même n’aura pas une syllabe pour vous, quant à Thorin, 99% de ses interventions se limiteront à vous répéter « hurry up » toutes les minutes. Quand aux douze autres nains, ils ont purement et simplement disparu du récit. Ça commence plutôt mal… Mais, quitte à découvrir le jeu, vous remarquez qu’un coffre est présent sur la première illustration de l’aventure (c’est même pour ainsi dire le seul meuble qui y soit visible, à l’exception de la porte). Vous décidez donc de l’ouvrir. Et vous l’ouvrez. Et que se passe-t-il ? Eh bien, le coffre est ouvert, mais vous n’en connaitrez jamais le contenu, faute de commande dédiée. Voilà : le jeu a mis en place un coffre que vous pouvez ouvrir, mais pas fouiller, et vous ne saurez tout simplement jamais ce qu’il contient, car il n’estime pas nécessaire de vous le dire. Un jeu d’aventure du début des années 80, c’est ça.

Autant dire que pour n’importe quel joueur n’ayant aucune expérience de l’aventure textuelle et/ou graphique de la période, la douche risque d’être froide au moment de découvrir que l’essentiel de l’aventure se résume à se déplacer d’un endroit à l’autre en n’ayant jamais davantage qu’une image basique en trois ou quatre couleurs accompagné d’une description dépassant rarement une ligne pour nous servir de référent, en essayant péniblement de découvrir les quelques rares actions réellement prévues par le programme. Le tout est d’ailleurs souvent compliqué par le fait que les autres personnages ne tiennent pas en place, ou qu’il soit très difficile de visualiser leurs mouvements : bon courage pour échapper aux gobelins des Monts Brumeux tant le simple fait de rester à un endroit le temps d’en lire la description pourra parfois suffire à vous faire tuer ou capturer.

Et ne parlons même pas du cauchemar de gérer Thorin à proximité du dragon Smaug, le célèbre nain ne semblant aspirer qu’à aller se faire lamentablement incinérer sans vous demander votre avis sur la question ! Ajoutez-y quelques situations ubuesques où il faudra littéralement répéter la même action une bonne vingtaine de fois pour espérer la voir couronnée de succès (au hasard, pour ouvrir une trappe dont vous n’avez pas la clef en la cognant à répétition), et vous comprendrez rapidement que l’imagination ne comblera pas franchement les lacunes d’une aventure où on ne sait généralement ni où on est, ni ce qu’on doit faire, ni surtout ce qu’on peut faire, et où 95% de nos tentatives d’action se verront opposer une fin de non-recevoir juste parce que l’analyseur n’aura pas compris un mot – un peu comme entreprendre de faire du jeu de rôle avec quelqu’un dont le vocabulaire ne dépasse pas 500 mots et à qui vous ne pouvez rien expliquer. C’était surtout cela, une aventure du début des années 80, et croyez-moi, ça a très, très mal vieilli.

Au fond, le réel jeu est d’ailleurs là, dans les méandres du code, à découvrir comment agir dans les limites extrêmement frustrantes qui nous sont opposées. On pourra ainsi se divertir de voir le texte commencer à mal écrire certains mots si notre personnage est ivre, ou encore explorer tout ce qu’on peut ou non faire accomplir à ce poids mort de Thorin, quitte à l’abandonner en très mauvaise posture. Le titre n’est d’ailleurs pas aussi linéaire qu’on pourrait le penser, et vous n’êtes absolument pas obligé de revivre toutes les péripéties du roman pour espérer le boucler.

Mais dans l’ensemble, le plaisir peine à émerger tant rien de ce qu’on aurait aimé faire – y compris les choix les plus évidents – ne semble jamais être géré. On est davantage en train de participer à un laboratoire de langues, à tenir compagnie à une intelligence artificielle de trois ans d’âge mental qui n’apprend jamais rien, qu’en train de visiter la Terre du Milieu au côté de Gandalf et de Thorin, et au final on en vient à se demander si le fait que The Hobbit soit rattaché au livre homonyme n’est pas davantage une gêne qu’autre chose, un obstacle à notre imagination plus qu’un appui. Et on comprend un peu mieux le cheminement que le jeu vidéo aura dû effectuer avant de nous faire trouver naturel de vivre dans un monde à part et d’y faire des milliers de choses sans même y réfléchir. C’est un peu comme apprendre à devenir romancier : quand on retrouve les textes qu’on avait écrit à six ans, on a un petit pincement au cœur, mais l’objectivité est implacable : avec les yeux d’un adulte, c’est tout simplement mauvais.

Vidéo – Cinq minutes de jeu :

NOTE FINALE : 07/20 Se lancer dans un titre comme The Hobbit, c'est avant tout (re)découvrir une conception bien particulière du jeu d'aventure. Pas de magnifiques écrans fixes ici, pas de longues descriptions, pas de passionnants dialogues, et on ne peut même pas dire qu'on ait l'impression de parcourir la Terre du Milieu – l'histoire est d'ailleurs proprement inaccessible à quiconque n'aura pas lu le livre. En fait, avec son analyseur syntaxique révolutionnaire pour l'époque, son déroulement en temps réel et ses personnages qui vivent plus ou moins leur vie, le titre imaginé par Philip Michell et Veronika Megler reste avant tout un précurseur des jeux bacs-à-sable actuels : un terrain d'expérimentation où les limitations sont au moins aussi intéressantes à explorer que le déroulement prévu, et où on se passionne de voir le texte se rater parce que notre personnage est ivre plus que par l'idée de reprendre la Pierre Arcane à Smaug. C'est là qu'est réellement l'aventure : entre les lignes, dans les quelques aspects gérés par le jeu et dans les milliers qu'il ne gère pas. Sans doute pas de quoi fasciner un joueur du XXIe siècle, qui aura un peu l'impression de s'essayer à un puzzle de vingt pièces dont dix-neuf sont manquantes et qui se demandera certainement où est le jeu dans ces quelques descriptions extrêmement sommaires qu'on lui jette au visage. Les plus curieux, eux, se raviront d'enfermer Thorin dans un coffre avant de le jeter à l'eau ou d'assassiner Gollum juste parce que c'est possible. Et ils auront sans doute tous plus de cinquante ans.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un analyseur révolutionnaire pour l'époque, mais encore beaucoup trop limité – Une aventure qui retrace assez mal les dimensions de la Terre du Milieu (on arrive à Fendeval en quatre écrans !) – Une réalisation qui fait son âge – Des actions qu'il faudra parfois répéter des dizaines de fois pour les voir porter leurs fruits – Un déroulement incompréhensible pour qui n'a pas lu le livre – Un cruel manque de matière (peu de descriptions, aucun réel dialogue) – Thorin qui passe tout le jeu à nous dire de nous dépêcher cinq fois par minute – Intégralement en anglais, naturellement

Les avis de l’époque :

« The Habbit (sic) est sans aucun doute l’un des meilleurs jeu d’aventure fonctionnant sur Spectrum. Ce jeu est conçu à partir d’un roman. Il est recommandé de lire attentivement le livre pour survivre à ce périple. »

Micro 7 n°14, mars 1984, 5/5

Bonus – Ce à quoi peut ressembler The Hobbit sur un écran cathodique :

Version Apple II

Comme on peut l’imaginer, une aventure à très grande majorité textuelle n’était pas nécessairement le type de programme le plus difficile à porter sur d’autres systèmes. The Hobbit ayant rapidement rencontré un grand succès, comme on l’a vu, le voir débarquer sur la plupart des ordinateurs de l’époque n’était donc qu’une question de temps. Sans surprise, ce n’est pas du côté du texte qu’il faudra s’attendre à des nouveautés, mais bien de celui des quelques écrans qui servent à illustrer l’aventure. Sur Apple II, le résultat se veut plus détaillé que sur ZX Spectrum, avec des résultats contrastés (même avec plus de détails, on a toujours l’impression d’être devant des dessins d’enfant effectués directement à la souris sous Paint, et la vérité est que cela aurait probablement représenté des conditions de travail infiniment supérieures à celles dans lesquelles ils ont été réalisés). Le reste n’ayant pas changé d’un iota (Thorin est toujours aussi pressé), l’appréciation du jeu sur la base de sa réalisation demeurera purement subjective.

NOTE FINALE : 07/20

On ne fera pas semblant d’être surpris de réaliser que The Hobbit sur Apple II n’est rien d’autre que le même jeu que sur ZX Spectrum, mais avec des illustrations retravaillées pour l’occasion. Le résultat n’est toujours pas éblouissant, mais on se doute bien qu’on ne lance pas une aventure graphique de 1983 pour sa réalisation, les nostalgiques sauront donc s’en contenter sans peine.

Version BBC Micro

Sur BBC Micro, The Hobbit aura apparemment eu droit à deux versions distinctes : la version originale de 1983, sur cassette, est une version purement textuelle, mais elle a le mérite de s’ouvrir sur une description de la situation de départ, des personnages, des enjeux et des possibilités de l’analyseur syntaxique – soit autant de choses qu’on aurait également apprécié de trouver dans la version originale. La version disquette de 1985 y ajoute des illustrations largement inspirées de celles de la version Apple II, avec un rendu plus fin mais également avec moins de couleurs. Ces images sont affichées à part, cette fois, sans la (courte) description qui les accompagnait dans les autres versions – et le texte d’introduction de la version cassette n’est plus présent dans cette version. À ce détail près, le jeu est bien évidemment toujours le même, avec cet insupportable Thorin qui vous encourage à aller plus vite sans jamais vous aider à y parvenir.

NOTE FINALE : 07/20

The Hobbit sur BBC Micro se présente soit avec ses illustrations (au format disquette), soit sans elles, mais avec une mise en situation et une introduction bienvenue (au format cassette). Dans les deux cas, vous savez ce que vous venez chercher.

Version Commodore 64

Vidéo – L’écran-titre du jeu (version disquette) :

Le Commodore 64 aura lui aussi bénéficié de deux version de The Hobbit, mais cette fois, les deux ont des illustrations. La version cassette de 1983 reprend peu ou prou les images de la version ZX Spectrum en réadaptant timidement la palette, mais la version disquette de 1985 offre des écrans intégralement redessinés, à une résolution supérieure, et même de la musique en fond sonore ! Bon, le thème musical libre de droits à l’écran-titre va vous taper extrêmement vite sur les nerfs, d’autant qu’il tourne en boucle, mais il change une fois en jeu. Les nouvelles illustrations s’approchent davantage de ce qui avait pu être observé sur Apple II ou BBC Micro, mais vous ne devriez pas être en transe dans les deux cas.

NOTE FINALE : 07/20 (version cassette) – 07,5/20 (version disquette)

Dans ses deux versions, The Hobbit sur Commodore 64 aura le mérite de faire bénéficier le joueurs d’illustrations. Elles sont plus nombreuses et plus travaillées dans la version disquette, qui offre en sus un accompagnement musical. Pour le reste, le titre n’a pas changé depuis le ZX Spectrum.

Version Oric

The Hobbit aura également fait un passage sur un système qu’on pourrait considérer comme un des premiers ordinateurs grand public en Europe, et notamment en France où il aura rencontré un certain succès : l’Oric. Le résultat, avec une résolution de 240×200 pour 8 couleurs (et encore, par blocs, comme sur ZX Spectrum), est loin d’être ébouriffant ; il n’y a d’ailleurs pour ainsi dire jamais plus de deux couleurs sur une illustration, c’est donc encore un peu moins beau que sur la machine de Sinclair. Très honnêtement, ça ne fait pas une énorme différence, et je doute que ceux qui feront le choix de découvrir le titre spécifiquement sur Oric aujourd’hui le fassent pour une raison autre que la pure nostalgie. Pour le reste, c’est toujours exactement le même jeu.

NOTE FINALE : 07/20

The Hobbit sur Oric accomplit l’exploit d’être encore moins coloré que sur ZX Spectrum – mais objectivement, ça ne devrait pas traumatiser les joueurs du XXIe siècle qui ne sont vraisemblablement pas venus pour être éblouis par les graphismes. Le titre présente autrement toutes les forces et les faiblesses de la version originale – avec des temps de chargement sensiblement plus courts que sur les autres systèmes à cassette.

Version PC (Booter)

En 1983, le PC était déjà là, et pour le coup face aux ordinateurs de la concurrence, il boxait plutôt dans la catégorie haut-de-gamme (au niveau des prix aussi, d’ailleurs). À une époque où MS-DOS n’était pas encore un standard, on ne sera pas surpris de découvrir The Hobbit dans une version « booter », adaptée pour l’occasion aux écrans couleur comme monochrome et vous laissant le choix entre un affichage à 40 ou 80 colonnes (une autre époque !). Les illustrations sont présentes, et d’une qualité une nouvelle fois dans le haut du panier comparé aux systèmes 8 bits, en dépit de la palette limitée à 4 couleurs. Le mode composite n’est pas officiellement supporté et n’apporte pour l’occasion pas grand chose, à part des aplats au lieu de l’omniprésent effet de mosaïque, mais le texte y sera également un peu moins lisible. Et non, le reste du jeu n’a pas changé, pas même l’insupportable Thorin.

NOTE FINALE : 07,5/20

En 1983, le PC n’avait à rougir face à aucune machine, et cette version de The Hobbit reste parmi les plus plaisantes d’un point de vue strictement graphique. Au niveau de l’aventure, rien n’a changé, préparez-vous donc à passer de longues heures à chercher un bâillon pour Thorin.

Version Amstrad CPC

The Hobbit n’aura pas oublié l’Amstrad CPC qui aura hérité, comme quasi-systématiquement avec le marché anglo-saxon, d’une version reprise directement du ZX Spectrum – avec quelques couleurs en plus, pour la forme. Pour être honnête, on sent que l’écran-titre (repris, lui, de la version Commodore 64) est le seul à avoir bénéficié d’un quelconque travail, le reste étant copié tel quel du ZX Spectrum en barbouillant quelques couleurs en plus. Une nouvelle fois, le jeu, lui, n’a pas changé, et il n’y a pas la moindre trace de musique ou de bruitages.

NOTE FINALE : 07/20

Aucune surprise pour The Hobbit à la sauce Amstrad CPC, qui se contente pour l’essentiel de barbouiller quelques couleurs sur la version ZX Spectrum sans apporter la moindre nuance à l’aventure en elle-même.

Version MSX

The Hobbit aura également eu le droit à sa version MSX où – une fois n’est pas coutume – la machine n’aura pas à se contenter d’un simple portage pixel perfect de la version ZX Spectrum. Quitte à avoir dû se faire attendre trois ans, cette version reprend en effet les illustrations améliorées aperçues sur les versions disquette, et propose ainsi un habillage graphique plus séduisant que celui de la version originale. Il n’y a en revanche toujours aucune musique (le Commodore 64 aura apparemment été la seule machine à jouir de ce privilège), et le déroulement du jeu n’a naturellement pas évolué d’un iota.

NOTE FINALE : 07/20

Que cela soit écrit : The Hobbit sur MSX n’est pas qu’un simple portage de la version ZX Spectrum, et profite d’une réalisation graphique globalement supérieure. En dehors de cet aspect purement cosmétique, l’aventure en elle-même, elle, n’a pas changé d’un iota.

Version Macintosh

Dernier servi : le Macintosh, qui doit bien évidemment composer avec une de ses spécificités les plus marquantes, à savoir un mode haute-résolution intégralement monochrome. Comme souvent, le résultat a l’avantage d’être très lisible, et on ne peut pas dire qu’on se sente extraordinairement floué par rapport à ce qu’affiche un ZX Spectrum ou même un Commodore 64 – tout juste pourra-t-on regretter que les différentes illustrations n’aient pas intégralement été refaites pour réellement tirer partie des capacités graphiques de la machine, mais on n’avait pas toujours une équipe dédiée pour aller tout redessiner juste pour le bénéfice des utilisateurs de la machine d’Apple. Oh, et Thorin est toujours incapable de la mettre en veilleuse.

NOTE FINALE : 07/20

The Hobbit aura donc fini sa course sur Macintosh, dans une version sans surprise qui ne fait ni mieux ni moins bien que toutes celles qui l’ont précédées – sauf peut-être l’itération Commodore 64, qui avait, elle, le mérite de bénéficier d’une ambiance sonore. Pour le reste, vous savez ce que vous venez chercher, et vous devriez l’obtenir.

Crystals of Arborea

Développeur : Silmarils
Éditeur : Silmarims
Testé sur : Atari STAmigaPC (DOS)
Disponible sur : Windows (7, 8, 10, 11)
Présent dans la compilation : Ishar Compilation (compilation regroupant Crystals of Arborea et les trois épisodes de la série Ishar)
En vente sur : GOG.com (Ishar Compilation, Windows)

La série Ishar (jusqu’à 2000) :

  1. Crystals of Arborea (1990)
  2. Ishar : Legend of the Fortress (1992)
  3. Ishar 2 : Messengers of Doom (1993)
  4. Ishar 3 : The Seven Gates of Infinity (1994)

Version Atari ST

Date de sortie : Mars 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Support : Disquette 3,5″ double-face
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette française testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko
Existe en deux versions : une permettant de créer ses personnages et de composer son groupe et l’autre non

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Dans la grande histoire de ces studios vidéoludiques français qui ont marqué les esprits, on n’évoque sans doute pas assez Silmarils. Fondé en 1987 par trois amis qui décidèrent, en conséquence, de nommer leur société en référence aux trois joyaux elfiques mentionnés dans le Silmarillion, la firme aura accompli l’exploit de survivre jusqu’en 2003 en alliant le romantisme au pragmatisme selon une formule rationnelle : alterner les projets personnels (pour le plaisir) et les projets commerciaux (pour payer la note des projets personnels).

Il n’y a peut-être pas de Dune ou de Captain Blood dans le catalogue de Silmarils, rien qui soit réellement venu bouleverser le paysage vidéoludique à l’échelle mondiale au point d’instaurer le mythe de cette fameuse « french touch », mais il y aura quand même eu des Targhan, des Deus, et surtout la trilogie des Ishar qui reste probablement l’œuvre la plus célèbre produite par un studio qui, entretemps, avait bien grandi. Surtout, avant Ishar, il y aura eu un titre improbable, souvent présenté comme « l’épisode zéro » de la fameuse trilogie (au point d’être vendu avec elle), mais qui n’est ni un jeu de rôle, ni un jeu d’aventure, et sans doute pas davantage un jeu de stratégie. Une curiosité difficile à classer qui va être celle qui nous intéressera aujourd’hui. Son nom ? Crystals of Arborea.

Tout commence par un scénario passe-partout : les dieux créèrent l’île d’Arborea à l’aide de quatre cristaux rattachés aux quatre éléments. Sur cette île vivaient en bonne intelligence trois peuples : les orcs (je l’orthographie ici comme dans le jeu), les sham-nirs et les elfes noirs. Jusqu’au jour où le dieu maléfique Morgoth (hmm, où est-ce que j’ai déjà entendu ce nom ?), rejeté par ses pairs, jeta son dévolu sur l’île et s’empara de l’esprit des orcs et des elfes noirs.

Les autres dieux, plutôt que d’aller lui mettre une trempe, décidèrent tout naturellement d’inonder le reste du monde, ne laissant plus que la précieuse île au-dessus des flots, avant d’aller faire autre chose parce que bon. Vous allez donc incarner Jarel, prince des Sham-nirs, et votre mission sera d’emmener votre équipe de joyeux compagnons retrouver les quatre cristaux et les placer sur leur tour respective pour restaurer l’harmonie du monde avant que les elfes noirs ne parviennent à les récupérer pour vous empêcher de mener votre objectif à bien. Un objectif clair, pour un déroulement qui le sera moins. Car loin de vous envoyer tranquillement écumer les villes et les donjons comme le premier Final Fantasy venu, Crystals of Arborea prendra plutôt la forme d’une improbable chasse au trésor où l’important sera surtout de quadriller méthodiquement l’île à la recherche des fameux cristaux.

Votre partie commencera par la découverte de votre équipe de six personnages, dont la mission sera d’épauler ou d’escorter celui que vous incarnez, à savoir le prince Jarel. Ces six personnages sont divisés en trois classes : les guerriers, redoutables au combat, les rangers, parfaits pour l’exploration, et les magiciens, qui ont accès à des sortilèges et des capacités uniques.

Si les premières versions du jeu ne vous laissaient aucune latitude en vous imposant une équipe, les suivantes offrent la possibilité de créer vos personnages et de choisir leur classe afin d’ajouter une composante stratégique bienvenue, chaque classe ayant ses avantages et ses inconvénients – vous aurez également l’occasion de choisir la difficulté de la partie, qui décidera du placement des différents éléments sur la carte et de l’agressivité des forces ennemies. Puis viendra le moment de démarrer votre quête, en commençant par vous pencher sur la carte du jeu.

Sur cet écran, vous pourrez découvrir une vue aérienne de l’île ainsi que les noms de vos six personnages (moins le prince, donc, mais nous y reviendrons). Vous allez vite réaliser que l’une des clefs du jeu est le fait que vos compagnons ne soient pas éternellement soudés ensemble : rien ne vous interdit de les envoyer aux quatre coins de l’île histoire qu’ils couvrent un maximum de terrain et vous rapportent leurs découvertes.

Dans l’absolu, la méthode idéale parait simple : envoyer chaque héros fouiller une zone donnée et optimiser ainsi les recherches dans un temps donné. Sauf que le petit problème, c’est que vos compagnons ne peuvent pas faire grand chose de plus qu’explorer : si vous voulez visiter une maison, pénétrer dans une tour ou mettre la main sur un cristal, ce sera à vous – le prince Jarel, pour ceux qui suivent – de le faire. Et bien évidemment, si vous mourez, la partie est finie. Dès lors, vous allez vite comprendre la menace représentée par les groupes d’adversaires qui se baladent sur la carte : ce sera pour ainsi dire à vous de tout faire, mais vous êtes vulnérable, et éparpiller vos troupes revient également à vous priver d’une indispensable escorte. Dès lors, on comprend mieux où repose le dilemme du jeu : explorer est une chose, mais survivre en est une autre, et la méthode la plus efficace est également celle qui vous laisse le plus vulnérable, il faudra donc trouver un compromis satisfaisant – ou prendre le risque de tout perdre.

Car votre prince, lui, ne se dirige pas en lui donnant des instructions via la carte de l’île comme c’est le cas pour ses compagnons. Il faudra passer par une vue en 3D, d’ailleurs réellement impressionnante pour l’époque : Crystals of Arborea est sans doute un des tout premiers jeux « de rôle » à vous proposer de visiter un monde ouvert à la première personne, selon une vue d’habitude réservée aux dungeon crawlers – et en quasi-plein-écran, rien que ça ! Le tout en voyant vos personnages et les monstres se déplacer en temps réel – sans animation, certes, mais il y a de quoi être impressionné si on se souvient que le monde du jeu tient sur une simple disquette.

Un monde pas si gigantesque qu’il n’en a l’air, d’ailleurs, puisque vous devriez maîtriser sa géographie en quelques minutes, mais qui se révèle suffisamment imposant pour nécessiter du temps afin d’être exploré, et ce d’autant plus que l’île comprend également son lot de galeries souterraines qu’il vaudra mieux cartographier à la main. Parmi les lieux à visiter, on notera des puits permettant de recharger les potions de soin détenues par votre prince, les tours, les cristaux et les entrées des grottes, mais aussi des maisons dans lesquelles des PNJs vous poseront des questions de culture générale (jamais renouvelées, hélas) afin de vous allouer des capacités plus ou moins utiles, comme l’infravision qui vous sera indispensable pour espérer y voir quelque chose la nuit. En cas de mauvaise rencontre, vous aurez le choix entre fuir ou mener un combat au tour par tour sur une grille contre vos adversaires, composés d’orcs et d’elfes noirs en surface, ou bien de trolls et de chauve-souris dans les profondeurs.

Le menu a l’avantage d’être original et de fonctionner… à son niveau. Crystals of Arborea tend en effet à accumuler les petites maladresses qui, une fois mises bout-à-bout, tendent à révéler un jeu qui ne brille pas franchement pour son sens du détail. Passons rapidement sur la génération procédurale du monde, censée redistribuer aléatoirement les différents points d’intérêts à chaque partie ; dans mon expérience, cette disposition était fixe et attribuée au mode de difficulté, ce qui fait qu’un joueur recommençant sa partie pour la deuxième fois pourra très bien foncer directement vers les objectifs dont il aura appris la position lors de la partie précédente.

On notera aussi que le moteur de jeu en demande visiblement beaucoup au processeur, et qu’il n’est pas rare de constater des délais de plusieurs secondes entre le moment où on appuie sur une direction et celui où vos personnages se décident à avancer, même avec un Atari bien doté en mémoire. Surtout, on sent que beaucoup de mécanismes sont très embryonnaires et ne tiennent tout simplement pas la distance : vos personnages ont tous des caractéristiques et un niveau, comme dans un jeu de rôle, sauf que ces caractéristiques n’évoluent jamais et qu’il n’y a pas de points d’expérience ; le niveau n’avancera donc jamais et sent à plein nez le système de jeu pas intégré faute de temps. Dans le même ordre d’idées, il n’y a pas réellement d’inventaire non plus, et il y a finalement très peu de choses à voir sur la carte passé les fameuses « maisons » qui représentent les seuls cadres nécessitant une réelle interaction de votre part. Les combats sont également atrocement sous-exploités et beaucoup trop contraignants pour ce qu’ils offrent ; on peut de toute façon très facilement les fuir dans l’immense majorité des cas, ce qui tend une nouvelle fois à dépouiller le jeu d’une large partie de ce qui est censé faire son intérêt. Ajoutons enfin que si vos personnages peuvent dormir pour récupérer de la santé, il n’y a aucun moyen d’accélérer le déroulement du jeu ; vous devrez donc attendre patiemment qu’ils aient fini leur sieste en regardant la peinture sécher. Et bon courage pour explorer l’île la nuit si vous n’avez pas l’infravision : attendez-vous à subir dix minutes d’écrans illisibles où vous avancerez au hasard. Pas passionnant…

De fait, il y a dans Crystals of Arborea un côté « simulation de trecking » qui montre ses limites atrocement vite, faute de contenu ou de réel renouvellement, mais qui participe inexplicablement au charme du jeu dans le même temps. On songera à The Lords of Midnight dépourvu de tout son aspect militaire : le titre imaginé par Silmarils a été pensé pour des parties qui excèdent difficilement un heure, et si l’aspect exploration/partie de cache-cache tend à s’essouffler en vitesse, il faut reconnaître que la magie peut opérer pendant quelques heures, notamment grâce à une interface vite maîtrisée et au fait que le manuel soit directement intégré à l’aide du jeu.

Il y aurait certainement eu matière à mener une aventure un peu plus intéressante avec dix fois plus de contenu, avec des mécanismes offrant un intérêt aux combats, et surtout avec des ajouts comme un « brouillard de guerre » (le concept n’aura été matérialisé par Warcraft II que cinq ans plus tard) afin de savoir quelle partie de l’île on a effectivement explorée. En l’état, il y a un aspect bancal, poussif, mal fini, mal pensé, mais qui définit également assez bien ce qu’on aimait trouver dans les jeux français de la période, cette espèce d’assemblage d’idées qu’on ne voyait nulle part ailleurs et qui n’était pratiquement jamais réalisé correctement mais qui avait le mérite de ne ressembler à rien d’autre. Il y a dans Crystals of Arborea le charme de nos passions d’enfance : observé avec un regard critique, le verdict est immanquablement sévère, mais dès qu’on laisse la magie opérer un peu, on découvre mine de rien qu’on a plutôt passé un bon moment pendant deux ou trois heures. À l’heure où le titre représentera une simple mise en bouche à une trilogie plus longue dans une compilation vendue à six euros, on peut aussi le prendre pour la bouffée d’air frais qu’il représente et choisir de s’en contenter.

Vidéo – Dix minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12/20 Curiosité généralement congédiée au rang de « précurseur de la saga des Ishar », Crystals of Arborea est en réalité un titre difficile à définir qui n'entretient qu'un lien assez distant avec les jeux de rôle qui lui auront succédé. Sorte d'improbable chasse au trésor à l'échelle d'un continent, ni tout à fait un jeu de stratégie, ni franchement un jeu d'aventure, ni réellement un jeu de rôle, le logiciel imaginé par Silmarils évoque parfois une sorte de The Lords of Midnight très édulcoré qui dégage un charme certain en dépit d'un nombre confondant de maladresses. Faute de profondeur et de renouvellement dans le gameplay, on n'investira sans doute pas des dizaines d'heures dans le monde d'Arborea, mais il faut reconnaître que la magie peut malgré tout opérer à petites doses le temps d'arpenter les marécages, les forêts et les souterrains du jeu jusqu'à les connaître comme notre poche. Un programme déroutant et qui ne plaira vraisemblablement pas à tout le monde, mais qui a pour lui son originalité et se relative accessibilité. À essayer, pour les curieux.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un jeu qui semble chercher ce qu'il veut être... – ...avec un cruel manque de profondeur dans la plupart de ses compartiments de jeu – Certaines versions qui ne nous laissent même pas créer notre groupe – Des personnages incapables d'accomplir quoi que ce soit tant que vous n'êtes pas avec eux – Aucun moyen de savoir quelle partie de la carte on a déjà exploré – Un moteur de jeu qui tend à mettre le processeur de la machine au supplice – Impossible d'accélérer le passage du temps

Les avis de l’époque :

« Une histoire sans consistance, des rencontres superficielles, voilà ce qui empêche Crystals of Arborea d’être un Hit. De très bons graphismes et une ergonomie soignée en font néanmoins un jeu qui peut accrocher. Un bon jeu de rôle/aventure en français. »

Jacques Harbonn, Tilt n°88, mars 1991, 15/20

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Crystals of Arborea sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Silmarils
Éditeur : Silmarils
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Les trois versions de Crystals of Arborea auront été commercialisées à peu près simultanément, mais cette itération Amiga tendraient à confirmer aux curieux que le titre a bel et bien été développé avant toute chose sur Atari ST – un schéma qui n’avait rien d’exceptionnel pour les studios français, plus friands de la machine d’Atari que de sa grande rivale de chez Commodore.

On pourra donc jouer aux sept différences entre la version ST et une version Amiga qui lui est pratiquement jumelle : les graphismes n’ont pour ainsi dire pas changé d’un pixel, même si certaines teintes sont un peu plus vives, et seul l’écran-titre a été redessiné (ce qui lui vaut, au passage, de perdre son thème musical). Une fois en jeu, on constatera surtout que la possibilité de concevoir son équipe semble cette fois présente par défaut (je ne suis pas certain à 100% que ce soit le cas sur toutes les versions, particulièrement pour la version française), et que l’ambiance sonore est un peu plus développée (on entend parfois les monstres grogner, par exemple) en dépit du fait qu’il n’y a toujours pas de musique. Les groupes ennemis m’ont également paru beaucoup plus mobiles et bien plus agressifs ici, n’hésitant pas à traverser toute la carte pour se jeter sur votre groupe dès les premières minutes. En revanche, pour peu que vous jouiez sur Amiga 1200, les commandes sont également bien plus réactives et vous ne devriez plus avoir besoin d’appuyer quatre fois sur un bouton pour que le jeu se décide à valider l’input. Dans l’ensemble, l’expérience de jeu m’a parue plus fluide, mieux terminée, et le titre est indéniablement un peu plus agréable à jouer ici. Dommage que le système de jeu n’ait pas été un peu approfondi au passage.

NOTE FINALE : 12,5/20

Calquée à 99% sur ce qu’offrait la version Atari ST, l’expérience de jeu offerte par Crystals of Arborea se révèle néanmoins un tantinet plus confortable sur un Amiga puissant, avec une action plus fluide et une ambiance sonore revue légèrement à la hausse. Quitte à découvrir le jeu, c’est sans doute sur Amiga que vous serez le plus à l’aise.

Version PC (DOS)

Développeur : Silmarils
Éditeur : Silmarils
Date de sortie : Mai 1991
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Supports : Disquettes 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : MS-DOS 3.0 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, VGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne

Pour Crystals of Arborea sur PC, on sent que le jeu aura repris le moule de la version Amiga, dont il emprunte au passage l’écran-titre. Du côté de la réalisation, la gestion du VGA permet au jeu d’offrir des graphismes identiques à ceux affichés sur ST et Amiga – et non, il n’y aura pas une couleur en plus, l’équipe en charge du portage n’étant visiblement pas d’humeur à redessiner tout le jeu pour le simple bénéfice des possesseurs de PC. D’ailleurs, passé un vague « bip » lors du logo Silmarils, il n’y a pour ainsi dire plus du tout de son ! Pas de thème musical, pas un bruitage, nib. Un peu limite en 1991, où les cartes sonores étaient désormais monnaie courante. On notera également que certaines versions du jeu ne vous laissent pas redéfinir l’équipe, comme cela pouvait arriver sur ST – la bonne nouvelle étant que la version vendue en ligne le permet (la mauvaise étant que celle-ci est intégralement en anglais, ce qui pourra rendre les énigmes ou la consultation de l’aide plus problématiques pour les non-anglophones). Bref, dans l’ensemble, même si le jeu tourne bien, on sent qu’il manque un petit quelque chose. À vous de voir si vous pourrez tolérer la disparition de quelques bruitages.

NOTE FINALE : 12/20

Prestation assez paresseuse de Crystals of Arborea sur PC, qui choisit de tirer purement et simplement un trait sur toute la réalisation sonore, déjà assez discrète sur les autres versions. Le reste est toujours à sa place et fonctionne aussi bien, mais gardez en tête que la version actuellement vendue en ligne est intégralement en anglais, manuel compris.

Forgotten Worlds

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com/

Développeur : Capcom Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Titre original : Lost Worlds (Japon)
Titres alternatifs : フォゴッテンワールド (graphie japonaise)
Testé sur : ArcadeAmigaAmstrad CPCAtari STCommodore 64Mega DriveArcade (Mega-Tech)ZX SpectrumMaster SystemPC (MS-DOS)PC Engine CD
Disponible sur : Wii, Windows, Xbox One, Xbox Series X/S (version arcade)
Présent dans la compilation : Capcom Arcade Stadium Pack 1
En vente sur : Steam.com (Windows), Xbox.com (Xbox One, Xbox Series X/S) – DLC nécessitant le jeu (gratuit) Capcom Arcade Stadium

La série « Jet Pack Heroes » de Capcom (jusqu’à 2000) :

  1. Section-Z (Arcade) (1985)
  2. Side Arms : Hyper Dyne (1986)
  3. Section-Z (NES) (1987)
  4. Forgotten Worlds (1988)
  5. Hyper Dyne : Side Arms Special (1989)

Version Arcade

Date de sortie : Juillet 1988 (international)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick rotatif (huit directions) et un bouton
Version testée : Version internationale, dernière révision
Hardware : Capcom Play System (CP-S)
Processeurs : Motorola MC68000 10MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz
Son : Haut-parleur ; YM2151 OPM 3,579545MHz ; OKI MSM6295 ADPCM 1MHz ; 1 canal
Vidéo : 384 x 224 (H) 59,637405Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

On peut penser ou dire ce qu’on veut de la compagnie qu’est Capcom, mais il faut au moins lui reconnaître une caractéristique qui semble l’avoir définie dès sa fondation : elle n’aime pas perdre son temps. Fondée en 1983, elle aura commencé à vendre des bornes d’arcade l’année suivante, et aura rencontré le succès dès son quatrième titre avec 1942. Suivra d’ailleurs une impressionnante liste de tabacs en 1985 : Commando, Ghosts’n Goblins, Gun.Smoke – pas de doute, la firme était déjà lancée, et elle était bien décidé à laisser son empreinte.

Nos héros : deux belles têtes de vainqueurs

En 1988, cependant, Capcom s’apprêtait à lancer une nouvelle bombe dans les salles d’arcade : son désormais célèbre « Capcom Play System », souvent résumé en « CPS » ou « CP System », dont le hardware était d’ailleurs basé sur celui d’une autre machine appelée à devenir mythique à sa manière : le Sharp X68000. Une borne vouée à se faire un nom via quelques titres légendaires, parmi lesquels Final Fight et surtout Street Fighter II, et qui aura donc signé ses débuts via un jeu qui aura lui aussi (mais c’était devenu presque systématique avec Capcom) fait du bruit à sa sortie : Forgotten Worlds, un shoot-them-up avec des héros en jetpack – déjà le troisième pour Capcom, qui semblait bien décidé à conclure le concept en beauté.

Vous voulez de l’action ? On a ça.

On ne s’attardera pas ici sur le « scénario » (notez les guillemets) compté dans un « engrish » d’ailleurs resté célèbre via des écrans fixes qui ne racontent d’ailleurs pas grand chose de cohérent. Sachez donc qu’un dieu maléfique aura détruit presque toute forme de vie sur un monde lointain, jusqu’à ce que la colère des civilisation vaincues n’invoque deux clones de Schwarzenegger avec des lunettes noires et des gros flingues bien décidés à aller réclamer vengeance en faisant encore plus de morts.

Le magasin fera vraiment office de planche de salut

Un prétexte qui en vaut bien un autre pour dérouler une nouvelle aventure à la Side Arms avec une philosophie d’ailleurs assez proche : shoot-them-up à défilement multidirectionnel (avec une préférence marquée pour le défilement horizontal, malgré tout) et jouable à deux. Au menu : huit niveaux de planète en ruines avec un mélange d’influences détonnant (des dragons, de l’architecture égyptienne…), des gros sprites, des boss dont certains auront marqué les mémoires, et suffisamment d’action pour vous donner envie de remettre une autre pièce dans la borne.

On aurait pu s’attendre à ce que Capcom ronronne en resservant peu ou prou le même menu que dans Side Arms ou Section-Z et en laissant sa nouvelle technologie faire tout le boulot en en mettant plein les yeux à tout le monde. Pourtant, c’est bel et bien du côté du gameplay que Forgotten Worlds semble prendre le plus de risques. La première nouveauté est d’ailleurs la présence d’une molette à droite du stick, laquelle vous permettra de faire tourner votre personnage et le satellite qui l’accompagne pour pouvoir faire feu partout autour de lui.

Le jeu est clairement plus sympathique à deux, comme souvent

Comme on peut s’en douter, cette liberté dans la direction du tir signifie que le programme n’hésitera jamais à vous envoyer des ennemis venus de toutes les directions, et qu’il vaudra mieux apprendre à ne pas rester collé à un des bords de l’écran si jamais vous espérez faire tenir votre barre de vie jusqu’au prochain magasin. Ce qui nous amène d’ailleurs à la deuxième originalité : à l’instar de celui de Fantasy Zone deux ans plus tôt, l’univers de Forgotten Worlds a lui aussi décidé d’adopter le capitalisme. Traduit en clair, les adversaires lâcheront des pièces d’un monnaie appelée « zenny » (exactement comme dans Black Tiger, autre titre de chez Capcom), qu’il vous appartiendra de dépenser dans des boutiques qui feront généralement leur apparition une fois par niveau. Au menu : des power-up, des armures pour vous protéger, des soins, des extensions de votre barre de vie, de quoi modifier votre vitesse et même des conseils pour vaincre le boss du niveau. Ces bonus, contrairement à ceux de Fantasy Zone, sont permanents : ils ne disparaitront pas après trente secondes de tir ou après avoir perdu une vie. En revanche, trépasser vous fera perdre la moitié de vos économie, et les nouveaux tirs n’étant pas exactement gratuits, mieux vaudra apprendre à passer entre les (très nombreux) tirs adverses pour espérer gonfler votre puissance de feu et vous simplifier un peu la vie.

La moindre nanoseconde d’inattention se paie au prix fort

Autant en profiter pour le dire : si Forgotten Worlds avait décidé de s’appuyer sur un système de points de passage à la R-Type, ce serait un titre redoutablement difficile qui nécessiterait sans doute quelques semaines de pratique intensive avant d’espérer en voir le terme. Le fait qu’un joueur réapparaisse à l’endroit qui l’a vu mourir – et surtout, qu’il soit possible de jouer à deux – transforme l’épopée en une aventure nettement plus vite bouclée dès l’instant où vous aurez les poches pleines, avec un boss final qui devrait rendre l’âme au bout d’un peu plus d’une demi-heure d’action effrénée.

Parfois, le défilement décide de devenir vertical

On verse donc davantage du côté du défouloir exigeant où il appartient au joueur (et à ses finances) de se fixer des limites. La bonne nouvelle, c’est qu’en dépit du côté assez peu naturel de l’emploi de la fameuse molette (rien ne remplacera jamais à mes yeux le système à deux sticks), on n’a vraiment jamais le temps de s’ennuyer en jouant à Forgotten Worlds. Le défi, assez frustrant en solo, devient nettement plus amusant à affronter avec un ami, où on peut décider de se battre littéralement dos à dos pour couvrir mutuellement ses arrières et arroser la zone la plus large possible. Il convient aussi de mentionner la personnalité qui se dégage du jeu, d’abord par son titre (je ne sais pas si c’est le côté « amateur des Mondes Engloutis » propre à ma génération, mais je trouve ce titre de « Forgotten Worlds » proprement excellent), ensuite par son univers un peu foutraque, certes, mais qui dégage un cachet propre aux années 80, notamment avec ses décors très sombres où le noir est encore la couleur dominante.

Le danger vient vraiment de tous les côtés à la fois

Le cocktail improbable qui envoie des Duke Nukem à jetpack se battre au milieu d’hommes-lézards volants et de dragons géants, voire de divinités de plusieurs écrans de haut, dégage une identité réelle qui inscrit immédiatement la borne dans l’âge d’or des salles d’arcade, cette période où on était en transe face à des titres qui nous en mettait plein les yeux tout en laissant encore carburer notre imagination.

Le CP System fait le travail

C’est difficile à expliquer, mais Forgotten Worlds correspond à une époque où un titre et quelques captures d’écran faisaient bouillonner notre cerveau, et où on se surprenait parfois à imaginer le monde qui s’étendait derrière nos deux personnages, ses montagnes, ses villes, et à avoir envie de le visiter – des rêves d’enfants qui étaient déjà bien morts au début des années 90, où on venait juste dans une salle d’arcade pour en prendre plein les yeux et les oreilles sans trop se soucier d’autre chose que des gros sprites, des gros sticks et des gros boutons. Un jeu porteur d’une certaine âme, donc, qui fait qu’il demeure aujourd’hui encore un tout petit peu plus que juste un bon shoot-them-up parmi d’autres. Donnez-lui sa chance, et si jamais vous ne comprenez définitivement pas où peut bien se cacher cette fameuse « magie » avec laquelle les vieux croulants vous rabâchent les oreilles, ne cherchez pas trop longtemps : on a tous nos propres souvenirs, et Forgotten Worlds a surtout le mérite d’appartenir à ceux d’une certaine génération.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 15,5/20 Forgotten Worlds aura représenté à la fois les débuts du très bon CP System et la conclusion de la série des « jetpack heroes » initiée par Section-Z quelques trois ans plus tôt. Dans les deux cas, il aura témoigné de l'inexorable avancée de Capcom en proposant un gameplay intelligent sans être trop complexe et une réalisation variée qui s'inscrit dans la continuité de la saga sans pour autant y rester enfermée. Le résultat est un titre exigeant et défoulant qui manque encore un peu de folie et de contenu pour aller rivaliser avec des shoot-them-up plus tardifs, mais qui demeure malgré tout agréable à parcourir d'un bout à l'autre sans donner le sentiment de se retrouver face à une borne comme on en a déjà vu des dizaines. Bref, un jeu avec son identité qui demeure une référence chère aux joueurs ayant grandi dans les années 80 ; une curiosité à connaître.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Un système de tir mobile pas toujours naturel, surtout dans le feu de l'action – Un peu court – Une réalisation clairement dans le haut du panier pour 1988, mais nettement moins impressionnante que ce que proposeront des titres similaires dans les années 90

Version Amiga

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Octobre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 600
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Comme tous les grands succès de l’arcade, Forgotten Worlds n’aura pas tardé à connaître une deuxième vie sur les systèmes domestiques où les joueurs espéraient retrouver les sensations (voire la réalisation) de l’arcade. Comme souvent, c’est U.S. Gold qui aura investi pour récupérer la licence sur ordinateurs, avant de la confier aux petits nouveaux d’Arc Developments (appelés à faire une assez longue carrière dans le domaine) pour tous les portages. Autant dire que de tous les ordinateurs concernés, l’Amiga était sans doute celui dont on attendait le plus de choses, alors aura-t-on eu droit à un de ces fameux ersatz médiocres que la compagnie américaine semblait distribuer à la douzaine ?

Ce n’est pas sublime, mais ça bouge bien

Disons qu’on aura plutôt eu le droit au haut du panier, ce qui correspond à un logiciel qui n’est que partiellement décevant. On appréciera déjà que le portage s’efforce de conserver les cinématiques, les voix digitalisées, et surtout l’indispensable mode deux joueurs. En revanche, autant vous préparer à l’idée qu’il n’y a plus que quatre niveaux, contre neuf pour la version arcade. La réalisation, sans être transcendante, est indéniablement réussie pour un titre de 1989 : il y a du monde à l’écran sans le moindre ralentissement, les sprites sont d’assez bonne taille sans gêner la lisibilité, les décors conservent la variété de la borne, et la musique est assez réussie (et il faudra, comme souvent, choisir entre elle et les bruitages). Du côté de la jouabilité, les choses sont déjà moins roses : avec un seul bouton sur le joystick, comment autoriser la rotation du tir?

Bon, la vendeuse a un peu perdu de son charme dans cette version…

Eh bien d’une assez mauvaise façon : votre personnage pivote automatiquement dès qu’il se déplace sur l’axe horizontal, et il n’y a aucun moyen de bloquer la direction de son tir, sauf à se déplacer uniquement sur l’axe vertical – exercice très délicat, dans un jeu où il faut constamment se déplacer sur tout l’écran. Probablement conscient de la difficulté de la chose, les développeurs auront décidé de booster la capacité de la jauge de vie de votre personnage, désormais capable d’encaisser nettement plus de coups ; mais sachant que les masques de collision sont incompréhensibles et que l’équilibrage est une fois de plus fait au doigt mouillé, mieux vaudra s’accrocher pour arriver ne fut-ce qu’au premier boss, car vous n’avez dorénavant que trois vies et aucun continue ! Bref, dans l’ensemble, l’essentiel est là et il y avait sans doute largement de quoi contenter un joueur de 1989, mais de nos jours la jouabilité « expérimentale », la réalisation dépassée et la difficulté frustrante réserveront ce portage avant tout aux nostalgiques – les autres seront indéniablement plus à l’aise sur la borne.

Préparez-vous à souffrir pour arriver loin en solo

NOTE FINALE : 13/20

Arc Developments aura assuré l’essentiel au moment de porter Forgotten Worlds sur Amiga, et en dépit des nombreux griefs que l’on peut adresser aux maladresses de cette version (seulement la moitié des niveaux !), cela demeure un portage jouable et correctement réalisé, quoique mal équilibré et inutilement difficile. Mais au rang des shoot-them-up jouables à deux sur la machine de Commodore, cela reste un bon choix.

Version Amstrad CPC

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Juin 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 3″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette testée sur Amstrad CPC 6128 Plus
Configuration minimale : Système : 464 – RAM : 64ko
Comme souvent sur CPC, la fenêtre de jeu ne doit prendre que la moitié de l’écran, mais ça reste assez joli

Après une version Amiga qui avait ses défauts, mais qui avait le mérite de situer immédiatement ce qu’on pouvait attendre de mieux du côté des portages sur ordinateurs, la question restait de savoir comment Forgotten Worlds allait à présent s’en tirer sur les systèmes 8 bits – en particulier sur Amstrad CPC, habituel laissé pour compte de la production anglo-saxonne. Sans surprise, le portage reprendre la jouabilité et les coupes de la version Amiga, plus quelques unes – le magasin, par exemple, est un simple fond noir, il n’y a même plus de vendeuse ! Comme on peut s’en douter, l’animation est devenue sensiblement plus poussive, mais les graphismes ont le bon goût de ne pas respirer le décalque de la version ZX Spectrum, et le tout reste maniable et jouable à deux. Il n’y a plus de musique, ni de cinématiques, ni de voix digitalisées, mais comparé à ce qu’a pu héberger la machine d’Amstrad au cour de son histoire, c’est clairement à ranger dans ce qu’on pouvait espérer de mieux – dommage que les masques de collision soient aussi catastrophiques. Même s’il est objectivement difficile de trouver aujourd’hui une raison à préférer ce portage à un autre – ou à la borne en elle-même – on peut néanmoins encore espérer s’amuser à deux, à condition de ne pas être trop regardant et de bien se souvenir de ce à quoi ressemblait un jeu sur un ordinateur 8 bits à l’époque. Du travail correctement fait : ce n’était déjà pas gagné, alors on s’en contentera.

NOTE FINALE : 09,5/20

Forgotten Worlds sur CPC ne pousse peut-être pas la machine d’Amstrad à se sortir les tripes, mais cela reste un portage décent et correctement réalisé qui a l’avantage d’être jouable – et surtout, de l’être à deux. Sans doute pas l’expérience ludique ultime pour les joueurs du XXIe siècle, mais si vous souhaitez découvrir comment un gamin de la fin des années 80 pouvait s’éclater, vous en aurez un bon aperçu ici.

Version Atari ST

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Octobre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″ simple face (x2)
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette testée sur Atari 1040 STe
Configuration minimale : Système : 520 ST – RAM : 512ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Éternelle question de l’âge d’or des ordinateurs 16 bits : « La version Amiga de Forgotten Worlds avait-elle été downgradée pour s’aligner sur la version ST ? » Et la réponse est : eh bien, visiblement, non. On réalise par exemple que les décors sont globalement moins détaillés dans ce portage, mais certains d’eux ont également été redessinés et ne s’en sortent même pas mal du tout – les premiers écrans du jeu sont par exemple plus réussis à mes yeux que dans la version Amiga. En revanche, la jouabilité et les coupes opérées sont les mêmes, la qualité musicale est hélas inférieure, et on regrettera que le jeu considère que le périphérique branché dans le port 0 soit celui qui contrôlera le joueur un, même si ce périphérique se trouve être une souris. En dépit de ces quelques regrets, on tient néanmoins un shoot-them-up qui est loin d’avoir à rougir face à la concurrence qui existait sur Atari ST, et qui n’a même pas à nourrir de gros complexes face à une version Amiga aux décors pourtant plus colorés. Clairement un portage réussi pour l’Atari ST.

C’est plus que correct, non ?

NOTE FINALE : 12,5/20

Forgotten Worlds n’aura pas souffert d’une version galvaudée sur Atari ST, et si la moitié du contenu du jeu n’avait pas été amputée, comme dans les autres versions assurées par Arc Developments, on tiendrait à n’en pas douter une des meilleures conversions d’arcade de la machine. En l’état, c’est un shoot-them-up très honnête et jouable à deux, ce qui n’est déjà pas si fréquent sur la machine d’Atari.

Version Commodore 64

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Octobre 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Cassette, disquette 5,25″
Contrôleur : Joystick
Version testée : Version disquette
Configuration minimale : RAM : 64ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Parmi les machines ayant entretenu une relation privilégiée avec les shoot-them-up, il serait criminel de ne pas nommer le Commodore 64. Forgotten Worlds y débarque avec la manière : la réalisation graphique est assez difficilement attaquable, surtout lorsque l’on constate l’extrême fluidité du défilement. Les sprites sont de belle taille, les décors agréablement détaillés – par moment, on pourrait presque avoir la sensation d’être en train de jouer sur NES. Au niveau des détails qui fâchent : il n’y a toujours que quatre niveaux, la jouabilité est toujours aussi peu naturelle, et il n’y a pas de musique du tout. Surtout le rythme, déjà devenu nettement plus méditatif sur les ordinateurs 16 bits que sur la borne, est ici quasi-hypnotique : il n’y a rarement plus de trois sprites à l’écran, et la frénésie de la version originale a laissé la place à une expérience nettement plus posée où l’adrénaline pointe aux abonnés absents – autant dire qu’à deux joueurs, le défi est devenu nettement plus mesuré ici. Le résultat reste sympathique, mais on aurait volontiers échangé quelques détails graphiques pour davantage d’action et des niveaux en plus. En l’état, le titre risque d’être vite vaincu par les joueurs expérimentés.

Dans cette version, le score et la barre de vie étaient manquants mais je vous rassure : normalement, ils y sont

NOTE FINALE : 11/20

Si Forgotten Worlds sur Commodore 64 est un portage bien réalisé, avec notamment un défilement à la fluidité irréprochable, on regrettera que l’action y soit devenue aussi sage et le déroulement aussi contemplatif. Un shoot-them-up qui a ses mérites à deux joueurs, mais qui risque de ne pas vous occuper longtemps.

Version Mega Drive

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Europe Ltd.
Date de sortie : 18 novembre 1989 (Japon) – Décembre 1989 (États-Unis) – 1990 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad*
*Incompatible avec les pads à six boutons (provoque un game over immédiat)
Version testée : Version 1.1 internationale
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

1989, on s’en souvient, aura signé l’arrivée en fanfare sur Mega Drive de Capcom – ou plutôt de ses licences, la firme japonaises laissant aux équipes internes de SEGA la charge de réaliser les portages. Le premier, le célèbre Ghouls’n Ghosts, avait d’ailleurs représenté une des premières vraies killer apps de la console à sa sortie, donnant de vrais espoirs quant à la qualité des futurs portages.

D’entrée, c’est joli, mais on se dit que ça pourrait l’être encore plus

Pour ce qui est de Forgotten Worlds, on comprend en tous cas pourquoi cette version avait fait son petit effet à sa sortie : elle boxe encore dans la catégorie au-dessus des itérations Atari ST et Amiga. Globalement, les décors sont plus proches de ceux de la version arcade (même s’ils ne sont pas nécessairement plus détaillés que sur les ordinateurs 16 bits), il y a de très beaux parallaxes, le jeu tourne à soixante images par secondes sans l’ombre d’un clignotement ou d’un ralentissement, il y a toujours beaucoup de monde à l’écran, et il n’est plus question cette fois d’avoir à choisir entre la musique et les bruitages. Pour ne rien gâcher, il est toujours possible de jouer à deux, on peut choisir entre deux modes de difficulté, et cette fois la pas à trois boutons fait que les boutons A et C servent à faire pivoter votre tir – et au cas où cela vous semblerait inconfortable à utiliser tout en gardant le bouton B appuyé, il est possible d’activer un tir automatique qui vous dispensera de le faire ! Bref, on a accès à un jeu plus complet, plus fluide, plus configurable et plus jouable : la totale.

Le dragon a perdu beaucoup de détails depuis la version arcade, mais reste un beau morceau

En revanche, il ne faudra pas oublier que l’une des grandes contraintes de la période était la capacité des cartouches, que l’on s’efforçait de limiter au maximum pour ne pas avoir à recourir aux coûteux modèles à huit mégas (un problème qui cesserait d’en devenir un quelques années plus tard, avec des cartouches à plus de vingt mégas). Conséquence : moins de détails, aucune digitalisation, et surtout deux niveaux une nouvelle fois retiré du jeu.

Vous ne le verrez pas ici, mais le parallaxe est convaincant

C’est dommage, car le titre n’était déjà objectivement pas très long à la base, et c’est une nouvelle fois en vous retirant tous vos continues que la cartouche espère vous donner le change. Au rang des contrariétés, citons également l’impossibilité totale de jouer avec un pad à six boutons (pour sa défense, le titre pouvait difficilement chercher à se rendre compatible avec une manette qui n’aura été disponible à la vente que quatre ans après sa sortie) sous peine de game over. Au final, une conversion très satisfaisante au moment de sa publication et qui laissera aujourd’hui les joueurs un peu plus sur leur faim, mais qui demeure un shoot-them-up très plaisant à pratiquer à deux.

NOTE FINALE : 14/20

Clairement dans le haut du panier au moment de sa sortie, la version Mega Drive de Forgotten Worlds a depuis perdu un peu de sa superbe, la faute à quelques sacrifices destinés à limiter la taille de la cartouche. Elle n’en reste pas moins un des portages les mieux réalisés et les plus jouables du titre.

Version Arcade (Mega-Tech)

Développeur : SEGA Enterprises Ltd.
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 1989 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleurs : Un joystick et trois boutons
Version testée : Version européenne
Hardware : Mega-Tech
Processeurs : Motorola MC68000 7,670453MHz ; Zilog Z80 3,579545MHz ; Zilog Z80 3,579540 MHz
Son : SEGA 315-5313 Mega Drive VDP 53,693175MHz ; SEGA VDP PSG 3,579545MHz ; haut-parleur (x2) ; YM2612 OPN2 7,670453MHz ; SEGA 315-5246 SMS2 VDP 10,738620MHz ; SEGA VDP PSG 3,579540MHz ; 2 canaux
Vidéo : 320 x 224 (H) 59,922738Hz ; 256 x 224 (H) 59,922738Hz
La même chose, mais sur une borne

Une parenthèse rapide, par souci d’exhaustivité, pour rappeler l’existence de l’offre Mega-Tech qui proposait – à l’instar de ce qu’offrait PlayChoice-10 pour la NES – de découvrir des jeux Mega Drive dans les salles d’arcade européennes. Inutile de détailler les caractéristiques de cette version en détail : il s’agit tout simplement de la cartouche insérée dans du hardware identique à celui de la console. Les seules nouveauté sont donc un écran permettant de choisir son jeu et de lire un résumé des touches et des commandes, et le fait de payer pour du temps de jeu (cinq minutes par crédit, soit un total assez généreux pour les salles d’arcade de l’époque). Pour le reste, je vous renvoie au test de la version Mega Drive ci-dessus.

NOTE FINALE : 14/20

Au moins les joueurs des salles d’arcade de la fin des années 80 auront-ils parfois eu l’occasion de pouvoir comparer la borne de Forgotten Worlds avec sa version Mega Drive in situ. L’offre Mega-Tech comme les salles d’arcade ayant disparu depuis longtemps, je ne consigne cette version ici que pour la postérité.

Version ZX Spectrum

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : Juin 1989
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Support : Cassette
Contrôleurs : Clavier, joysticks Kempston et Sinclair
Version testée : Version cassette testée sur ZX Spectrum 128k
Configuration minimale : RAM : 48ko*
*Existe en version optimisée pour les modèles à 128ko

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour en finir avec les conversions réalisées par Arc Developments, un autre grand habitués des années 80 : le ZX Spectrum. Sans surprise, la machine de Sinclair doit composer avec des limitations évidentes – à commencer par toutes les coupes observées dans les autres versions publiées par U.S. Gold – mais elle ne s’en tire pas trop mal. Graphiquement, par exemple, on appréciera que les couleurs ne soient pour une fois pas cantonnées à l’interface ; le fameux color clash propre à la machine nuit un peu à la lisibilité, mais cela reste plus agréable que de composer avec une fenêtre de jeu monochrome. Évidemment, l’action n’est pas follement rapide, les temps de réponse ne sont pas toujours optimaux, et la musique ne se fait entendre que lorsqu’on entre dans le magasin (ce qui reste mieux que dans la plupart des autres portages), mais dans l’ensemble, cela reste ce qu’on pouvait espérer de mieux sur ZX Spectrum – surtout en conservant le mode deux joueurs. Plutôt une bonne surprise, donc.

Ce n’est pas la borne, mais l’essentiel est là

NOTE FINALE : 09,5/20

Le ZX Spectrum n’était pas la machine la mieux équipée pour le jeu en 1989, mais ce portage de Forgotten Worlds demeure une expérience solide, à défaut de pouvoir placer des étoiles dans les yeux d’un joueur du XXIe siècle. Sans doute pas la meilleure version pour découvrir le jeu, mais pour les nostalgiques de la machine de Sinclair, il y a bien pire en matière de shoot-them-up.

Version Master System

Développeur : Sanritsu Denki Co., Ltd.
Éditeur : Capcom Co., Ltd.
Date de sortie : Juillet 1991 (Europe)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Timing assez surprenant pour cette itération Master System de Forgotten Worlds, qui aura donc dû attendre la mi-1991 pour voir le jour (peut-être pour ne pas concurrencer son aînée sur Mega Drive ?). Quoi qu’il en soit, on retrouve les habitués de Sanristsu Denki aux commandes, pour ce qui sera d’ailleurs un de leurs derniers portages avant de rejoindre définitivement SEGA pour former SIMS. Pour l’occasion, la jouabilité a été adaptée intelligemment aux deux boutons de la manette : l’un sert à pivoter à gauche, l’autre à droite, et le tir est automatique. Au menu, trois modes de difficulté et un logiciel légèrement revisité pour l’occasion, avec un manque qui fera hélas grincer des dents : celui du mode deux joueurs.

Pour 8 bits, ça se défend

Dans l’absolu, le titre réalise néanmoins une prestation assez solide, avec une réalisation qui décroche sans discussion possible celle de la plus convaincante des systèmes 8 bits. Même si le rythme est par défaut un peu lent (mieux vaut investir dans le boost de vitesse dès le premier magasin), l’action est fluide, le défi est réel, les graphismes sont agréablement détaillés et d’ailleurs parfois assez proches de ce qu’avait pu offrir la Mega Drive. La musique fait le travail, les bruitages ont la pêche ; bref, dans le domaine, la Master System ne déçoit pas. Si on constate que plusieurs niveaux sont une nouvelle fois manquant, d’autres ont été recombinés ensemble, le trajet comme les power-up ont été modifiés (par exemple, le dragon du niveau deux a disparu, l’arme la plus puissante du jeu est désormais une boule de feu), et surtout un niveau aquatique totalement inédit a fait son apparition. Au rang des petits errements : les boss tendent à être increvables, vous n’avez plus qu’une unique vie et aucun continue, votre vitesse par défaut est vraiment trop lente, certaines armes sont si mauvaises qu’elles font plus office de malus qu’autre chose, ou bien il est impossible de voir quel nombre de zennies vous possédez avant d’entrer dans un magasin. Néanmoins, on tient ici une adaptation bien pensée qui fait largement le travail, et sans doute un des meilleurs shoot-them-up sur Master System. Une bonne surprise.

NOTE FINALE : 13,5/20

Ce n’était pas sur Master System qu’on attendait Forgotten Worlds, mais cette version fait mieux que se défendre et pourrait même revendiquer sans honte le titre de meilleur shoot-them-up de la machine si seulement le mode deux joueurs avait fait le trajet, et si les quelques petits équilibrages opérés avaient été mieux sentis. Dans tous les cas, cela reste une cartouche qui vaut la peine d’être jouée sur la 8 bits de SEGA.

Version PC (DOS)

Développeur : Arc Developments
Éditeur : U.S. Gold Ltd.
Date de sortie : 1991
Nombre de joueurs : 1 à 2
Langue : Anglais
Supports : Disquette 5,25 et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086
Mode graphique supporté : EGA
Carte sonore supportée : Haut-parleur interne
En 1991. L’année de sortie de Wing Commander II. Sérieusement.

Pour quelle raison mystérieuse U.S. Gold auront-ils attendu deux ans pour publier la version PC de Forgotten Worlds ? Le mystère reste entier, mais si je devais hasarder une réponse, je dirais : le temps de parvenir à retrouver la copie au fond d’une poubelle. Parce que soyons bien clair : il n’y a strictement rien dans cette version qui puisse humainement justifier de l’avoir attendue pendant deux ans. C’est un portage d’une rare paresse des versions Atari ST et Amiga, en EGA (en 1991 !!!), et sans même une reconnaissance de la moindre carte sonore. La vitesse du jeu n’est même pas bloquée ! Seul minime ajout par rapport aux autres itérations 16 bits : la gestion d’un deuxième bouton sur le joystick, qui devra alors être maintenu appuyé pour faire pivoter le personnage. Sorti tel quel en même temps que les autres portages, le jeu n’aurait pas été plus scandaleux que l’essentiel de ce qui paraissait sur PC à la même époque, mais en 1991, c’était clairement un crachat au visage des utilisateurs de la machine d’IBM qui étaient a minima en droit d’attendre un jeu en VGA avec gestion de l’AdLib ou de la Sound Blaster. Pour meubler dix minutes, le titre fait néanmoins le travail (à condition de parvenir à le faire tourner à la bonne vitesse), mais dans tous les autres cas de figure, le mieux est encore de fuir cette version.

NOTE FINALE : 10/20

Sortir cette version PC de Forgotten Worlds en EGA et sans gestion des cartes sonores en 1989 n’aurait été que décevant ; en 1991, c’était une farce de mauvais goût. Dans tous les cas, on n’aura qu’assez peu de raisons de consacrer plus de cinq minutes à cet ersatz sans saveur des itérations ST et Amiga.

Version PC Engine CD

Développeur : NEC Avenue, Ltd.
Éditeur : Turbo Technologies, Inc.
Date de sortie : 27 mars 1992 (Japon) – Novembre 1992 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Super System Card requise

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Parmi les consoles taillées pour les portages de shoot-them-up de l’arcade, on sera presque surpris d’apprendre que la PC Engine et son extension CD-ROM aient dû attendre 1992 pour bénéficier de leur portage de Forgotten Worlds. A priori, le jeu part sous les meilleurs auspices : le menu des options vous laisse choisir la difficulté, le nombre de vies (vous aurez quoi qu’il arrive deux continues), l’activation ou non du tir automatique, et même la langue des voix du jeu (!), entre l’anglais et le japonais.

Les graphismes commencent à se rapprocher de ceux de la borne

Notons d’ailleurs que ces voix, à en juger par leur qualité médiocre, ne tirent de toute évidence aucun avantage du support CD… contrairement aux thèmes musicaux qui, eux, ont été réenregistrés pour l’occasion et se paient donc le luxe d’enfoncer ceux de la borne d’arcade. Pour ce qui est de la réalisation graphique, cette version enfonce sans difficulté celle parue sur Mega Drive, même si les défilements parallaxes ont disparu, et qu’il y a ici une forte dose de clignotements et de ralentissements qui viennent gâcher un peu le bilan. En revanche, cette fois, pas question de retirer des niveaux : on dispose bel et bien du titre dans son entier, et ça fait plaisir. Le vrai point de friction, cependant, est la disparition du mode deux joueurs, qui constitue normalement un des gros plus du jeu – surtout que cette version est loin d’être facile. Bref, on n’était vraiment pas loin du portage ultime, mais la PC Engine n’a pas donné tout ce qu’elle avait dans le ventre.

NOTE FINALE : 15/20

En dépit de quelques ralentissements, cette version PC Engine CD de Forgotten Worlds avait vraiment tout pour aller chatouiller l’intouchable borne d’arcade… si seulement le mode deux joueurs n’était pas passé à la trappe. Reste un portage solide avec une bande sonore de qualité CD, mais cantonner l’expérience au solo ne semblait pas se justifier sur la console de NEC.

Stronghold : Kingdom Simulator

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Stormfront Studios
Éditeur : Strategic Simulations, Inc.
Titres alternatifs : Stronghold (écran-titre), D&D Stronghold : Kingdom Simulator (GOG.com), Stronghold : Koutei no Yousai (Japon)
Testé sur : PC (DOS)FM TownsPC-98
Disponible sur : Linux, Macintosh, Windows
En vente sur : GOG.com (Linux, Macintosh, Windows)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Septembre 1993
Nombre de joueurs : 1
Langues : Anglais, français
Supports : CD-ROM, dématérialisé, disquette 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version dématérialisée émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 2Mo – MSCDEX : 2.1 – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : AdLib/Gold, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro
Installation sur disque dur obligatoire

Vidéo – L’introduction du jeu :

Avec quelques décennies de recul, il est rarement très difficile d’analyser les raisons du succès d’un jeu vidéo. Cela a d’ailleurs souvent déjà été fait en long, en large et en travers pour les plus célèbres : il y a eu les titres suffisamment géniaux pour créer un genre à part entière, comme Tetris ou Populous, ceux qui ont eu le nez ou la chance d’être au bon endroit au bon moment, façon Myst, ou encore ceux qui étaient avant tout d’authentiques réussites de gameplay, à la Doom.

Le jeu comporte une aide intégrée, très bon point

Une catégorie au moins aussi intéressante reste cependant celle de ces logiciels qui semblaient avoir visé juste à virtuellement tous les niveaux – et qui auront d’ailleurs souvent connu un réel succès critique – mais que l’histoire aura échoué à retenir sans que les causes n’en soient nécessairement limpides (on pourrait citer Project Firestart à titre d’exemple, mais chaque joueur aura toujours son « petit préféré pas assez connu » en tête). C’est dans cette liste où l’on peut ranger tellement de programmes réussis que mériterait sans doute de figurer Stronghold, un titre d’ailleurs nettement moins connu que son homonyme développé quelques années plus tard par Firefly, et qui aura pour lui d’avoir été l’un des premiers à s’aventurer sur les traces de SimCity et du genre du city builder… mais, comme on va le voir, d’une façon très particulière.

Tout un royaume à bâtir… une perspective alléchante

Comme son nom complet l’indique, Stronghold : Kingdom Simulator ne vous propose pas tout à fait de bâtir une ville, mais bien un royaume. Cela aurait pu être une bonne base pour simplement déplacer le concept de SimCity à une autre époque, à la façon de ce qu’avait entrepris le premier Caesar, mais d’entrée les joueurs auront sans doute remarqué la présence d’un invité de taille sur la boîte du jeu : celle de la licence Donjons & Dragons. En effet, vos ennemis ici ne seront pas la criminalité, la pollution ou les catastrophes naturelles, mais plus prosaïquement les orques, les gobelins ou les minotaures – ce qui ne vous empêchera pas de devoir vous pencher sur le fonctionnement de votre domaine pour le faire s’étendre et prospérer bien avant d’avoir à vous préoccuper d’assurer sa survie.

Avec un personnage loyal, la prospérité sera votre unique objectif

La première étape, de façon surprenante, sera d’ailleurs de vous créer un personnage et de choisir son nom, sa classe et ses caractéristiques, qui auront ensuite une influence directe sur ses troupes qui reprendront sa classe : serez-vous à la tête d’un groupe de guerriers redoutables au corps-à-corps ? Des nains, imbattables pour trouver des minerais précieux ? Des semi-hommes, fermiers hors-pairs ? Ou bien des magiciens, redoutables à haut niveau ? Première bonne idée : les classes et les races (elles sont ici indissociables, le jeu ne tirant parti que de la première édition des règles) auront bel et bien un impact sur le rôle de vos troupes, sur les bâtiments qu’elles peuvent construire et sur la façon dont elles doivent s’étendre. Et de la même manière, les caractéristiques influent sur bien des aspects, y compris hors des combats : un charisme élevé vous aidera par exemple à recruter des troupes plus vite et aura un gros impact sur la vitesse à laquelle votre royaume s’étendra.

L’aspect militaire est le plus délicat et le plus chronophage du jeu

Ceux qui feront la moue en jugeant que la force de Donjons & Dragons tient normalement à l’équilibre d’un groupe plutôt qu’à la force d’un aventurier seul auront d’ailleurs une deuxième bonne surprise : ce n’est en fait pas un domaine que vous allez diriger, mais bien cinq d’entre eux. Loin de devoir créer un unique personnage, vous allez en effet pouvoir (et devoir) en concevoir cinq, ce qui signifie que la composition de votre « équipe » aura une incidence majeure sur les points forts et les points faibles de votre royaume.

N’hésitez pas à connaître les demandes de vos citoyens en même temps que vous consultez leurs statistiques

Chaque héros sera donc un seigneur avec son propre bastion et ses propres citoyens, et figurez-vous que l’objectif du jeu sera lui défini… par l’alignement de votre personnage principal. En effet, un héros « loyal » correspondra plus ou moins à l’aspect « gestion » du jeu : son seul objectif sera la prospérité de sa nation, quitte à ne pas mener un seul combat de toute la partie. Un personnage « chaotique », pour sa part, versera dans l’aspect militaire : il devrait détruire tous les bastions adverses, lesquels génèrent les monstres qui se lanceront à l’assaut de votre royaume. Et si vous voulez accomplir ces deux objectifs à la fois pour remporter la partie, alors la solution est simple : choisissez un personnage « neutre » !

Les tours permettront de détecter les ennemis de plus loin et d’aviser en conséquence

L’aspect city builder du jeu est à ce titre plaisant, mais relativement basique : il n’y a que deux ressources (la nourriture et l’or), et l’essentiel de la partie devrait donc se limiter à vous assurer que vos citoyens aient un toit au-dessus de la tête, de quoi manger dans leur assiette, et suffisamment de commerces pour entretenir une économie florissante – les saisons sont d’ailleurs gérées, et comme vous pouvez vous en douter, mieux vaudra avoir fait des réserves de nourriture avant l’arrivée de l’hiver.

Tout le bestiaire de Donjons & Dragons répond présent

L’aspect militaire, pour sa part, vous demandera d’équiper et d’entraîner vos troupes avant de les déplacer par le biais d’un « aimant », seul moyen d’avoir une quelconque influence sur les rencontres puisque vous ne participez pas directement aux combats ; dans les faits, vous vous contenterez le plus souvent de construire des défenses et de monter vos troupes de niveaux avant de les envoyer au milieu des lignes adverses et de regarder ce qui se passe – et comme vous pouvez vous en douter, face aux menaces les plus sérieuses, mieux vaudra avoir des forces conséquentes avec des clercs pour le soin, des guerriers en première ligne et des mages pour l’artillerie lourde si vous voulez éviter de voir votre armée montée en plusieurs heures se faire vaporiser en une minute.

L’hiver correspondra au ralentissement de votre économie

L’un des aspects les plus originaux du jeu demeure néanmoins sa représentation. Loin d’opter pour une bête vue de haut, Stronghold fait en effet le choix d’une carte en 3D avec des sprites pour les bâtiments et les unités, ce qui vous permet de découvrir votre royaume à hauteur d’homme (ou de nain, ou d’elfe, ou de…). Dans les faits, l’orientation est bloquée vers le nord, et le jeu est conçu en « cases » : chaque écran correspondra à quatre emplacement pour construire des bâtiments en fonction du relief et des contraintes qu’il induit.

On peut atteindre la victoire en quelques heures dès l’instant où on ne vise pas la conquête militaire

Si cela est un peu déstabilisant lors des premières minutes, cette caméra qui n’est pas sans évoquer un jeu comme The Lords of Midnight donne l’occasion de vivre parmi ses ouailles et de découvrir le royaume comme le verraient ses habitants, ce qui confère au titre un aspect contemplatif étrangement satisfaisant qui peut rappeler The Settlers, d’ailleurs sorti quelques mois plus tard. Il y a quelque chose de fascinant à se promener au cœur de nos domaines, graphiquement très bien rendus, et à les regarder grandir au gré de nos consignes, ce qui est d’autant plus bienvenu que le rythme du jeu est objectivement assez lent : même s’il est rare qu’on n’ait pas une portion de terrain à développer ou un curseur à déplacer, il faudra souvent plusieurs heures de développement avant d’espérer entrer au contact de l’ennemi (pour ceux que cela intéresse, naturellement), et il est tout à fait possible qu’une partie s’étire sur une dizaine d’heures, voire le double dans le cas d’une victoire militaire. Et bien évidemment, il n’existe aucune possibilité d’accélérer le passage du temps…

Assaut massif sur un repaire ennemi !

La vraie faiblesse du jeu repose d’ailleurs dans sa relative simplicité et son manque de profondeur. Bien que les mécanismes fonctionnent et qu’on ait objectivement envie de passer beaucoup plus de temps à s’occuper de notre royaume que ce que devrait autoriser un gameplay reposant fondamentalement sur le fait d’empiler une dizaine de bâtiments sur toute la carte, il y aussi un potentiel évident qui transpire de tous les aspects du programme et qui amène à amèrement regretter qu’il n’ait pas initié sa propre série – ne fut-ce que pour profiter des règles avancées de Donjons & Dragons et pour introduire de nouvelles races, de nouvelles classes, de nouvelles ressources, de nouveaux ennemis, de nouveaux types de terrain…

Le terrain de jeu est colossal, et il est possible de générer une carte aléatoirement

C’est d’autant plus frustrant qu’il est difficile, encore aujourd’hui, de trouver un réel équivalent à ce Stronghold, même si la comparaison la plus évidente reste à n’en pas douter Majesty, qui offrira des mécanismes mieux pensés dans l’aspect militaire. Il existe une vraie frustration à imaginer ce qu’auraient pu donner d’autres titres inscrits dans la continuité de celui-ci, si Stromfront Studios n’avait pas préféré au final consacrer l’essentiel de son savoir-faire à des séries sportives comme celles des Madden NFL ou des NASCAR. Mais à tout prendre, c’est précisément le fait d’être resté un one shot qui contribue largement au charme de ce titre et qui lui confère ce caractère unique qui nous amène parfois à nous demander, en vieux nostalgiques obnubilés par le passé, pourquoi on ne fait plus de jeux comme celui-là.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 16/20 Improbable rencontre entre Donjons & Dragons, SimCity et The Lords of Midnight, avec des mécanismes présageant de ceux qu'emploieraient des titres comme Dungeon Keeper ou Majesty, Stronghold : Kingdom Simulator est un titre aussi original que séduisant dont on se demande encore par quel miracle il n'a pas davantage marqué les esprits. Tandis qu'on observe à la première personne son royaume en train de s'étendre inexorablement, il y a quelque chose du rythme de The Settlers qui met inexplicablement dans le mille en dépit des mécanismes finalement assez basiques du titre ; une forme de curiosité qui vire à la magie tandis qu'on réalise que le logiciel a encore aujourd'hui un aspect à part qui le rend unique en son genre – à condition de rechercher une expérience plus contemplative que frénétique. Dommage que le défi soit très mesuré, l'aspect militaire plutôt anecdotique et qu'on sente que tous les composants auraient bénéficié à être développés et approfondis, mais pour une dizaine d'heures au moins, il y a vraiment de quoi se sentir happé par ce city builder pas comme les autres. À (re)découvrir.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Des parties très longues... – ...sans aucune possibilité d'accélérer le temps – Des combats dont on est purement spectateur – Des mécanismes séduisants, mais qui manquent de profondeur – Trop facile

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Stronghold sur un écran cathodique :

Les avis de l’époque :

« Sympa au premier contact, ce jeu devient rapidement intéressant, puis passionnant, et, pour finir, captivant. La progression est parfaite, le jeu devient suffisamment complexe et chaque partie est différente. Attention : il est illusoire d’espérer terminer une partie en moins d’une trentaine d’heures (NdRA : dans les faits, une partie peut tout à fait être bouclée en quatre ou cinq heures). Si vous manquez de sommeil, passez votre chemin ! »

Jean-Loup Jovanovic, Tilt n°117, septembre 1993, 85%

Version FM Towns
Stronghold : Koutei no Yousai

Développeur : Stormfront Studios
Éditeur : Ving Co., Ltd.
Date de sortie : Juin 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version CD-ROM japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Ceux qui fréquentent régulièrement le site doivent commencer à le savoir, mais autant le rappeler pour les retardataires : le FM Towns, derrière son nom exotique, cachait ce qui restait fondamentalement un PC. Avec un lecteur de CD-ROM de série, certes, mais un PC quand même, et cette version de Stronghold ne devrait clairement pas dépayser les utilisateurs de la version originale : c’est stricto sensu exactement le même jeu, mais traduit intégralement en japonais. Le support CD-ROM ? On n’aura même pas fait semblant de le remplir ici : le jeu pèse cinq mégas (mais hé, il y a une petite animation en plus au début de l’introduction). Quant à la résolution plus élevée de l’ordinateur, et comme souvent avec les portages de jeux occidentaux, elle ne bénéficie ici qu’aux textes (et encore, juste les idéogrammes) . Bref, une version à destination du public japonais et qui ne devrait pas justifier que vous remuiez ciel et terre pour en faire l’acquisition aujourd’hui.

Texte mis à part, on ne peut pas dire que les différences sautent aux yeux

NOTE FINALE : 16/20

Si pour une raison quelconque, vous ressentez un besoin vital de jouer à Stronghold en japonais, vous serez sans doute heureux de mettre la mains sur cette version FM Towns autrement identique à l’itération PC. Dans le cas contraire, vous pouvez certainement vous en passer.

Version PC-98
Stronghold : Koutei no Yousai

Développeur : Stormfront Studios
Éditeur : Ving Co., Ltd.
Date de sortie : 2 Juin 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1
Langue : Japonais
Support : Disquette 3,5″ (x5)
Contrôleurs : Clavier, souris
Version testée : Version disquette japonaise
Configuration minimale :

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Le même jeu, avec la même équipe et le même éditeur aux commandes : doit-on réellement s’attendre à un grand bouleversement ? Le PC-98, on le sait, reposait à la base sur une résolution en 640×400 et en seize couleurs : ce sera la principale nouveauté ici, avec des graphismes qui chercheront à compenser leur palette réduite grâce à une résolution accrue… et encore n’est-ce vrai que pour les modèles les plus anciens, puisqu’il est tout à fait possible de jouer au jeu en 256 couleurs, auquel cas la réalisation reprendra très exactement celle de la version PC (ou plutôt, celle de la version FM Towns, le jeu étant une nouvelle fois intégralement en japonais). Bref, il faudra une nouvelle fois être vraiment à la recherche de dépaysement pour vouloir s’essayer spécifiquement à cette version de Stronghold plutôt qu’à celle parue sur PC.

Pour changer un peu, je montre ici la version seize couleurs, mais il est possible d’afficher les mêmes graphismes que sur FM Towns

NOTE FINALE : 16/20

Une nouvelle fois, Stronghold sur PC-98 n’est pas grand chose de plus qu’un portage pratiquement pixel perfect de la version PC, mais en japonais. On notera néanmoins la possibilité de jouer en haute résolution seize couleurs, mais cela reste purement anecdotique.

DarkSpyre

Cette image provient du site https://www.mobygames.com

Développeur : Event Horizon Software, Inc.
Éditeur : Electronic Zoo
Testé sur : PC (DOS)Amiga
L’extension du jeu : DarkDraw : DarkSpyre Drawing Board

La série DarkSpyre (jusqu’à 2000) :

  1. DarkSpyre (1990)
  2. The Summoning (1992)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Mars 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquettes 5,25″ (x3) et 3,5″ (x2)
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – RAM : 512ko*
Modes graphiques supportés : CGA, EGA, Tandy/PCjr, VGA (16 couleurs)
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Sound Blaster, Tandy/PCjr
*640ko requis pour le mode Tandy

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Pour qui s’intéresse à l’histoire vidéoludique, il y a toujours quelque chose de fascinant à retracer le parcours d’un studio de développement, entre ce qu’on peut deviner de ses ambitions et la façon dont celles-ci se seront finalement matérialisées – ou pas. Le cas d’Event Horizon Software en vaut bien un autre : petite société inconnue dont les premiers jeux auront été (très mal) distribués par une compagnie néozélandaise nommée Electronic Zoo, ce qui leur vaudra de n’avoir même pas débarqué en France, pour la plupart. Au fil de son histoire, on sent une certaine obsession de la part du studio, vis-à-vis d’un genre pourtant parmi les plus exigeants : le jeu de rôle.

Prenez le temps de penser votre personnage : ses caractéristiques n’évolueront plus par la suite

De Dungeon Hack à Menzoberranzan, d’Anvil of Dawn à la série des Ravenloft, le studio – qui deviendra Dreamforge Intertainment en 1993 – restera ironiquement mieux connu pour une de ses escapades du côté du point-and-click avec Sanitarium, ce qui n’enlève rien au mérite d’autres de ses « écarts » comme le passage par la stratégie temps réel avec les deux War Wind. Bref, jusqu’à sa disparition en 2000 au terme de dix ans d’existence, la compagnie américaine fondée par des anciens de Paragon Software aura rêvé de laisser sa patte et y sera parvenue – dans une certaine mesure. Son premier titre s’annonçait d’ailleurs comme une forme de brouillon de ses jeux de rôles les plus avancés, et je serais surpris que vous en aillez entendu parler un jour : quelqu’un ici a-t-il souvenir d’avoir aperçu une boîte de DarkSpyre dans les étals en 1990 ?

Sauvez le monde. Tuez des monstres. Explorez des donjons. La base.

En dépit d’une réalisation assez chiche qui ne tire que très médiocrement parti du VGA (mais vu la date de sortie du logiciel, on pourra déjà s’estimer heureux qu’il reconnaisse ce mode graphique tout comme une partie des premières cartes sonores), on sent d’entrée de jeu une certaine envie de faire les choses avec soin. Il n’y a peut-être pas de grande cinématique d’introduction pour en mettre plein les yeux, et le scénario mettant en scène des dieux revenus pour faire passer un test à l’espèce humaine pourrait objectivement tenir en deux lignes, la preuve.

Toutes les informations sont facilement accessibles sur un même écran

Mais tandis qu’on nous demande de choisir un personnage rapide pré-tiré ou de créer le nôtre, on appréciera déjà la variété des options disponibles : la plus naturelle sera de répondre à une série de questions lors d’une mise en place vous détaillant toute l’enfance de votre héros ainsi que le contexte du jeu, et de déterminer par l’occasion certaines de ses caractéristiques de départ ainsi que son sexe ou le fait de déterminer s’il serra gaucher ou droitier. Puis on accédera à un tableau permettant d’attribuer un certain nombres de points (déterminé au hasard) dans une série de caractéristiques : force, endurance, agilité, précision… Petit conseil : investissez massivement dans l’agilité, qui décidera de la vitesse de votre personnage, et ne sabrez pas dans la puissance et le talent, qui pèseront sur ses capacités magiques ; vous pouvez en revanche délaisser la précision, qui n’aura d’effet que sur les armes de jet auquel vous aurez sans doute assez peu recours. Puis vous débutez l’aventure et partez à l’assaut de la tour de DarkSpyre et de ses cinquante niveaux.

Ces crânes vous délivreront des conseils pour franchir les pièges qui se présentent à vous

Le titre prend la forme d’un rogue-like dans une vue de dessus qui évoquera immédiatement Gauntlet, avec un défilement hélas beaucoup plus poussif qui aura souvent bien du mal à rester centré sur votre personnage. Il n’y a pas de génération procédurale des niveaux ; en fait, le titre introduit un aspect aléatoire d’une manière un peu plus subtile : la tour contient cinquante niveaux… mais une partie complète ne vous imposera d’en parcourir que trente-neuf. En-dehors des étages « imposés » (le premier, le dernier, et ceux vous demandant de collecter les runes qui seront nécessaire à la résolution des dernières épreuves), les niveaux seront donc à chaque fois sélectionnés parmi un « pool » de cinq, ce qui permettra à chaque partie d’être sensiblement différente de la précédente, et ce d’autant plus que les environnements graphiques seront eux aussi établis aléatoirement.

Les mécanismes sont simples, mais les énigmes peuvent se révéler tortueuses

Le système de jeu, qui vous sera d’ailleurs intelligemment introduit via un premier niveau servant de didacticiel (une excellente idée qui était encore très loin d’être répandue en 1990), ne fait pas réellement usage de points d’expérience ; il lui préfère un système de progression par l’usage directement repris de Dungeon Master. Plus vous utilisez une arme, plus vous employez une école de sortilège, plus vous progressez dans son usage – mais sachant que les armes s’usent avec le temps et que votre inventaire a une capacité limitée, ce sera à vous de décider s’il vaut mieux se spécialiser dans un type d’arme en particulier, quitte à transporter en permanence quelques modèles « de rechange », ou bien être capable de vous défendre avec tout ce que vous trouverez – voire avec vos poings. Vous réaliserez de toute façon assez vite qu’un personnage mal équilibré risque de vous poser bien des problèmes, de nombreuses énigmes du jeu reposant sur l’usage de la magie, alors quand vous aurez besoin d’attendre deux bonnes minutes que votre mana remonte juste pour voir votre héros échouer à lancer son sort, vous préfèrerez peut-être reprendre votre quête depuis le début.

Le premier étage fait office de didacticiel – un procédé encore assez neuf en 1990

L’interface du jeu a le mérite d’être particulièrement ergonomique pour l’époque, entièrement jouable à la souris, au clavier ou au joystick. L’inventaire et la feuille de personnage sont accessibles en « tirant » sur la barre grise affichant les messages afin de faire coulisser le panneau inférieur, et toutes les actions peuvent être réalisées en cliquant/appuyant sur le bouton concerné ou en faisant usage de son raccourci clavier mentionné directement.

SI votre personnage est trop lent, ce passage sera sans doute infranchissable

Bref, si le jeu ne paie pas de mine, il est indéniablement bien pensé et transpire le soin d’une équipe qui cherchait à proposer une expérience confortable plutôt qu’à repomper tous les mécanismes de Donjons & Dragons au hasard. Dommage que le rythme de sénateur de l’action, allié à ce fameux défilement de tortue arthritique, donne un sentiment de mollesse où on avancerait constamment dans une mélasse ralentissant le moindre de nos gestes, car avec un peu plus d’éclat dans sa réalisation, le titre aurait indéniablement mieux marqué les mémoires. Même si les différents pièges et autres mécanismes à base de téléporteurs et autres blocs à pousser ne réinventent pas la poudre, le tout est suffisamment bien agencé pour proposer des situations intéressantes qui ne se renouvèlent sans doute pas autant qu’il le faudrait sur la durée, mais qui demeurent largement satisfaisantes pour les amateurs du genre. En fait, on ne peut s’empêcher de penser que si DarkSpyre avait opté pour une vue à la Dungeon Master, il aurait même pu prétendre à représenter un titre de référence du genre en 1990 – surtout sur PC ! – et il est difficile de ne pas voir en lui tous les prémices du titre que serait Dungeon Hack à peine trois ans plus tard.

Certains niveaux ne sont pas grand chose de plus que de grands labyrinthes

Le plus gros défaut de DarkSpyre, au fond, reste cette réalisation mal dégrossie qui donne un peu le sentiment de parcourir un shareware oublié plutôt qu’un jeu de rôles qui aurait dû rester dans les mémoires. Si l’action était un peu plus fluide, le rythme un peu plus soutenu, les décors un peu plus marquants, on tiendrait vraiment un rogue-like certes basique mais déjà très efficace, qui en l’état risque de demander quelques minutes pour être pleinement apprivoisé.

Le système de poids pour activer les plaques peut être très contraignant

On pourra regretter que la musique ne se fasse entendre que lors des combats – même si les thèmes sont une nouvelle fois variés en changeant selon les niveaux – et un système de sauvegarde qui impose de trouver une rune (généralement une par niveau) afin de pouvoir garder sa partie – un système intelligent pour éviter de se bloquer irrémédiablement, mais qui ne sera pas nécessairement du goût de ceux qui aiment pouvoir interrompre leur partie n’importe quand. Dans l’ensemble, le sentiment qui domine reste cette intime conviction qu’on n’était vraiment pas si loin, dans tous les domaines, d’un titre extrêmement solide plutôt que d’un simple logiciel sympathique mais principalement réservé à une catégorie bien spécifique de passionnés. On rendra néanmoins hommage à la prise en main et à l’accessibilité du programme, surtout à une époque où il était parfaitement naturel de devoir parcourir 200 pages de manuel avant d’espérer jouer à un jeu de rôles. Pas tout à fait un diamant oublié qui vaille la peine de remuer ciel et terre pour en retrouver une copie, mais si vous avez assez de curiosité pour redécouvrir un logiciel « à l’ancienne » parmi les plus accessibles en dépit de quelques lourdeurs, il y a sans doute une chance à laisser à ce DarkSpyre.

Vidéo – Quinze minutes de jeu :

NOTE FINALE : 12,5/20 DarkSpyre n'est certainement pas le jeu pour lequel on se souviendra d'Event Horizon Software, mais à tout prendre, cela reste un rogue-like honnête et relativement bien conçu, dans lequel on mettra certes un peu de temps à rentrer à cause d'un aspect poussif, mais qui demeure l'occasion de passer une dizaine d'heures dans des niveaux mieux pensés qu'on aurait pu le craindre. Au-delà d'une réalisation qui fait son âge et d'une ambition qu'on sent immédiatement mesurée, on est bien forcé de reconnaître un louable souci de variété dans les environnements, et si les mécanismes ne se renouvèlent pas beaucoup, l'aspect exploration/réflexion du titre est suffisamment bien mené pour qu'on puisse se laisser prendre au jeu. Quelque part entre Gauntlet et Dungeon Master, un logiciel qui ne paie certes pas de mine, mais qui fait le travail.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une vue qui ne parvient jamais à rester centrée sur le personnage... – ...avec un défilement poussif quelle que soit la configuration – Un aspect « jeu de rôle » finalement assez limité – Quelques énigmes vraiment pénibles dans leur logique ou leur exécution – Un mécanisme de sauvegarde contraignant

Bonus – Ce à quoi peut ressembler DarkSpyre sur un écran cathodique :

L’extension du jeu :
DarkDraw : DarkSpyre Drawing Board

Développeur : Event Horizon Software, Inc.
Éditeur : Electronic Zoo
Date de sortie : 1991
Disponible sur : PC (DOS)
Un éditeur de niveau qui ne demande pas des heures de pratique avant d’être utilisable ? On prend.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, en dépit de sa distribution assez limité et de son succès… confidentiel… DarkSpyre aura bel et bien eu le droit à une extension. Comme on peut s’en douter, celle-ci ne court pas exactement les rues à l’heure actuelle, aussi prenez la plupart des information sur la date de sortie, sur les plateformes sur lesquelles elle aura été commercialisé et même sur le titre avec de grosses pincettes : le simple fait d’en trouver un exemplaire physique peut déjà représenter la quête de toute une vie. Comme le nom de « Drawing Board » vous aura peut-être déjà mis la puce à l’oreille (si vous êtes anglophone), DarkDraw est en fait moins une extension de contenu qu’un éditeur de niveau, d’ailleurs assez complet et admirablement simple d’utilisation.

Les outils présents sont peut-être limités, mais au moins ils ne demandent pas de faire usage d’un programme externe

Il offre même un outil permettant d’éditer le visage du héros (avec une palette de seulement quatorze couleurs, hélas) et vous offre, par extension, la possibilité de jouer directement n’importe lequel des niveaux du jeu avec le personnage de l’un de vos fichiers de sauvegarde. En guise de bonus, ce data disk offre également des versions alternatives de cinq des niveaux du jeu. Seule contrainte gênante : vos créations devront obligatoirement venir prendre la place d’un des 50 niveaux du jeu, pensez donc à faire une copie du jeu d’origine si vous ne voulez pas perdre irrémédiablement son contenu. Pour être honnête, je ne sais pas combien de joueurs se découvriront aujourd’hui la mission d’aller doter DarkSpyre de contenu supplémentaire, mais l’outil étant très ergonomique et nécessitant difficilement plus de cinq minutes pour en maîtriser l’essentiel des fonctions, on tient à coup sûr un excellent moyen d’étendre encore un peu la durée de vie du jeu – dans la limite des règles originales (il ne peut par exemple y avoir que deux types de créatures par niveau). Dommage, en revanche, qu’il soit impossible d’éditer les graphismes ou les caractéristiques des monstres, des armes et des objets.

On peut facilement étrenner un niveau cinq secondes après l’avoir créé

NOTE FINALE : 12,5/20

En tant que pur éditeur de niveau, DarkDraw n’est sans doute pas le plus puissant ni le plus complet qui soit, mais il a l’avantage d’être particulièrement ergonomique et simple d’emploi. Si jamais vous avez envie de créer une nouvelle aventure pour les joueurs de DarkSpyre, je doute qu’elle attire des millions de nostalgiques, mais vous en aurez au moins les moyens.

Version Amiga

Développeur : Software Sorcery
Éditeur : Electronic Zoo
Date de sortie : Février 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 500
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – RAM : 512ko
Modes graphiques supportés : OCS/ECS

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

DarkSpyre aura également tenté sa chance sur le grand ordinateur en forme du (tout) début des années 90, à savoir l’Amiga. Pour l’occasion, aucune modification au niveau du contenu, et c’est l’équipe de Software Sorcery qui se sera occupée du portage. Comme on pouvait s’y attendre, la réalisation demeure assez proche de celle qu’on avait pu observer sur une version PC qui ne tirait pas exactement le maximum de la palette du VGA – surtout, le défilement est ici plus fluide et l’action plus nerveuse, ce qui fait que la jouabilité est déjà un peu plus satisfaisante que sur la machine d’IBM. En revanche, on pourra regretter que plus aucun thème musical ne se fasse entendre une fois la partie lancée, les combats s’effectueront donc désormais dans un silence de mort, tout comme l’ensemble de l’aventure. À tout prendre, c’est un peu dommage, mais cela n’empêche pas ce portage de représenter une alternative solide à la version PC, surtout pour ceux qui chercheraient une action un peu moins poussive.

Ce n’est pas moins beau, et ça bouge mieux

NOTE FINALE : 12,5/20

En termes de réalisation graphique, DarkSpyre sur Amiga fait mieux que se défendre face à la version PC, avec notamment un défilement devenu nettement plus fluide et des couleurs qui n’ont clairement pas à rougir de la comparaison avec le VGA. Dommage que l’essentiel de l’aspect sonore, lui, soit passé à la trappe.

Les avis de l’époque :

« L’ergonomie à la souris est franchement désagréable et l’on est sans cesse obligé de « soulever » l’écran d’état du héros pour déposer des objets dans ses poches. De plus, les combats sont trop rudimentaires, en dépit paradoxalement de possibilités de jeu variées. Darkspyre n’est pas parvenu à me captiver, moi qui suis un passionné du jeu de rôles. »

Jacques Harbonn, Tilt n°102, mai 1992, 10/20

Mortal Kombat II

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com/

Développeur : Midway Manufacturing Company
Éditeur : Midway Manufacturing Company
Titres alternatifs : モータルコンバットII ~究極神拳~ (Mortal Kombat II : Kyūkyoku Shinken, graphie japonaise), 真人快打2 (Chine)
Testé sur : ArcadeAmigaGame BoyGame GearMaster SystemMega DrivePC (DOS)Super Nintendo32XPlayStationSaturn
Disponible sur : Mac OS X, PlayStation 3, Windows 7/8/10/11
En vente sur : GOG.com (au sein d’une compilation regroupant les trois premiers épisodes)

La série Mortal Kombat (jusqu’à 2000) :

  1. Mortal Kombat (1992)
  2. Mortal Kombat II (1993)
  3. Mortal Kombat 3 (1995)
  4. Ultimate Mortal Kombat 3 (1995)
  5. Mortal Kombat Trilogy (1996)
  6. Mortal Kombat Mythologies : Sub-Zero (1997)
  7. Mortal Kombat 4 (1997)
  8. Mortal Kombat Gold (1999)
  9. Mortal Kombat : Special Forces (2000)

Version Arcade

Date de sortie : Juin 1993
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Borne
Contrôleur : Un joystick (huit directions) et cinq boutons
Version testée : Version internationale, révision L3.1
Hardware : Processeurs : Texas Instruments TMS34010 50MHz, Analog Devices ADSP-2105 10MHz
Son : DMA-driven DAC – 1 canal
Vidéo : 400 x 254 (H) 54,70684Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Les éliminatoires de la grande guerre des jeux de combat auront fait beaucoup de victimes, y compris d’ailleurs parmi les joueurs, assommés de titres médiocres et sans imagination cherchant à capitaliser sur le succès de Street Fighter II – que, pour être honnête, personne n’avait vu venir.

Le roster a gagné en épaisseur, et on ne va pas s’en plaindre

Au milieu des dizaines (sinon des centaines) de logiciels venus disputer au hit de Capcom le droit de convoiter sa part de gâteau, le premier grand challenger n’aura finalement pas été issu de chez SNK et de sa borne d’arcade à domicile, mais bien des américains de chez Midway avec leur Mortal Kombat qui aura su viser juste et au bon moment pour devenir la nouvelle coqueluche des cours de récré du collège (et des journalistes pressés de réduire le jeu vidéo à une activité d’attardés avides de sang). Les portages du jeu se vendant comme des petits pains – littéralement par millions –, Capcom aura pris la surprenante menace suffisamment au sérieux pour décider d’avancer la sortie du futur « nouvel » épisode de sa saga, Super Street Fighter II, de quelques semaines, afin de détourner le projecteur de la nouvelle série qui montait. Ironiquement, au même moment, Midway avançait la sortie de Mortal Kombat II de quelques semaines exactement pour les mêmes raisons, ramenant les deux compagnies exactement au point de départ. Pour les joueurs fans de sang et de fatalités, cependant, une seule chose comptait : ils allaient enfin pouvoir rouvrir leur boucherie en version ludique.

Ils sont de retour, et ils veulent toujours en découdre !

L’heure, on s’en doute, n’était pas à la prise de risques : Mortal Kombat II aura donc cherché à étendre le concept du jeu de base plutôt que de le reprendre à zéro, et cela se ressent dès le scénario où le maléfique Shang Tsung est tout bêtement de retour après avoir été vaincu par Liu Kang au terme du premier jeu et avoir demandé une deuxième chance à son maître Shao Kahn, qui devient donc par extension le nouveau grand méchant du jeu. Le nouveau tournoi se tiendra cette fois directement dans l’Outre-monde (Outworld), ce qui ne changera strictement rien et ça tombe plutôt bien car tout le monde était venu chercher plus ou moins la même chose que la première fois.

Le décor fournira également son lot de morts violentes

Les guerriers du premier jeu sont donc de retour, moins Sonya et Kano qui seront cette fois restreints à apparaître enchaînés dans le décor du stage final, mais avec sept petits « nouveaux » dont certains ne le sont pas tant que ça : Reptile rejoint par exemple officiellement le roster après avoir été un personnage caché dans le premier opus. S’y ajoutent deux femmes assassins nommées Kitana et Mileena, un membre des forces spéciales américaines du nom de Jax (venu chercher Sonya), un être extra-planaire appelé Baraka, sans oublier Kung Lao, le meilleur ami de Liu Kang. La part du lion revient néanmoins à Shang Tsung, qui est désormais jouable – et oui, il peut toujours se transformer en n’importe lequel des autres combattants. Du côté des personnages non-jouables, Goro étant cette fois définitivement mort, il est remplacé par Kintaro, qui aurait dû être un homme-tigre, mais bon, en fait c’était difficile à réaliser, donc c’est juste un personnage qui ressemble vachement à Goro, mais avec des rayures dans le dos. Et naturellement, Shao Kahn sera désormais l’ennemi à abattre.

Les fatalités sont toujours de la partie, et elles sont plus nombreuses que jamais

Les joueurs dotés d’un œil critique remarqueront déjà une certaine dose de recyclage : avec Reptile, Sub-Zero et Scorpion, on hérite par exemple de pas moins de trois personnages de ninjas… qui ne sont rien d’autre, d’un point de vue graphique, que des color-swaps du même sprite.

Les combats sont souvent vite expédiés

Sachant que Mileena et Kitana sont elles-mêmes, selon les versions, des clones ou des sœurs jumelles (donc, nouveau color-swap de la même actrice…), on sent bien que le budget de développement du jeu n’était pas censé passé dans les acteurs ni dans les costumes (l’équipe de Midway aura sans doute, à ce titre, été échaudée d’avoir dû faire face à un procès intentés par trois desdits acteurs pour réclamer des royalties qu’ils n’auront d’ailleurs pas obtenues). Mais du point de vue des joueurs, avec douze personnages jouables d’entrée plus trois personnages cachés, on se retrouvait déjà avec assez de matière pour rivaliser avec les ténors du genre, et même si le casting ne respire pas l’originalité, les nouveaux venus de type Baraka avaient l’avantage d’introduire un peu de sang neuf tout en développant le lore balbutiant de la saga. Bref, on le sent tout de suite : l’idée reste de capitaliser sur tout ce qui avait fonctionné dans le premier opus pour être absolument certain de ne perdre personne en route, et de booster le contenu pour justifier l’investissement auprès des joueurs qui se contentaient très bien de continuer à jouer à Mortal Kombat premier du nom.

Kintaro vient prendre la place laissée libre par Goro (remarquez au passage Kano, enchaîné dans le décor)

Pour ce qui est des nouveautés, justement, le gameplay du jeu reste très largement calqué sur tout ce qui avait fait le succès du premier épisode : une action nerveuse et pas trop technique mais suffisamment variée, avec notamment la possibilité de faire des combos, pour pouvoir retenir à la fois le néophyte et le joueur un peu plus rodé.

En solo, les adversaires vous laissent très peu de répit

Les mouvements de base ont été un peu rééquilibrés : si la jouabilité tient toujours sur cinq boutons, dont un dédié au blocage, on remarquera qu’il est enfin possible de donner un coup de poing accroupi (pour des dégâts minimaux) et que le coup de pied le plus puissant peut désormais expédier l’adversaire à l’autre bout de l’écran – les masques de collision ont également été retravaillés pour l’occasion. Du côté des coups spéciaux, si certains personnages sont plus gâtés que d’autres (Johnny Cage aura ainsi pas moins de six mouvements, là où la plupart du casting n’en aura que quatre), on remarquera que tous ont désormais au moins une attaque à distance, et que l’équilibrage reste perfectible (certains personnages de type Baraka sont rigoureusement inapprochables quand ils sont bien maniés), ce que vous aurez vite l’occasion de constater en solo, la difficulté étant particulièrement élevée. Comme dans le premier opus, il faudra à ce titre apprendre à reconnaître les coups qui passent mieux que les autres (le célèbre coup de pied sauté, au hasard) et à en abuser pour venir à bout d’ennemis qui peuvent autrement très facilement vous mettre au tapis sans même vous laisser le temps de bouger.

Le taux d’hémoglobine est toujours aussi élevé

Évidemment, l’attraction principale de Mortal Kombat, c’était le gore, via les fatalités. Mortal Kombat II remet ici le couvert en voyant les choses en grand : chaque personnage a ici au moins deux fatalités, parfois trois, sans compter celles qui sont liées au décor ; vous pourrez donc arracher des têtes et des torses ou brûler des corps dans la joie et la bonne humeur, et consacrer beaucoup de temps à découvrir toutes les exécutions du jeu. Histoire de contrecarrer quelque peu le scandale qu’avait fait naître la violence du premier opus, Midway aura également eu l’idée d’ajouter deux nouveaux types de fatalités destinés à tourner en dérision la surabondance d’hémoglobine du programme : les babalities consisteront à transformer votre adversaire en bébé, et les friendship… à lui faire un cadeau ou à commettre un acte inoffensif (mais quelque part, c’est encore plus humiliant, pas vrai ?).

Johnny Cage ne concourra pas au titre d’homme le plus galant du monde, cette saison

Bref, sensiblement la même chose qu’auparavant, mais avec davantage de possibilités et de variété. À ce titre, Mortal Kombat II vise clairement exactement le même public que le premier épisode, avec un certain succès : le gameplay nerveux, simple à assimiler, un peu plus difficile à maîtriser, est toujours de la partie, et le jeu demeure une excellente initiation pour les joueurs autrement intimidés par la complexité introduite par les cinq boutons de la borne. Beaucoup de personnages font doublon et on ne peut pas dire qu’on croule sous les possibilités tactiques, mais on sent bien que ce n’est de toute façon pas la philosophie du jeu : on peut très vite prendre ses marques avec un personnage, d’autant que la plupart des coups sortent très facilement, et s’il faudra un peu de temps avant d’avoir le réflexe d’aller chercher le bouton de blocage plutôt que de se contenter de reculer, le logiciel demeure une très bonne alternative à l’hyper-technicité introduite par une bonne partie des sagas concurrentes.

On a souvent de très bons résultats en répétant en boucle les mêmes coups

La réalisation fait une nouvelle fois le travail, avec des sprites plus gros que jamais et parfaitement digitalisés et une animation lacunaire, certes, mais qui permet de ne pas ralentir inutilement l’action. Si la musique reste assez discrète, on appréciera les nombreux bruitages, cris et autres messages digitalisés. Tant qu’à faire, on savourera également les nombreux détails stupides, comme les personnages glissant une tête hors de certains décors, le petit Dan Forden qui apparaîtra parfois en bas à droit de l’écran pour crier « Toasty ! », ou encore le fait qu’il soit possible de disputer une partie de Pong au bout de 250 parties d’affilée à deux joueurs. En résumé, très peu de surprises, et certainement rien qui puisse convaincre un joueur que le premier Mortal Kombat n’avait pas emballé. Mais pour ceux qui n’espérait rien d’autre qu’un peu plus de la même chose en mieux, alors le contrat est parfaitement rempli – à condition de ne pas choisir de se diriger directement vers les épisodes suivants, qui continueront de développer le contenu. Autant dire rien de révolutionnaire, mais parfois, ce n’est tout simplement pas ce que les joueurs attendent.

Vidéo – Combat : Liu Kang vs. Sub-Zero :

NOTE FINALE : 16,5/20 Après le succès aussi inattendu que planétaire de Mortal Kombat, Midway aura remis le couvert en vitesse sans prendre aucun risque mais en misant sur ce que la plupart des joueurs attendaient : davantage de la même chose. Mortal Kombat II ne révolutionne en rien la formule instaurée par le premier opus, et se contente d'offrir plus de personnages, plus de coups, plus de décors, plus de fatalités – sans oublier, tant qu'à faire, quelques petits réajustements de gameplay. On n'est peut-être strictement jamais surpris, pas même par le nombre de personnages correspondant à de simples color-swap des mêmes acteurs, mais ça n'empêche absolument pas le jeu d'être au moins aussi plaisant, nerveux et efficace que son prédécesseur, surtout avec une réalisation encore un peu plus convaincante. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

CE QUI A MAL VIEILLI : – Quelques personnages qui sentent le recyclage d'assets – Une difficulté très frustrante en solo... – ...qui risque de vous contraindre à abuser sempiternellement des mêmes coups – Impossible de jouer les boss – Peu de réelles nouveautés comparé au premier opus

Version Amiga

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : Décembre 1994
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Disquette 3,5″
Contrôleur : Joystick (joysticks à deux boutons supportés, sauf sur Amiga 1200)
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 500/2000 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS
Deuxième lecteur de disquette supporté
La réalisation fait le travail, mais on aurait bien aimé qu’elle soit optimisée pour l’Amiga 1200

On ne va pas se mentir : après le très bon portage du premier opus réalisé par Probe Entertainment, on avait de quoi se sentir enthousiaste à retrouver l’équipe (entretemps devenue Probe Software) aux commandes de Mortal Kombat II. Pour le coup, même si le titre n’est pas réservé à l’Amiga 1200 et aux modèles AGA (il n’y a d’ailleurs pas de version AGA du jeu, hélas), on sent néanmoins une ambition revue à la hausse. Dans les faits, le portage est repris directement depuis la version Mega Drive du jeu, et a été pensé pour des joysticks à deux boutons, qui restent le meilleur moyen de proposer une jouabilité relativement cohérente (avec un seul bouton, au hasard sur Amiga 1200, le résultat est déjà nettement moins convaincant). En revanche, et pour une raison étrange, le jeu choisit de considérer le port 0 de la machine (celui sur lequel est généralement branché soit la souris, soit le deuxième joystick) comme le port utilisé par le joueur un ; en conséquence, ceux qui joueront dans une configuration « standard » (c’est à dire avec le joystick branché dans le port 1) se retrouveront donc à contrôler le joueur deux, à droite de l’écran.

La difficulté est hélas atrocement déséquilibrée – encore pire que sur la borne…

Comme sur la borne, les sprites ont gagné en taille, les bruitages sont pêchus, et même si on avait de quoi regretter de ne pas bénéficier de graphismes en 256 couleurs en 1994, la réalisation d’ensemble demeure relativement solide. En revanche, le fait d’avoir fait tenir le jeu sur trois disquettes impose des temps de chargement interminables, d’autant plus qu’aucune méthode n’a été prévue pour installer le jeu sur un disque dur – à tel point que ce seront les pirates qui auront proposé des programmes permettant de le faire ! On notera aussi de nombreux problèmes de plantage, parfois dès le début du premier combat. Si on trouve toujours le menu des options pour nous laisser choisir de la difficulté parmi cinq modes, tout en nous laissant disposer de jusqu’à trente crédits (!), les combats sont devenus si difficiles qu’à moins de maîtriser à la perfection tous les coups spéciaux, on peut facilement se faire étaler dès le premier combat, même en mode très facile. Dans l’ensemble, on ne peut pas dire qu’on retrouve la satisfaction qu’on éprouvait en s’essayant à Mortal Kombat premier du nom : entre la lenteur générale et l’aspect extraordinairement frustrant du mode solo, on a souvent l’impression d’avoir perdu en confort de jeu plutôt que d’avoir gagné en contenu, et si les versions pirates du jeu permettent de contourner une partie des problèmes, le résultat final demeure globalement décevant pour avoir pêché par excès. Bref, à tout prendre, non seulement ce n’est pas le meilleur portage du jeu, mais ce n’est peut-être même pas la meilleure version à découvrir sur Amiga.

…et, dans l’ensemble, attendez-vous à vous faire étaler régulièrement

NOTE FINALE : 12,5/20

On avait de grands espoirs pour ce Mortal Kombat II sur Amiga, mais dans l’ensemble ils auront tous été plus ou moins déçus. Entre des temps de chargement interminables, une version pas pensée pour être installée sur un disque dur, l’absence de gestion de l’AGA, une difficulté frustrante et quantité de problèmes techniques, les lourdeurs s’accumulent jusqu’à rendre ce portage plus contraignant que réellement ludique. À tout prendre, vous vous amuserez sans doute davantage sur le premier épisode, surtout en solo.

Version Game Boy

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : Septembre 1994 (Europe, États-Unis) – 11 novembre 1994 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Game Link)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version américaine
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
C’est jouable, et ça change tout

Aux antipodes de la version Amiga, Mortal Kombat sur Game Boy, lui, n’avait clairement pas laissé un grand souvenir, notamment à cause d’une jouabilité calamiteuse. Au moment de lancer cette nouvelle itération, on s’attend à d’inévitables coupes, et à ce niveau-là au moins on ne sera pas déçu : vous pouvez d’ores et déjà oublier Kung Lao, Johnny Cage, Baraka, Raiden, Kintaro et même le personnage caché Noob Saibot. Sachant qu’il n’y a plus que deux décors et que le sang a été censuré (mais pas les fatalités, curieusement, même si plusieurs d’entre elles ont été modifiées), autant dire qu’on ne s’attend pas exactement à découvrir la même expérience que sur la borne d’arcade au moment de lancer le jeu. Soyons honnêtes, cependant : le peu qui est présent tend à fonctionner infiniment mieux que dans le portage du premier épisode. Les coups sortent enfin au moment où on le leur demande, la difficulté n’est pas aussi délirante que sur Amiga, et il est enfin possible d’espérer s’amuser avec cette version – ce qui était l’objectif, je le rappelle. La réalisation a le bon goût d’être lisible, les thèmes musicaux ne cassent pas les tympans, et si la moitié du contenu du jeu n’était pas passé à la trappe, on pourrait même facilement considérer tenir ici un des meilleurs jeux de combat d’une console déjà surprenante en la matière. Au moins, ici, pas de question à se poser : si vous voulez découvrir la saga sur Game Boy, commencez clairement par cet épisode.

NOTE FINALE : 12/20

Une jouabilité efficace peut changer beaucoup de choses, et ce Mortal Kombat II sur Game Boy tend à réussir exactement là où son prédécesseur avait lamentablement échoué. En fait, si autant de contenu n’avait pas été sacrifié (six personnages en moins !), on tiendrait même une alternative portable très correcte aux versions de salon. En l’état, cela reste un titre dont on risque de faire trop vite le tour, mais en tant que pur jeu de combat sur Game Boy, cela reste largement à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre.

Version Game Gear

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : 9 Septembre 1994 (International)
Nombre de joueurs : 1 à 2 (avec deux consoles reliées par un câble Gear-to-Gear)
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version internationale
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
Graphiquement, ça va, mais alors pour le reste…

Fin 1994, ni la Game Gear ni la Master System ne représentaient des marchés majeurs, pas même en occident où les deux consoles avaient plutôt obtenu de meilleurs résultats qu’au Japon. On ne sera donc qu’à moitié surpris de réaliser que Probe Software aura choisi, pour ces deux versions… de partir directement de l’opus Game Boy, en opérant au passage exactement les mêmes coupes, au détail près que le sang et Kintaro sont cette fois présents, et qu’une arène exclusive a fait son apparition pour y affronter Jade ou Smoke. Du côté de la réalisation, la portable de SEGA s’en tire en tous cas bien : on a beau se sentir à l’étroit, les digitalisations sont aussi imposantes que reconnaissables, et si le framerate est une nouvelle fois très bas, on reste face à quelque chose de plus satisfaisant que sur Game Boy. Hélas, du côté de la jouabilité, les choses sont nettement moins enthousiasmantes : les coups sortent une fois sur deux, et s’il arrive que les temps de réponse soient bons, il est également très fréquent qu’on ait affaire à des input lags d’une demi-seconde qui interdisent de rivaliser avec des adversaires qui enchainent les coups spéciaux sans aucune difficulté. Ce n’est pas aussi catastrophique que dans le portage du premier jeu, mais ça reste largement assez énervant pour pénaliser une expérience qui n’en avait vraiment pas besoin. À tout prendre, si vous souhaitez découvrir la saga, le mieux est sans doute de faire l’impasse sur la Game Gear.

NOTE FINALE : 09,5/20

D’accord, Mortal Kombat II sur Game Gear fait mieux que le premier opus sur la même machine – mais il était objectivement difficile de faire pire. La jouabilité doit une nouvelle fois composer avec des input lags rédhibitoires, et s’il arrive qu’on puisse jouer dans de bonnes conditions pendant quelques dizaines de secondes, cela reste hélas une exception plutôt que la règle. En y ajoutant la quasi-totalité des coupes opérées dans la version Game Boy, cela commence à faire beaucoup. À éviter.

Version Master System

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : Novembre 1994 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 4Mb
C’est vrai que ça aurait été dommage de jouer sans une énorme bande noire en bas de l’écran…

On imagine bien que Probe Software n’avait pas l’envie de développer une version de Mortal Kombat II spécifiquement pour une Master System en absolue fin de vie en occident (hors Brésil, mais c’est un cas particulier). On se retrouve donc avec un portage pixel perfect de la version Game Gear, au détail près que la vue bénéficie d’une fenêtre plus grande lors des combats (et uniquement lors des combats) et qu’il n’est plus possible de bloquer puisque la manette de la console est dépourvue de bouton Start (apparemment, personne n’a jugé utile d’ajouter la possibilité de bloquer en reculant, ce qui en dit assez long sur l’attention dont a bénéficié cette version). Hélas, la jouabilité déjà limite sur Game Gear est devenue encore plus poussive ici, et les coups spéciaux sortent grosso modo une fois sur quatre. Sachant que le contenu est toujours aussi limité, inutile de préciser qu’on ne voit pas très bien qui pourrait avoie envie de s’essayer à ce portage aujourd’hui. Hop, poubelle.

NOTE FINALE : 08,5/20

Portage minimal de la version Game Gear, Mortal Kombat II sur Master System trouve néanmoins le moyen d’être encore moins fluide et encore moins jouable que sur la console portable. Sachant que toutes les coupes opérées dans la version de salon sont en plus toujours à l’ordre du jour, le mieux est sans doute de fuir cette version comme la peste.

Version Mega Drive

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : 9 septembre 1994 (International)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette (trois ou six boutons)
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 24Mb
C’est gros, c’est fluide, ça bouge bien : l’essentiel

Au moment pour Mortal Kombat II de débarquer sur Mega Drive, on avait déjà quelques raisons de se montrer un peu plus optimiste sur une machine relativement bien taillée pour retranscrire l’ambiance de la borne d’arcade – sans s’embarrasser de questions de censure. De fait, on sent immédiatement un portage qui aura servi de modèle pour la version Amiga, mais sans les mêmes contraintes : pas de temps de chargement sur une cartouche, pas de plantage, une jouabilité qui s’adapte très bien du pas à trois boutons – et tant qu’à faire, ceux en ayant six sont également reconnus. La réalisation est solide : les sprites, sans être aussi grands que sur arcade, sont néanmoins plus imposants que dans le portage du premier jeu, les décors sont plus détaillés, les voix digitalisées sont claires et bien rendues – en revanche, elles sont peu nombreuses, et les thèmes musicaux sont très décevants. La difficulté reste assez élevée dès le premier mode de difficulté, mais sans être aussi infecte que sur Amiga, et surtout tout le contenu est là, de la moindre arène au plus petit personnage caché. Bref, si on pourrait toujours pinailler quant à décider de ce que la machine était capable de faire mieux (particulièrement sur le plan sonore), on a néanmoins affaire à un portage solide qui accomplit exactement ce qu’on attendait de lui, et ce n’est déjà vraiment pas mal.

NOTE FINALE : 15,5/20

On pourra toujours gloser sur ce que Mortal Kombat II aurait pu faire de mieux sur Mega Drive, le fait est que ce portage ne coupe rien, est fluide, bien réalisé et parfaitement jouable – ce qui remplit à n’en pas douter le cahier des charges de ce qu’on pouvait attendre. Le titre aura beau être mieux réalisé sur arcade ou sur les machines 32 bits, vous ne devriez pas vous sentir roulé dans la farine en le découvrant sur la 16 bits de SEGA. Dommage que la partie sonore soit aussi décevante.

Version PC (DOS)

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : Mars 1995
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, Gravis Gamepad, joystick (joysticks à six boutons supportés)
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 80386 DX – OS : PC/MS-DOS 5.0 – RAM : 4Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 1X (150ko/s)
Mode graphique supporté : VGA
Cartes sonores supportées : Gravis UltraSound/ACE, haut-parleur interne, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster/Pro/16/AWE32
Incompatible avec les processeurs Blue Ligthning
Quand il faut commencer à mettre une capture d’écran à côté de celle de la version arcade pour voir la différence, c’est plutôt bon signe…

En 1994, la question n’était plus tellement de savoir si un PC pouvait faire tourner l’équivalent d’une borne d’arcade, mais surtout de savoir avec quelle configuration. Une nouvelle fois, la version DOS du jeu ne s’incline pas de beaucoup face à la borne d’arcade, grâce à une réalisation réussie mais juste un peu moins fine, à une animation irréprochable, à une réalisation sonore à la hauteur et à une jouabilité tirant parti des joysticks à quatre voire six boutons (mais sinon, au clavier, ça marche également très bien). Le vrai regret est de devoir systématiquement repasser par un menu de configuration accessible via la touche F10 à chaque partie pour sélectionner la carte sonore et reconfigurer les touches (un programme externe aurait été tout aussi pratique), mais à ce détail près, difficile d’accabler un portage qui n’est vraiment pas loin de rivaliser avec la borne dont il est tiré. La principale difficulté tournera d’ailleurs à votre capacité à faire émuler un joystick à quatre ou six boutons à DOSBox, mais pour le reste, difficile d’en demander beaucoup plus.

…et d’ailleurs, je vous laisse le faire par vous-même (arcade à gauche, version PC à droite)

NOTE FINALE : 16,5/20

La version PC de Mortal Kombat II commence vraiment à s’approcher de l’arcade, et si on pourra toujours pinailler à quelques couleurs ou pixels près, le fait est qu’elle a également le bon goût d’être parfaitement jouable – et plus configurable qu’une borne invariablement réglée sur « frustrante ». À tout prendre, cela reste une alternative extrêmement solide.

Version Super Nintendo

Développeur : Sculptured Software, Inc.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : 9 septembre 1994 (International)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette
Version testée : Version 1.1 européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 24Mb
Ce n’est peut-être pas la borne, mais ça n’en est pas si loin

L’argent est parfois plus fort que la morale ; Nintendo avait toujours été particulièrement fier de sa politique familiale, qui l’encourageait grosso modo à censurer absolument tout ce qui avait une chance de déranger qui que que ce soit sur terre, et tout le monde était heureux dans le meilleur des mondes. C’était du moins vrai jusqu’à la sortie de Mortal Kombat premier du nom sur les consoles 16 bits : la firme au plombier moustachu avait alors été quelque peu désappointée de constater que la version Super Nintendo du jeu s’était quatre fois moins vendue que celle de sa rivale de chez SEGA, pourtant plutôt inférieure sur le plan technique, à cause de quelques malheureuses gouttes de sang.

La résolution un peu basse reste, comme souvent, le principal reproche à faire à la réalisation

Pour Mortal Kombat II, cette fois, la censure aura été réservée à la version japonaise, qui aura dû se contenter de sang vert, et tout le reste est bien à sa place avec tripes et boyaux. Comme pour le portage du premier jeu, c’est Sculptured Software qu’on retrouve à la baguette au lieu de Probe, et le moins qu’on puisse dire est que le studio américain s’en est très bien tiré : cette fois, cette version peut clairement se revendiquer au-dessus du portage sur Mega Drive : les graphismes sont meilleurs, les décors sont bien plus colorés, les sprites sont au moins aussi grands que chez la rivale, et le tout bouge très bien. Côté sonore, les digitalisations sont propres, et pour ce qui est de la jouabilité, la garde placée sur les boutons de tranche est certainement la disposition la plus naturelle qui soit – plus encore que sur la borne. Bref, on toucherait presque au sans-faute, s’il ne fallait pas composer avec une bande noire assez envahissante en bas de l’écran, et surtout avec la disparition du menu des options – cette fois, il faudra composer avec une seule difficulté et basta, mais celle-ci est heureusement abordable, au moins lors des premiers combats. On notera néanmoins la présence d’un mode « endurance » sous forme de bonus caché.

Sculptured Software renversant Probe, allégorie

NOTE FINALE : 16/20

Très bonne surprise que ce Mortal Kombat II sur Super Nintendo : jouable, bien réalisé et pour une fois pas censuré, le titre tient sans peine la dragée haute à la version rivale sur Mega Drive. Dommage que le menu des options n’ait pas fait son apparition dans cette version, en revanche.

Version 32X

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : Mars 1995 (Europe, États-Unis) – 19 mai 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Manette (trois ou six boutons)
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 32Mb
C’est joli, mais… la 32X n’est pas censée pouvoir afficher plus de 32000 couleurs ?

Signe des temps, pour son deuxième opus, la saga Mortal Kombat aura cette fois fait l’impasse sur le Mega-CD, pour lui préférer la nouvelle extension de la Mega Drive : la 32X. Tout le monde connait aujourd’hui le funeste sort d’une machine qui aura sans doute fait plus de mal que de bien à SEGA, mais il faut reconnaître que pour ce qui était d’offrir une version de Mortal Kombat II plus proche de la borne d’arcade, elle avait a priori tous les arguments. Une fois en jeu, on sent bien un certain nombre d’améliorations, mais on ne peut pas s’empêcher d’être déçu : oh, certes, c’est un peu plus coloré, le jeu bouge mieux, les digitalisations sonores sont plus nombreuses… mais bon, sang, il faut pratiquement placer le jeu à côté de l’itération Mega Drive pour espérer voir la différence, et on ne peut pas dire qu’on soit soufflé par ce qu’on voit. Alors que la console avait techniquement les moyens de rivaliser avec la borne, ou a minima avec la version PC, les graphismes ne sont même pas du niveau de ceux de la version Super Nintendo ! Et pour cause : si la 32X gère les personnages (d’ailleurs assez bien, en dépit du fait qu’ils auraient pu être plus gros), le décor, lui, est toujours géré par la Mega Drive… Sur le plan sonore, les choses se passent déjà un peu mieux, avec le retour de nombreuses voix et une qualité globale très supérieure. Malheureusement, la musique, pour sa part, n’a pas changé d’un iota depuis la version Mega Drive. Pour voir le verre à moitié plein, toutes les qualités déjà aperçues sur Mega Drive sont toujours là, ce qui fait qu’on ne peut pas considérer ce portage comme étant « mauvais » d’un point de vue strictement ludique, mais on ne pourra s’empêcher de penser que Probe Software et Acclaim ne croyaient pas plus à la coûteuse extension que l’ensemble des acteurs du marché, et qu’ils étaient surtout pressés de bâcler une version le plus vite possible. Tant pis.

Pourquoi cet effet de mosaïque partout alors que la machine pouvait facilement afficher les dégradés?

NOTE FINALE : 16/20

Mortal Kombat II sur 32X a beau être un peu mieux réalisé que sur Mega Drive, on ne peut s’empêcher de constater que ce portage ne tire que très médiocrement parti des capacités d’une console qui aurait, techniquement, été capable de proposer pratiquement la même chose que la borne d’arcade – seule la partie sonore a bénéficié d’améliorations notables. C’est joli et ça bouge bien, mais ça reste très en-dessous des capacités de la machine – et même en-dessous de ce que proposait la Super Nintendo. Du travail bâclé qui ne respire pas le respect pour ses acheteurs. Au moins cette version a-t-elle a son crédit le fait de rester une des plus jouables.

Version PlayStation

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : 2 août 1996 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleur : Manette
Version testée : Version japonaise
Spécificités techniques :
Ça aurait pu être encore meilleur, mais ça fait largement le café

Curiosité : Mortal Kombat II sera bel et bien sorti sur PlayStation… mais uniquement au Japon, bien que le titre soit toujours porté par Probe Software, et toujours en anglais. L’explication rationnelle est sans doute liée à sa date de sortie : difficile de dire pourquoi Acclaim aura attendu août 1996 pour porter le jeu sur la console de Sony, mais à une époque où le reste de la planète jouait déjà à Mortal Kombat 3, voire à Ultimate Mortal Kombat 3, depuis près d’un an, et qui attendaient sans doute de jouer à Mortal Kombat Trilogy, on peut comprendre que ce deuxième épisode ait préféré faire l’impasse sur une sortie mondiale. La console de Sony avait beau être moins bien armée que la Saturn dans le domaine de la pure 2D, on pouvait néanmoins espérer qu’elle rende justice à une borne qui n’était pas spécifiquement gourmande en RAM. Dans les faits, elle y parvient assez largement, à quelques petits détails près : les sprites sont moins fins (on touche ici aux limites de la résolution employée par la machine), la musique ne tire strictement aucun parti du support CD (il n’y a pour ainsi dire que 30 mégas de données sur la galette), et surtout, il faudra composer avec des temps de chargement en plein combat lorsque Shang Tsung se métamorphose ! On remarquera également que certaines voix ont disparu. En revanche, le fait de disposer une nouvelle fois d’un menu des options assez complet (même si l’équilibrage « à la Probe Software » est toujours plutôt raté) et d’une jouabilité qui présente les mêmes avantages que sur Super Nintendo font assurément de cette version une alternative valable malgré tout.

On s’amuse autant que sur la borne, et c’est l’essentiel

NOTE FINALE : 16,5/20

Sans être à proprement parler irréprochable, le portage de Mortal Kombat II sur PlayStation a le mérite de proposer une conversion relativement fidèle de l’expérience proposée par la borne en y ajoutant des options de configuration bienvenues. Dommage que la réalisation connaisse quelques petits ratés du côté sonore, et surtout qu’il faille parfois composer avec des temps de chargement en plein combat.

Version Saturn

Développeur : Probe Software Ltd.
Éditeur : Acclaim Entertainment, Inc.
Date de sortie : 23 janvier 1996 (États-Unis) – 29 mars 1996 (Japon) – 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleur : Manette
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques :
Encore une fois, c’est bien, mais ça aurait pu être encore mieux

On prend les mêmes et on recommence ! Probe Software est toujours aux commandes, et cette fois, année 1996 ou pas, Mortal Kombat II aura bel et bien connu sur Saturn une distribution mondiale – peut-être pour préparer la sortie d’Ultimate Mortal Kombat 3 sur la même plateforme trois mois plus tard, mais je renonce officiellement à chercher à comprendre les décisions du marketing d’Acclaim. Cette fois, on tiens a priori une machine taillée sur mesure pour offrir exactement tout ce que permettait la borne… bon, sauf peut-être pour ce qui est des personnages qui employaient une résolution un peu plus élevée que ce avec quoi la console était à l’aise. Sans surprise, ce portage a été réalisé exactement dans le même moule que celui de la version PlayStation, avec des résultats assez proches, mais on observera cette fois quelques petites nuances : les temps de chargement en plein milieu du combat contre Shang Tsung sont nettement plus discrets, cette fois, mais on remarquera en contrepartie un très léger lag à chaque fois qu’un coup spécial est employé pour la première fois lors d’un combat, le temps qu’il soit chargé en mémoire. Une nouvelle fois, la musique ne tire absolument aucun parti du support (cette version pèse également 30Mo), et la quasi-totalité des voix et des bruitages sont là. On ne me fera jamais croire que la Saturn ne pouvait pas proposer une conversion parfaite de l’arcade, mais la réalisation comme la jouabilité demeure suffisamment satisfaisantes pour qu’on n’ait pas non plus de raison de hurler au scandale.

Ça reste moins fin que sur la borne, ce qui est un peu agaçant

NOTE FINALE : 16,5/20

À l’échelle d’une console où les jeux de combat étaient roi, Mortal Kombat II n’est sans doute pas ce que la Saturn a pu offrir de plus impressionnant – cela demeure néanmoins un des meilleurs portages du jeu, et un qui ne devrait pas trop vous faire regretter de ne pas avoir la borne d’arcade à la maison.

Baku Baku Animal

Cette image provient du site https://flyers.arcade-museum.com

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Titre original : ばくばくアニマル 世界飼育係選手権 (graphie japonaise)
Titres alternatifs : Baku Baku Animal : Sekai Shiikugakari Senshuken (écran-titre, arcade), Baku Baku (version occidentale), Baku Baku Animal : World Zookeeper Contest (écran-titre, version occidentale)
Testé sur : ArcadeSaturnGame GearPC (Windows 95)Master System

Version Arcade

Date de sortie : Avril 1995 (Japon)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Non
Support : Borne
Contrôleurs : Un joystick (quatre directions) et deux boutons
Version testée : Version japonaise
Hardware : SEGA Titan Video Game System (ST-V)
Processeurs :Hitachi SH-2 28,636362MHz (x2) ; Motorola MC68000 11,2896MHz ; SEGA SCUDSP 14,318181MHz ; Zilog Z80 8MHz
Son : Haut-parleur (x2) ; Yamaha YMF292-F SCSP 22,5792MHz ; 2 canaux
Vidéo : 352 x 224 (H) 59,764802Hz

Vidéo – L’écran-titre du jeu :

Par une cruelle ironie qui définit souvent les tournants de l’histoire, la cinquième génération de consoles aura largement usé, pour assurer sa première phase de promotion, des salles d’arcade qu’elle allait largement contribuer à vider par la suite. Alors que Nintendo entendait présenter, via des titres comme Cruis’n USA ou Killer Instinct, sa future Nintendo 64… qui emploierait au final un hardware totalement différent, Sony avait trouvé un allié de poids sous la forme de Namco, qui avaient été si impressionnés par les capacité de la PlayStation qu’ils avaient décidé de développer l’essentiel de leurs futurs hit d’arcade sur l’architecture de la console.

Le seul choix en solo se limite au mode de difficulté (et c’est extrêmement dur dès le mode moyen, naturellement)

Et du côté de chez SEGA, figure ô combien marquante de l’arcade quasiment depuis ses débuts, ce seront également les salles de jeux qui auront servi à préparer le terrain pour la Saturn, via le pompeusement nommé SEGA Titan Video Game System (souvent raccourci en ST-V). En quoi consistait donc cette machine révolutionnaire ? Eh bien, tout simplement, en le hardware de la future console à l’identique – à l’exception notable du lecteur CD-ROM, remplacé par des roms plus adaptées aux bornes d’arcade. Et pour vanter la technologie de ce système de pointe, quoi de mieux que des monstres de puissance comme, heu… Baku Baku Animal ? Sérieusement ?

Baku Baku Animal : du puzzle game comme on l’aime ?

Vous l’aurez compris, SEGA ne misait pas que sur la 3D décomplexée pour vendre sa future machine (rétrospectivement une erreur face à un marché occidental qui n’aura juré que par elle). Pour la promouvoir, il n’y aura pas eu que des titres impressionnants destinés à en envoyer plein les yeux, il y aura également eu les inévitables puzzle games – parce que bon, toucher tous les types de public, c’est au moins aussi important.

L’histoire se dévoilera via des dialogues intégralement en japonais, hélas

Baku Baku Animal, d’ailleurs jamais sorti du Japon sous forme de borne d’arcade, s’inscrit à ce titre directement dans les traces d’une des licences majeures du genre : l’increvable Puyo Puyo (dont vous pourrez découvrir les mécanismes via le test de Dr. Robotnik and his Mean Bean Machine). Le scénario, totalement sans intérêt, vous place dans la peau d’un(e) aspirant(e) au poste de gardien du zoo royal, chargé(e) de gérer la ménagerie d’une princesse capricieuse, sorte de Paris Hilton avant l’heure. Comme Puyo Puyo, le titre de SEGA repose, par essence, sur le duel : aucun mode de jeu ne vous laisse « seul » ; vous aurez toujours un adversaire face à vous, fut-il contrôlé par l’I.A. ou par un autre joueur. Le but, comme toujours, sera d’inonder l’écran adverse tout en vous assurant que la même mésaventure ne vous arrive pas, faute de quoi vous en serez quitte pour remettre une pièce dans la borne. L’unique mode de jeu solo vous demandera donc de venir à bout de neuf opposants avant d’hériter du titre tant convoité (un mode « débutant » vous laissant, pour sa part, vous faire les dents sur trois adversaires plus aisés).

Je t’ai eue !

Comme on peut l’imaginer, le système de jeu n’est pas, pour sa part, un simple calque de Puyo Puyo – la saga de Compile étant de toute façon appelée à avoir son propre représentant sur ST-V l’année suivante, SEGA n’allait pas s’amuser à cloner bêtement un titre à succès, quand bien même celui-ci tirait déjà largement son inspiration d’un certain Columns.

Le conseiller royal viendra vous donner vos statistiques après un niveau gagné

En fait, ici, vous pourrez bien empiler indéfiniment les quatre types de tuiles que comprend le jeu, et qui correspondent à des aliments, sans qu’il ne se produise jamais rien. La clé viendra en fait des animaux que vous pourrez placer à leur contact : qu’une tuile de lapin se retrouve à côté d’un ensemble de tuiles de carottes, et la bête affamée se réveillera aussitôt pour dévorer toute la pitance à sa portée – un peu ) la façon dont le Pac-Man de Pac-Panic se jetait sur les fantômes. La vraie nuance (de taille) étant qu’il est ici possible de réaliser des combos en profitant de la chute et du réajustement des tuiles consécutifs à la disparition de celles qui viennent de se faire dévorer, et qu’on a donc toutes les bases pour pouvoir balancer des masses de cochonneries au deuxième joueur, comme cela à toujours été la grande force du genre – enfin, au moins depuis Puyo Puyo, en tous cas.

Attendez-vous à en baver

Le principe est facilement assimilable, et il est à peu près aussi efficace que celui de son modèle. La seule différence notable à mes yeux restant que là où les « pierres » produites par les enchainements de Puyo Puyo imposaient de réaliser des combos à proximité pour s’en débarrasser, représentant de ce fait la nuisance qu’elles étaient censées incarner, Baku Baku Animal envoie pour sa part des tuiles « normales »… qui peuvent donc se transformer immédiatement en munitions à destination de l’envoyeur.

C’est le moment de donner le coup de grâce !

On peut donc dans certaines circonstances « aider » son ennemi en lui envoyant des tuiles, ce qui n’est pas trop censé être l’intérêt de la manœuvre, mais à cette nuance près, le système de jeu est difficilement attaquable et on ne met pas longtemps à s’amuser et à établir des stratégies spécifiques. La réalisation, qui abuse d’une 3D sans âme qui peinera aujourd’hui à impressionner quiconque, a au moins le mérite d’être très colorée, et bien évidemment il ne sera pas question ici d’assister au plus petit ralentissement. Signalons également que bien que le jeu soit intégralement en japonais, cela ne devrait pas pénaliser le joueur occidental outre mesure, les différents modes de jeu n’étant pas difficile à identifier, et la compréhension de « l’histoire » (notez les guillemets) étant tout sauf indispensable.

Certaines des vieilles techniques fonctionnent toujours, d’autres nécessiteront quelques adaptations

En fait et comme de plus en plus souvent à cette période, le principal défaut de Baku Baku Animal reste… son statut de borne d’arcade. Pensé pour des parties de cinq minutes destinées à faire cracher à un joueur sa monnaie durement arrachée à ses parents, le titre se limite à l’essentiel en termes de contenu : un mode solo, un mode deux joueurs et basta.

Tu vas y passer comme les autres, mon vieux

Et, tant qu’à faire, la difficulté est bien évidemment redoutable ici (la vitesse, en particulier, ne tarde pas à grimper), ce qui fait que même les joueurs rodés au genre pourront s’attendre à connaître des difficultés dès le deuxième stage. Autant dire qu’on touche là à l’un des jeux qu’on aura tout à gagner à découvrir dans une de ses versions domestiques – et plus particulièrement dans sa version Saturn, qui tourne sur le même hardware, mais en ayant le bon goût d’offrir plus d’options. L’ère de l’arcade toute-puissante était en train de tourner, en 1995 – obligeant les fabricants à imaginer des machines de plus en plus fantasques et de plus en plus coûteuses – mais ceci est une autre histoire. Pour les amateurs de puzzle games, Baku Baku Animal demeure un candidat très solide et plaisant à découvrir, mais pour les néophytes comme pour la grande majorité des joueurs occidentaux, le mieux restera sans doute de le découvrir sur Saturn. Ce qu’on appelle une opération de promotion bien menée.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 16,5/20 À mi chemin entre Puyo Puyo et Pac-Panic, Baku Baku Animal n'était sans doute pas le meilleur titre pour étaler la puissance du ST-V et à travers lui de la Saturn, mais il reste un puzzle game efficace auquel on ne pourra reprocher que l'absence de la moindre prise de risque. Certes, le casting du jeu manque du plus élémentaire charisme, le scénario ne passionnera sans doute pas davantage ceux qui parlent japonais que les autres, et on aurait apprécié une sélection de modes de jeu un peu plus ambitieuse que les éternelles enfilades de duels en solo et limité à deux joueurs en multi, mais à tout prendre, le concept est aussi efficace que ceux dont il s'inspire. Sans doute pas le logiciel le plus marquant en la matière, mais si vous commencez à souper de vos parties de Dr. Robotnik and his Mean Bean Machine et que vous cherchez une alternative solide, aucune raison de bouder celle-ci.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Mode solo vraiment difficile – Des modes de jeu qui se réduisent à l'essentiel – Un casting sans âme à la 3D faiblarde

Version Saturn
Baku Baku

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 10 novembre 1995 (Japon) – Mai 1996 (Europe) – 19 juin 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Système de sauvegarde par mémoire interne ou cartouche de sauvegarde

Vidéo – L’introduction du jeu :

Comme cela a déjà été dit, le ST-C et la Saturn partageant pour ainsi dire le même hardware, on n’a a priori pas de grandes inquiétudes à nourrir au moment de lancer ce portage de Baku Baku (le nom pris par le jeu en occident, mais juste sur la boîte. Les mystères de la distribution…). La bonne nouvelle, c’est que le CD-Rom ayant fait le trajet hors du Japon (contrairement à la borne d’arcade), il sera désormais possible de profiter du sublime scénario du jeu en anglais.

C’est fou comme un seul écran peut faire une énorme différence !

Bon, soyons clair : je ne sais même pas si 5% des joueurs s’embarrasseront à profiter des échanges sans intérêt entre les personnages, mais bon, au moins, c’est désormais possible. Pour l’occasion, et histoire de mettre son support en valeur, le logiciel en aura profité pour développer un peu son introduction, la passer en plein-écran (et la traduire, bien sûr, en la sous-titrant pour l’occasion). Graphiquement et sans surprise, les deux versions sont presque identiques, même si on remarquera que le ratio de l’image a légèrement changé, comme le prouve l’apparition de deux bandes en haut et en bas de l’écran (mais après tout, le format natif de la borne n’était pas en 4/3). Très honnêtement, cela n’a aucune incidence sur le rendu, qui ne joue de toute façon qu’un rôle assez symbolique dans un puzzle game.

À deux bandes près, la réalisation est exactement identique à celle de la borne

La vraie question serait surtout de savoir si le contenu, lui, a changé, est la réponse est : oui ! Déjà, tout le contenu de la borne est là, en se voyant adjoindre un « ranking mode » qui demandera d’enchaîner le plus de niveaux possible sans perdre avant de se voir allouer un score en fonction de ses performances et du nombre de combos réalisés. Un peu gadget, mais pour les amateurs de scoring, un bon moyen de revenir à la charge une fois le mode « arcade » terminé. Le mode « arcade », justement, reprend sans surprise tout le contenu de la borne, mode versus inclus, mais avec une addition de taille : un menu des options.

Cette fois, le défi devrait convenir à tout le monde

Et celui-ci ne se moque vraiment pas du monde : cinq niveaux de difficulté (ce qui permettra au passage de constater que la difficulté de la borne correspond au mode « très difficile »…), choix du nombre de couleurs (avec la possibilité d’en ajouter une cinquième), du ratio animal/nourriture, du nombre de rounds… Bref, un vrai moyen de paramétrer son expérience et de contrer le niveau très exigeant de la borne en le remplaçant par une approche plus accessible – ou plus exigeante, pour les joueurs les plus rodés. Sachant que la maniabilité n’a bien évidemment pas souffert du passage au pad, on hérite donc d’une version qui peut se vanter d’être équivalente à la borne d’arcade en termes de réalisation (et même un peu au-dessus, grâce au support CD-ROM), et supérieure en termes de contenu et de confort de jeu ! Au moins, pour une fois, pas question de pinailler : si vous voulez découvrir le jeu, vous pouvez lancer directement votre console de jeu, et sans remords.

NOTE FINALE : 17/20

Adaptation très sérieuse pour Baku Baku sur Saturn, qui profite non seulement d’une réalisation au moins équivalente à celle de la borne mais surtout d’une expérience de jeu entièrement configurable et beaucoup plus accessible qui devrait convenir aux joueurs de tous les niveaux et non uniquement aux fanatiques hyper-rodés aux puzzle games. Conséquence : si jamais vous souhaitez découvrir le jeu dans des conditions optimales, autant commencer directement ici.

Version Game Gear
Baku Baku

Développeur : Minato Giken
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 26 janvier 1996 (Japon) – Juin 1996 (Europe) – 1996 (États-Unis)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Console
Version testée : Version européenne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

En 1996, La Saturn n’était pas la seule console de SEGA à profiter d’un développement actif : la Game Gear était toujours techniquement en vie, en dépit d’une bataille perdue depuis très longtemps contre sa rivale la Game Boy. Baku Baku aura donc eu le droit à son portage, ce qui aura nécessité, on s’en doute, quelques adaptations. Pour commencer, difficile de faire tenir deux grilles à l’écran ; les développeurs auront donc opté pou un compromis intelligent en cantonnant la grille adverse à une vue en bas à droite. Même ainsi, la grille est plus petite dans cette version (6×8 contre 6×10), mais les dégâts ont été correctement circonscrits, et le mode deux joueurs est toujours là. En revanche, oubliez le mode « ranking », et les options se limitent dorénavant à un sound test : plus d’options de difficulté ! Par contre, un système de mot de passe a été ajouté, ce qui fait parfaitement sens sur une machine dont l’autonomie ne dépasse pas trois heures. Oh, et la réalisation est essentiellement fonctionnelle. Bref, une version qui fait l’essentiel mais qui sera à réserver à ceux qui voudront jouer spécifiquement sur leur Game Gear.

Difficile de trouver meilleur compromis pour afficher le jeu sans le changer en bouillie de pixels

NOTE FINALE : 15/20

Baku Baku offre sur Game Gear l’essentiel de ce qu’on était en droit d’attendre, même si la disparition des options de difficulté ne se justifiait pas vraiment. Une version qui faisait sens en 1995 lorsque la Game Gear était la seule façon de transporter le jeu dans sa poche, mais à l’heure actuelle on la réservera à ceux qui veulent spécifiquement jouer à la console portable de SEGA.

Version PC (Windows 95)
Baku Baku

Développeur : SEGA AM3 R&D Division
Éditeur : SEGA Enterprises Ltd.
Date de sortie : 2 août 1996 (Japon) – 5 septembre 1996 (États-Unis) – 1996 (Europe)
Nombre de joueurs : 1 à 2
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : CD-ROM
Contrôleurs : Clavier, joypad, joystick
Version testée : Version CD-ROM émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel Pentium – OS : Windows 95 – RAM : 8Mo – Vitesse lecteur CD-ROM : 2X (300ko/s)
Minimum graphique requis : Résolution : 640×480, 256 couleurs
Ça fait rêver, hein ?

Dans la deuxième partie des années 90, SEGA aura réellement commencé à s’intéresser au marché du PC, avec des résultats contrastés. Avec Baku Baku, on touche plutôt au rang des conversions ratées : certes, on retrouve dans l’absolu la totalité du contenu de la version Saturn (moins l’introduction, curieusement, en dépit du support CD-ROM), ce qui est a priori l’essentiel. En revanche, cantonner le jeu à une fenêtre en 320×240 sans aucune possibilité de l’agrandir ou de jouer en plein-écran, ça fait quand même un peu cheap, surtout sur un système d’exploitation dont la résolution minimale est le 640×480 ! Pour ne rien arranger, il est impossible de configurer les touches en dehors d’un choix entre les lettres et les touches fléchées, et naturellement parvenir à faire fonctionner un joystick dépendra avant toute chose de votre capacité à configurer une machine virtuelle, le titre ne tournant bien évidemment pas sous Windows 10. Autant dire qu’à l’heure où il est de toute façon au moins aussi simple de faire tourner n’importe quelle autre version, on ne pourra que vous encourager à vous diriger directement vers la version Saturn.

NOTE FINALE : 15,5/20

On ne va pas se mentir : cantonné à une fenêtre de jeu en 320×240 intégrée directement à l’interface de Windows avec des options de configuration des touches réduites au strict minimum, Baku Baku perd beaucoup de son charme – et encore, à condition de parvenir à le faire fonctionner sur un système moderne. Si le titre demeure aussi intéressant sous cette forme, le plus simple est encore d’opter directement pour la version Saturn.

Version Master System
Baku Baku

Développeur : Minato Giken
Éditeur : Tec Toy Indústria de Brinquedos S.A.
Date de sortie : Octobre 1998 (Brésil)
Nombre de joueurs : 1
Disponible en français : Non
Disponible en anglais : Oui
Support : Cartouche
Contrôleur : Joypad
Version testée : Version brésilienne
Spécificités techniques : Cartouche de 2Mb
Système de sauvegarde par mot de passe

Vidéo – L’introduction du jeu :

Un jeu sur Master System ? En 1998 ? Les connaisseurs auront déjà compris qu’il ne peut s’agir que d’une version brésilienne, la machine de SEGA ayant connu une seconde jeunesse au Brésil grâce à la distribution assurée par la compagnie Tec Toy. Par contre, on s’en doute, distribuer des jeux et les développer sont des activités très différentes, on ne sera donc pas surpris de découvrir sur Master System un portage de Baku Baku qui n’est rien d’autre qu’une transcription quasiment pixel perfect de la version Game Gear. La fenêtre de jeu n’a même pas été agrandie ! Et pour compléter le tableau, il n’y a même plus de mode deux joueurs non plus (évidemment, cela aurait demandé de redimensionner la fenêtre de jeu, trop de boulot…) ! Bref, autant dire que c’est vraiment la version sans intérêt à réserver à ceux qui veulent une version expurgée qui n’utilise que la moitié de leur écran. À oublier.

Le portage sur Master System pour les pires que nul

NOTE FINALE : 13/20

Baku Baku sur Master System n’est pas subitement devenu un mauvais jeu, mais on tient là un des portages les plus fainéants de toute l’histoire du genre, avec une transposition au pixel près de la version Game Gear amputé de son mode deux joueurs ! Autant dire que vous aurez tout à gagner à ignorer cette version dès l’instant où vous avez accès à n’importe quelle autre.

Nova 9 : The Return of Gir Draxon

Cette image provient du site https://www.mobygames.com/

Développeur : Dynamix, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Testé sur : PC (DOS)Amiga

La série Stellar 7 (jusqu’à 2000) :

  1. Stellar 7 (1983)
  2. Stellar 7 (1990)
  3. Nova 9 : The Return of Gir Draxon (1991)
  4. Stellar 7 : Draxon’s Revenge (1993)
  5. Stellar-Fire (1993)

Version PC (DOS)

Date de sortie : Décembre 1991
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Supports : Disquette 5,25″ et 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette émulée sous DOSBox
Configuration minimale : Processeur : Intel 8088/8086 – OS : PC/MS-DOS 3.0 – RAM : 640ko*
Modes graphiques supportés : EGA, Tandy/PCjr, VGA
Cartes sonores supportées : AdLib, haut-parleur interne, Pro Audio Spectrum, Roland MT-32/LAPC-I, Sound Blaster, Tandy/PCjr, Tandy DAC (TL/SL), Thunderboard
*768ko requis pour le mode Tandy/PCjr

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

L’histoire ne dit pas jusqu’à quel point Damon Slye aura été fier de son Stellar 7 – qui s’était révélé, il est vrai, un véritable accomplissement technique sur Apple II, mais finalement un parmi d’autres dans une carrière assez riche en la matière. S’il croyait encore visiblement assez en ce qui fut son premier jeu pour lui offrir un remake en 1990, sa carrière à ce stade se dirigea exclusivement vers les simulations de vol, avant de trouver un terme (ou tout du moins une très longue pause) à peine quatre ans plus tard, après la sortie d’Aces Over Europe. Bref, on pouvait penser que Stellar 7 resterait à jamais un épisode unique et qu’on n’entendrait plus jamais parler de l’invasion avortée menée par le vil Gir Draxon.

Un robot nommé Sparky viendra vous tenir au courant des modifications apportées à votre tank

On avait tort.

De fait, il y avait au moins une équipe au monde qui croyait visiblement au potentiel d’une saga Stellar 7 : celle de Dynamix, qu’il avait cofondée, et qui aura entrepris de donner plusieurs suites à l’épisode de Damon Slye, quand bien même celui-ci n’était déjà plus décidé à participer à l’aventure (il n’est en tous cas plus crédité par la suite). C’est ainsi qu’on aura pu voir débarquer dès 1991 un logiciel qui aurait pu s’appeler Stellar 8 mais qui aura préféré Nova 9 : The Return of Gir Draxon.

Il va être temps de retourner au charbon, quitte à faire marcher sa matière grise

L’essentiel de l’intrigue tient déjà dans le titre, et est parfaitement résumé par une introduction très ambitieuse pour un jeu de 1991 : Gir Draxon, grand méchant mégalomane bien décidé à conquérir tout l’univers, a survécu à la raclée que vous lui avez infligé dans Stellar 7, et il est bien évidemment tombé pile-poil à côté d’une installation mystérieuse qui lui permet de reconstruire toute son armée en un temps record.

La plupart des problèmes se résoudront en tirant – reste à savoir où

Installé bien au chaud dans un champ d’astéroïdes, votre héros intercepte un message de détresse en provenance de Nova 9, et décide naturellement d’intervenir tout seul avec son super tank histoire de justifier la généreuse pension que lui verse la terre reconnaissante. Vous allez donc signer pour ce qui ressemble peu ou prou au même programme que dans le premier opus : voyager de planète en planète, mettre la pâtée aux forces de Gir Draxon et aller lui expliquer qu’il faut vraiment qu’il change d’idée fixe avant que tout le monde se fâche. Bref, pourquoi changer une formule qui gagne ?

Et pourtant, le joueur espérant trouver un jeu de tir décérébré lui proposant d’aligner les cibles sans se poser de question – étrennant ainsi une sorte de Battlezone moderne comme l’avait été le premier opus – risque d’en être pour ses frais. De fait, l’objectif premier du jeu sera à chaque fois d’emprunter le téléporteur vous emmenant à la planète suivante – la vraie question étant de savoir comment faire apparaître ce téléporteur.

Lâché au milieu de bumpers géants, que faire ?

Et c’est là que se dessine le problème : vous n’en savez rien. Faudra-t-il tout détruire ? Vaincre un ennemi en particulier ? Parvenir à contourner un champ de force ? Ce sera à vous de le découvrir, souvent en ne comptant sur aucune information ni sur le moindre briefing : vous voilà donc largué au milieu de nulle part à bord de votre tank ultramoderne et de sa batterie de pouvoirs qui n’a pour ainsi dire pratiquement pas changé depuis l’épisode précédent, avec pour objectif de comprendre comment avancer tout en résistant à une opposition déchaînée qui ne vous fera aucun cadeau. Autant vous prévenir : la prise en main risque d’être délicate, car vous devrez faire face dès le premier niveau à un véhicule invulnérable capable de vous faire beaucoup de dégâts, et ce sera à vous qu’il appartiendra de comprendre comment le vaincre – et même de découvrir si c’est réellement ce que vous êtes censé faire. Une approche un tantinet extrême de type « expérimente et meurs » qui ne sera pas nécessairement du goût de tout le monde, notamment du côté de ceux qui estiment que savoir ce qu’ils sont censés faire constitue la base absolue d’un concept vidéoludique.

Les boss sont souvent redoutables, surtout parce que rien ne vous indique comment les vaincre

On pourrait ainsi dire que pour le joueur lambda qui n’attendait rien d’autre qu’un jeu de tir en 3D, la découverte de Nova 9 risque de se faire en deux phases : une phase initiale d’intense détestation où on n’a aucune idée de ce qu’on est censé accomplir tandis qu’on nous largue dans un univers ultra-punitif où on ne nous laisse pour ainsi dire jamais le temps de faire nos expériences, et une phase un peu plus apaisée, après trois ou quatre parties, où le titre commence à se révéler vraiment intéressant dès lors qu’on commence à comprendre sa logique et ses mécanismes – mais où on serre toujours les dents face à sa difficulté, due en grande partie à la puissance de feu des boss adverses qui vous laissent très peu de marge de manœuvre.

Franchir un téléporteur représentera toujours un intense soulagement

Ce côté extrême, même dans la difficulté la plus basse, tend à pénaliser maladroitement un logiciel qui met pourtant un réel point d’honneur à varier les environnements et les situations pour se renouveler sans cesse, quitte à ne jamais offrir le défouloir décérébré qu’on aurait parfois aimé y trouver, ne fut-ce que parce que cela aurait été plus reposant. Affronter un lézard géant et découvrir que le seul moyen de le blesser est de faire feu dans sa bouche lorsqu’elle est béante est par exemple une bonne idée, mais cela aurait mérité a minima quelques indices pour ne pas vous laisser patauger en vain, surtout dans un jeu où la moindre erreur signifie en règle générale le retour au début du niveau et où il n’y a ni sauvegarde ni système de mot de passe pour vous laisser reprendre là où vous en étiez : que cela vous plaise ou non, il faudra repartir du début à chaque fois.

La 3D tourne comme un charme sur un processeur puissant

C’est d’autant plus dommage qu’en se donnant la peine de prendre un peu plus le joueur par la main plutôt que de le punir systématiquement pour n’avoir pas compris immédiatement ce qu’attendait le game designer, Nova 9 aurait certainement fait sensation à bien des niveaux. Sa 3D est très efficace pour un titre de 1991 (on se doute qu’il valait mieux posséder une configuration assez coûteuse à l’époque pour espérer en profiter), les modèles d’adversaires sont très divers, les planètes ont chacune leurs teintes, leurs obstacles, leur faune et leur flore… sans oublier les cinématiques entre les niveaux, et un soin réel apporté à l’immersion et à la mise en scène.

Votre ordinateur vous délivre parfois quelques informations, mais rarement les plus pertinentes

Étrangement, je ne suis parvenu à trouver aucune trace du jeu au sein de la presse française de l’époque, ce qui m’invite à me demander s’il a été distribué en Europe, mais à sa manière le jeu est très loin d’être ridicule face à des titres comme Wing Commander ou Epic… À condition de l’aborder en connaissance de cause et d’être prêt à composer avec un aspect « réflexion » opaque et souvent frustrant alors que c’est rarement la raison pour laquelle on lance un jeu de tir en 3D. De quoi laisser bien des joueurs sur la touche – surtout parmi les moins patients et ceux qui ne trouvent aucun charme particulier avec la 3D primitive de l’époque – mais de quoi mériter aussi de laisser une chance à un titre pas assez connu qui aura opéré des choix intéressants, à défaut d’être tous pertinents. À découvrir, assurément, mais pas par tout le monde.

Vidéo – Le premier niveau du jeu :

NOTE FINALE : 13,5/20 Pensé comme une suite à Stellar 7 – ou, plus exactement, à son remake de 1990 – Nova 9 : The Return of Gir Draxon en reprend tous les mécanismes pour en faire une expérience mieux conçue et mieux réalisée, mais aussi profondément déroutante et d'une difficulté à toute épreuve. Alors qu'on s'attendait plus ou moins à une nouvelle déclinaison de Battlezone, le titre de Dynamix repose bien davantage sur la réflexion et sur l'expérimentation, parvenir à comprendre comment atteindre le téléporteur ou comment vaincre un ennemi trop puissant pour vos armes étant la clé de la plupart des niveaux. Pas vraiment pris par la main par un programme qui ne lui fait aucun cadeau, le joueur pourra être tenté de tout envoyer balader au bout de cinq minutes, mais les plus persévérants trouveront malgré tout un logiciel plus original qu'il en a l'air et qui aurait vraiment pu s'imposer comme un standard du genre s'il s'était montré plus accessible et moins punitif. En l'état, une curiosité à réserver aux joueurs patients et maîtres de leurs nerfs.

CE QUI A MAL VIEILLI : – Une difficulté très frustrante (même en mode facile !)... – ...avec des objectifs systématiquement flous – Aucun système de sauvegarde – Une dimension « puzzle » qui ne plaira clairement pas à tout le monde

Bonus – Ce à quoi peut ressembler Nova 9 sur un écran cathodique :

Version Amiga

Développeur : Dynamix, Inc.
Éditeur : Sierra On-Line, Inc.
Date de sortie : Septembre 1992
Nombre de joueurs : 1
Langue : Anglais
Support : Disquette 3,5″
Contrôleurs : Clavier, joystick, souris
Version testée : Version disquette testée sur Amiga 1200
Configuration minimale : Système : Amiga 1000 – OS : Kickstart 1.3 – RAM : 1Mo
Modes graphiques supportés : OCS/ECS – emploie le mode vidéo EHB (64 couleurs)
Lecteurs de disquette additionnels supportés

Vidéo – L’introduction et l’écran-titre du jeu :

Nova 9 aura dû attendre quelques mois pour atterrir sur Amiga, où il sera apparu à une époque où il ne pouvait pas encore viser l’Amiga 1200 qui allait être commercialisé en octobre de la même année. Deux conséquences immédiates : la première est qu’il ne faudra pas compter ici sur des graphismes en 256 couleurs, réservés à l’AGA – la palette de l’Amiga 500 s’en tire heureusement très bien, que ce soit pendant les cinématiques ou pendant le jeu, et seuls quelques dégradés un peu bruts de décoffrage nous rappellent que la réalisation avait été originellement pensée pour le VGA. La deuxième est que les disques durs ne représentant pas encore franchement un équipement standard pour les Amiga 500, on assiste à quelques coupes histoires d’alléger le contenu : oubliez par exemple tous les écrans servant à présenter votre base en prélude d’une mission, désormais vous démarrez directement à l’intérieur du tank, et si vous voulez changer quelque chose (au hasard, la difficulté), il vous faudra impérativement aller regarder dans le manuel pour apprendre que les options sont accessibles via F10. Si le jeu ne tourne naturellement pas à 60 images par seconde sur une configuration d’époque, il a le mérite d’être jouable dès l’Amiga 500 et à peu près fluide sur Amiga 1200. En revanche, l’absence de deuxième bouton sur le joystick obligera à passer par le clavier ou la souris pour changer de pouvoir. La réalisation sonore restant aussi discrète que sur PC passé l’introduction, on tient une version logiquement légèrement inférieure à l’originale, mais qui ne souffre qu’assez peu des sacrifices opérés ; l’honneur est sauf, donc.

Une fois en jeu, on ne peut pas dire qu’on sente beaucoup qu’on a perdu des couleurs

NOTE FINALE : 13/20

Porté sur Amiga, Nova 9 y laisse quelques plumes qui empêchent ce portage d’être tout à fait à la hauteur de la version originale sur PC, mais dans l’ensemble les quelques coupes opérées sont suffisamment minimes pour qu’on ne se sente pas trop lésé une fois le clavier, la souris ou le joystick en main. Une alternative très correcte pour ceux qui préfèreraient découvrir le jeu sur la machine de Commodore, donc.